Dario CIPRUT (avatar)

Dario CIPRUT

Retraité militant antiraciste et du droit des étrangers

Abonné·e de Mediapart

18 Billets

0 Édition

Billet de blog 24 avril 2022

Dario CIPRUT (avatar)

Dario CIPRUT

Retraité militant antiraciste et du droit des étrangers

Abonné·e de Mediapart

Gauche présidentielle 2022 - Pourquoi je vote Macron au 2ème tour

J'entends dire ici pourquoi je vote Emmanuel Macron (par procuration) à ce 2ème round l’opposant à Marine Le Pen dans l’espoir que celles et ceux qui accordent quelque intérêt à ce que je partage, qui s’apprêtent à voter au 2ème tour des présidentielles ou vu le caractère tardif de ce document s’intéressent rétrospectivement à l’interprétation des résultats, en fassent éventuellement leur miel.

Dario CIPRUT (avatar)

Dario CIPRUT

Retraité militant antiraciste et du droit des étrangers

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

J’ai beaucoup d’amis qui, unis avec moi dans la détestation des conséquences du quinquennat qui s’achève, et bien que convaincus des dangers supérieurs que représente une éventuelle présidence de Marine Le Pen, s’interrogent néanmoins sur les vertus d’un nième « vote utile » n’augurant au mieux que de la poursuite des méfaits précédents. Ces derniers sont tentés par le vote blanc ou l’abstention, que d‘ailleurs Jean-Luc Mélenchon s’est, contrairement à ses concurrents de gauche, Jadot et Hidalgo,  refusé à condamner, se contentant de tonitruants et répétitifs « pas une voix pour Marine Le Pen ». D’autres amis, plus libertaires que démocrates, préconisent l’abstention par dégoût de la représentation politique instituée, où les promesses électorales ne seraient que l’antichambre de leur arbitraire et comme on dit n’engagent que les gogos qui y croient encore. Je ne discuterai ici que les options laissées aux premiers, ceux donc qui comme moi trouvant Macron et Le Pen inégalement haïssables, pensent malgré tout important de peser sur l’issue du scrutin sans professer qu’elles se valent toutes et qu’il convient de regarder ailleurs en méprisant les jeux du cirque électoral.

Le dilemme auquel les autres sont, une fois encore, confrontés est d'avoir à trancher entre deux maux et, à moins de négliger leurs différences en les renvoyant dos à dos, de savoir choisir le moindre, comme l'exemple de la peste et du choléra, deux épidémies aux conséquences dévastatrices, nous y invite symboliquement.

Pour être tout à fait précis, j’exclus le vote pour LePen, lequel tente certains enragés comptant, contre toute expérience historique, à un bénéfice potentiel du fascisme pour réveiller les masses assoupies et leur ouvrir les yeux, vu qu’il assommerait quiconque oserait douter de ses vertus. J’ignore également  tant l’abstention involontaire par inscription défectueuse, que les bulletins invalides (gribouillés, multiples etc.) dits « nuls ». Il n’y a donc mathématiquement pour chaque citoyen inscrit que 3 possibilités ouvertes, déposer un bulletin  « Macron », un bulletin « blanc » (vierge ou enveloppe vide),  ou s’abstenir de voter : Macron/Blanc/Abstention.

Sur le bulletin blanc

Hélas, le vote blanc, marquant le refus explicite de l’alternative proposée et donc une défiance par rapport aux deux concurrents, n’est aujourd’hui pas pris en compte dans le scrore en pourcentage déterminant et, bien que décompté séparément, est déduit des votes exprimés en l’amalgamant avec les invalides sous la rubrique « blancs ou nuls ». Malgré l’impossibilité de les distinguer autrement que par sondages au sortir des urnes, interdits dans le cas d’espèce, ou par des fuites organisées pendant le dépouillement, tout aussi prohibées, ils n’en restent pas moins distincts de l’abstention. Certes on peut songer à exploiter la statistique différenciée des « blancs ou nuls » pour estimer la dimension du désaveu du scrutin mais cela reste sans impact sur le résultat du vote. Quoi qu’il en soit de la possibilité d’estimer ce désaveu, il reste qu’un bulletin « blanc » n’équivaudra jamais à un bulletin favorable à l’un des concurrents, ici « LePen ». En effet, un tel bulletin prive symétriquement chacun des deux concurrents d’une voix qui aurait pu autrement alimenter le compte de l’un ou l’autre, ou plus correctement du point de vue statistique, il faudrait pour le prendre en compte dans le décompte global accorder une demi-voix à chacun. Le bulletin LePen accorde une voix à LePen et zéro à Macron. Donc le bulletin blanc vaut dans le décompte final la moitié de celui en faveur de l’un ou l’autre des concurrents. Évidemment, un bulletin pro-Macron peut en cas de vote ultra serré, à lui seul faire pencher le scrutin en sa faveur pour peu que les autres s’équilibrent exactement, alors que le bulletin blanc est assuré de ne rien changer à cet équilibre. La différence avec le vote pro-LePen devrait sauter aux yeux. L’accusation de faire le jeu de l’un ou de l’autre en mettant un bulletin blanc dans l’urne est en réalité calomnieuse et infamante, puisqu’elle refuse de reconnaître que ce dernier prive chaque concurrent d’une demi-voix par rapport à l’entière qui aurait pu lui être attribuée si on avait pris un bulletin portant le nom d’un candidat. C’est pourquoi je suis hostile à toute criminalisation de qui entend voter contre en ayant pris la peine de se déplacer en déposant un bulletin blanc. Le problème d’un tel acte est double : d’une part même en comptabilisant globalement son vote on ne sait pas si le votant penche malgré tout plutôt d’un côté ou l’autre car il les traite à égalité par la négative, de l’autre dans le fait qu’on le confond pour l’instant en France avec le bulletin invalide (notez qu’il suffirait d’autoriser, comme c’est le cas en Suisse, de raturer ou « biffer » un candidat pour dissiper toute équivoque du bulletin blanc en ciblant le désaveu sur un des candidats). Il est d’autant  plus paradoxal de s’en prendre au vote individuel de celle ou celui qui dépose un bulletin blanc, si son vote au premier tour a handicapé la victoire d’un candidat promettant dans un programme crédible d’en finir à l’avenir avec cette confusion (le cas de ceux qui hurlent contre Mélenchon de tolérer le vote blanc après avoir contribué à l’éliminer du second tour).

Sur l’abstention

L’abstention pose un problème redoutable d’interprétation, car les raisons en sont multiples et difficilement départageables. On peut s’abstenir par désintérêt pour l’enjeu, paresse de se déplacer au local de vote, mauvaise inscription, oubli du scrutin, retard d’envoi postal en cas de vote par correspondance, panne internet en cas de vote en ligne, dégoût du système électoral en général, négligence et j’en oublie. Par opposition au vote blanc qui indique un désaveu volontaire quant au choix offert aux citoyens, il est donc nettement plus ambigu, le seul inconvénient de ce dernier, lorsqu’il est pris en compte, étant comme dit plus haut d’être symétrique, laissant ouverte la question d’un rejet particulier de l’un des candidats.

Conviction et responsabilité

Plus sérieusement, il s'agit de savoir si on peut se contenter de voter selon ses convictions, en manifestant par un bulletin blanc sa double opposition à l’alternative, ou s'il faut faire appel à notre sens des responsabilités, par un vote dit "utile" ou "efficace", contrairement à notre premier geste de défiance partagée en choisissant un bulletin fourni. Il s'agit même de plus que de supputer les effets directs ou immédiats des deux décisions, mais aussi de savoir laquelle des deux issues, une présidence Macron ou LePen, nous mettrait en meilleure position pour avancer ensuite dans la direction d'une France plus sociale, plus écologique et plus démocratique que le quinquennat qui s'achève demain.  Pour ce qui nous concerne, cela exige une forte majorité d'une alliance de gauche (ou selon le vocabulaire mélenchonien "populaire") aux législatives capable d'engager, indépendamment de la présidence, le combat des solutions régressives contraires aux buts formulés. Je tiens pour évident, comme nombre de billets ou d’articles le démontrent abondamment, que le pire serait le corset démocratique dans le chaos économico-social que nous imposerait dès le lendemain une victoire du fascisme lepéniste dissimulé sous des traits lénifiants qui ne trompent heureusement pas la majorité du pays. Enfin, il devrait tomber sous le sens que le vote de conviction prêché par les mêmes qui le dénigrent au second n’était pas plus valable au premier dans les circonstances du vote uninominal de l’élection présidentielle française. Ils ajoutent l’incohérence à leur erreur de perspective.

Conclusion

Je voterai donc contre Le Pen en glissant le bulletin Macron, mais m’abstiendrai d’agonir d'injures celles et ceux que je crois dans l'erreur et qui tout en se conformant au "pas une voix pour LePen" s'aviseraient de voter blanc. Ceux qui s’abstiennent sont un peu plus pendables pour marquer un désintérêt d’un scrutin qui, quoi qu’on en dise, déterminera une part de leur avenir de citoyens même irresponsables, sans qu’on ait à les traiter en les confondant avec qui vote pour le pire.

Dario Ciprut, 24.04.2022

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.