A (II) Rh+, Mères sans chatte
La compagnie de briques et de craie, dirigée par Camille Hazard, propose deux monologues de l’auteure Moldave Nicoleta Esinencu, Mères sans chatte, et A (II) Rh+. Deux textes qui accusent à travers le quotidien d’une famille, l’inertie d’un peuple qui devrait se construire autrement, afin de trouver en eux les ressources d’hommes nouveaux.
Le premier monologue, Mères sans chatte, est une pièce qui imagine la dépendance d’une enfant traitée de pute par sa mère et sa grand-mère. Cette enfant apprend, par coeur : « que la confiture, on la fait en été et on la mange en hiver et que le café c’est pour les adultes ». Le « mazerfack ! » à la fin de sa leçon, nous donne, sans ambiguïté, par la suggestion d’un concombre ou d’une banane, la métaphore de toute la révolte qui éveille, à une autre réalité, l’adolescente.
Le second texte, A (II) Rh+, raconte le nationaliste zélé d’un père de famille atteint de la paranoïa xénophobe. Son endoctrinement l’enlise dans un discours révisionniste, raciste et antisémite. Ce père dans le cadre de son travail propose, à chaque jour de la semaine, une journée de la haine envers les Tsiganes, les Hongrois, les Américains, les Arabes, les femmes etc., puis nous raconte que chez lui : tu peux être tué parce que tu es noir, jaune, parce que tu es une femme, un homme, parce que t’es maigre, gros, blonde, brune, vieux, jeune, ou tout simplement parce que tu es.
Pour la signification du titre de la pièce qui peut paraître obscur, le personnage nous dit : « le mieux c’est que ce soit AII Rh positif c’est le meilleur groupe sanguin », puis rajoute « A II Rh positif pour que vous soyez compatibles pour ne pas faire un handicapé ». Tout est dit chez Nicoleta Esinencu, en quelques phrases, de l’effroi que colporte la haine dans le repli de soi-même et la peur du prochain.
Merci à Camille Hazard et Sébastien Peyrucq de nous avoir fait découvrir avec art et intelligence ces deux textes de la lignée d’un Edward Bond ou d’une Sara Keane, et dont la mise en scène et le jeu nous ont complètement intériorisés dans l’univers d’une grande dramaturge.
Le théâtre de Nicoleta Esinencu est ouvertement politique. Il s’adresse, le plus souvent, à ses concitoyens moldaves ; pour aller de l’avant dans l’histoire d’un pays ballotté de Transnistrie à l’ancienne Union soviétique pour aboutir à une récente indépendance ; où la vigilance démocratique reste essentielle aux yeux de l’auteure. Le questionnement politique de Nicoleta Esinencu nous interpelle sur la langue, la condition féminine et le nationaliste d’une saisissante actualité, qui nous parle bien au-delà de la Moldavie.
L’écriture allégorique de Nicoleta Esinencu, dénonce la misère sociale dans le postcommunisme. L’urgence de la parole, dans ce qui fût le silence d’une peur froide, devient la lave d’un volcan revendiquant une nouvelle citoyenneté. Son théâtre témoigne de la violence sociale de son pays par une prose dite « dans ta gueule » qui n’est nul besoin d’expliquer ici. Comme cela arrive souvent aux auteurs, Nicoleta Esinencu n’est pas prophète en son pays. Heureusement pour nous, son théâtre engagé, est reconnu et publié en France, en Allemagne et en Roumanie. Nous espérons que cet article vous aura donné la curiosité de voir et/ou de lire, une dramaturge Moldave inspirée.
A (II) Rh+, Mères sans chatte
De Nicoleta Esinencu
Mise en scène et jeu Camille Hazard et Sébastien Peyrucq
Traduction des textes Mirella Patureau
A été joué le 30 et 31 octobre 2015 dans la salle Le Triton.
D’autres dates sont prévues. Elles seront annoncées sur le site de La Compagnie de Briques et de craie :
http://compagnietheatrebc.wix.com/compagniebc
Le Triton
11 bis, rue du Coq Français - 93260 LES LILAS
Métro Mairie des Lilas
Billetterie / Renseignements : 01 49 72 83 13