Quand un artiste par la fiction d’une oeuvre, sensible au malheur d’autrui, est porté au monde, il a à coeur, dans la société des hommes, de rendre compte de la condition humaine. Si l’homme est mauvais, il raconte le mal. Si l’homme est bon, il raconte le bien. Si l’homme est tiède, il l’invite à découvrir le chaud et le froid : « Je connais tes oeuvres. Je sais que tu n'es ni froid ni bouillant. Puisses-tu être froid ou bouillant !… l’Apocalypse.
Les censeurs ne sont pas les créateurs ! pourrait résonner dans le landerneau de l’art comme un célèbre dicton. Avant tout a priori, ils ne devraient pas trop conseiller, mais plutôt chercher à comprendre, un écrit de fiction. Personne n’est obligé de voir une création de Rodrigo Garcia. Oblige-t-il le public à entrer dans son théâtre ? La tolérance seule peut réunir l’Homme autour d’un feu d’intelligence. Tout est là. Dans la Bible il est écrit : « ne l'en empêchez pas, car qui n'est pas contre vous est pour vous ». Croire ou ne pas croire n’empêchera pas la création d’être. Si le poème n’existe pas pour vous, il a été, il est, et il sera… pour un autre. Car l’homme, ne l’oublions pas, a son libre arbitre.
L’évocation que Garcia fait dans sa pièce Golgotha Picnic, donne un regard désenchanté de notre société humaine, se vautrant dans la malbouffe et dans un absolu égoïsme.
Le nom humanité n’est pas vain dans sa poésie créatrice. Ce nom, humanité, est le propre de son poème. N’empêchez pas au poète de penser, car lui ne vous empêchera jamais de croire.
Le chaos dont parle l’auteur dans la pièce, vient de son enfance éduquée au catholicisme. L’effroi, qu’il a ressenti enfant, devant l’image de la crucifixion, a mué sa croyance en une icône sanglante : « le baiser que ta mère te donnait dans ton lit, chaque soir avant de dormir, quand tu étais petit, était une prémonition de la mort ». D’où sa déception face à ce qui ne devait être que verbe et amour.
Si Garcia provoque son public et l’appelle à sortir de ses gonds, c’est que le monde d’aujourd’hui provoque et agresse une humanité déboussolée. La violence dont il témoigne est à la mesure de la barbarie des hommes : « Il était nécessaire de faire mal et de blesser pour faire coexister l’inconciliable ». Tout ceci n’est pas gratuit ; son théâtre est politique, et ce n’est qu’avec une écriture percutante et dérangeante qu’il peut contrer les débordements de ce monde en folie. L’artiste fait un don à son public, il donne une représentation ; c’est l’expression que l’on emploie pour définir la générosité d’une oeuvre. Et, rien ne nous est parvenu, pour dire la pauvreté d’un spectacle. La Bible le résume ainsi : « Tel, qui donne libéralement, devient plus riche; et tel, qui épargne à l'excès, ne fait que s'appauvrir ».
L’impropriété du langage est souvent cause de malentendu. De cette impropriété naissent les divergences d’interprétations. Celui qui interprète de manière trompeuse et abusive, n’est ni avec autrui, ni avec lui-même. Chacun a le droit à sa propre lecture de ce qui lui est sacré ou non, mais c’est l’interprétation malhonnête de cette lecture, la volonté de nuire à ce que l’on ne connaît pas, qui fait souci. Si la réalité peut parfois être fiction, il est dommageable que la fiction devienne parfois réalité. Golgotha picnic n’est qu’une fiction rappelons-le ; elle appartient à l’étoffe des rêves, comme le disait si bien Shakespeare **.
* Suite à une plainte de l'AGRIF, Les Solitaires Intempestifs (solidairement avec Le Théâtre du Rond-Point) avaient été convoqués au Tribunal correctionnel le 30 octobre 2015 à la 17e chambre, boulevard du Palais, 75001. La Procureure de la République ne semblait pas très d'accord avec l'ordonnance de renvoi de son collègue magistrat instructeur.
Ci-dessous, le dernier communiqué de presse, des Solitaires Intempestifs, sur le procès « Golgotha » :
La Procureure a affirmé, d'une part, qu'il était incontestable que le texte était une fiction (il est vrai qu'il était possible d'en douter !) et d'autre part qu'elle "ne voyait pas en quoi ces propos étaient susceptibles d'entrainer la provocation".
Nous ne sommes pas à l'abri d'une décision intempestive, attendons la décision du tribunal *** qui sera rendue le 10 décembre 2015 pour nous réjouir que la liberté d'expression est possible en France en ce début du XXIe siècle.
** Shakespeare (1564-1616) écrivait dans La Tempête, en 1610 : « Nous sommes faits de la même étoffe que celle des rêves, et notre petite vie est entourée de sommeil. »
*** La relaxe a été demandé
Golgotha picnic
Rodrigo García
- Éditions Les Solitaires Intempestifs
- 1 Rue Gay Lussac
- 25000 Besançon
- http://www.solitairesintempestifs.com
- ISBN : 978-2-84681-329-7
- Date de parution : 25-10-2015
- Nombre de pages : 80 pages
- Collection : Bleue