
Jamais artiste ne fut plus empêchée, dans son art et sa vie, que Camille Claudel (1864- 1943). C'est dans sa propre famille que l'on trouve ceux qui ont le plus entravé son génie créateur. Sa mère, en tout premier lieu, véritable harpie sans pitié qui, par aversion pour l'art de la sculpture qui l'outrage, prive Camille d'un amour maternelle. Cette bigote, que l'on dirait aujourd'hui ointe d'un catholicisme traditionaliste, lui voue un désamour sans partage. Son frère Paul fait montre d'une certaine lâcheté ; et tel Ponce Pilate, s'en lave les mains. Seul le père de Camille est un soutien sans failles. Très tôt, il a pressenti tout le talent de son enfant et l'a recommandé à Alfred Boucher qui sera (avant Rodin) son premier maître.
C'est sur cet axe de recherche que Wendy Beckett a mené à bien sa mise en scène jouée et dansée « de l’ascension à la chute » d'un des plus grands sculpteurs de tous les temps. La scénographie de Halcyon Pratt par une simple toile au lointain, représente l'atelier de Rodin où : « les textures et les nuances du plâtre, du marbre et de l’argile, de la terre, de la peinture et de la toile » nous donnent, avec la lumière de François Leneveu, les projections de Régis Lansac, à voir l'âme nue des œuvres de Camille Claudel, via la chorégraphie de Meryl Tankard. Les interprètes, à la « chair d’argile » , ont une belle présence et accompagnent avec brio Célia Catalifo sublime Camille Claudel, bien secondée par Swan Demarsan, un Rodin sobre dans son indétermination. Christine Gagnepain joue Mme Claudel, elle nous prouve qu'une bonne comédienne peut être détestable pour ravir son public. Le jeune Claudel, Clovis Fouin, est un peu en retrait, peut-être que son rôle n'est pas assez écrit pour être plus présent ? Tous ces comédiens sont superbement habillés par Sylvie Skinazi.
À travers cette pièce biographique, Wendy Beckett rend un très bel hommage à l’icône de la sculpture française : « Elle reste un symbole pour les artistes féminines partout dans le monde - une parabole pour rappeler aux femmes que celles qui vont à l’encontre des valeurs de la société peuvent être punies, détestées, calomniées et peut-être même enfermées ! ».
Le point de défense de Wendy Beckett (elle est aussi psychologue) penche clairement sur une condition mentale mal diagnostiquée et d'un internement de trente ans infligé par une famille bourgeoise et réactionnaire. Cela ne serait plus possible aujourd'hui. Pour l’auteur pas de doute, Camille était capable d’exister au sein de la communauté: « ce qui est exceptionnel c’est qu’au cours de sa courte vie artistique, Claudel nous ait laissé un immense héritage de sculptures, et qu’elle reste aujourd’hui, sur une échelle internationale, une des plus grandes sculptrices (…) ». Cette pièce devrait plaire à un large public, bien au-delà des nombreux admirateurs de Camille Claudel.
CLAUDEL
écrit et mis en scène par Wendy Beckett
chorégraphies Meryl Tankard
scénographie Halcyon Pratt
projections Régis Lansac
costumes Sylvie Skinazi
lumière François Leneveu
avec Célia Catalifo, Marie-France Alvarez, Marie Brugière, Swan Demarsan, Sébastien Dumont, Audrey Evalaum, Clovis Fouin, Christine Gagnepain, et Mathilde Rance
THÉÂTRE DE L'ATHÉNÉE-LOUIS JOUVET
Sq. de l'Opéra Louis-Jouvet
7 rue Boudreau - 75009 Paris
http://www.athenee-theatre.com/saison/spectacle/camille_claudel.htm
01 53 05 19 19