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Médée comme tous les personnages mythiques (Antigone, Œdipe etc.) a toujours fasciné écrivains et metteurs en scène. Cette femme que l’on dit barbare, magicienne et passionnelle, suscite au fil des époques les réécritures et les adaptations. Simon Stone artiste associé à l’Odéon-Théâtre de l’Europe, n’échappe pas à cette tentation et présente une création adaptée de la Médée d’Euripide* et d’un fait divers contemporain des années 90.
Pour son adaptation Simon Stone a changé le cadre historique, les lieux (la Colchide et Athènes ) et le statut social des personnages. Ainsi, la Médée contemporaine n’est plus une magicienne, personnage hellénique spécifique, mais une chercheuse en pharmacie, ayant un poste à responsabilité dans une grande entreprise.
Anna et Lucas dialoguent à propos d’un tableau : « On nous faisait peindre chaque jour », dit Anna qui revient juste d’un internement en hôpital psychiatrique, après avoir tenté d’empoisonner Lucas son mari infidèle, ce qui lui vaut d’être privée de garde de ses enfants. Cette toile représente une arche de Noé chargée de la mort. Peinture qui peine à cacher la réalité de ce qui va advenir à court terme. Si l’adultère de Lucas, au profit de Clara la fille du patron, n’excuse en rien les actes criminels d’Anna, il peut expliquer son esprit vengeur et vindicatif. Elle veut reconquérir son mari qui lui voudrait divorcer au plus vite. Lucas reste sourd aux arguments de sa femme qui n’a pas la bonne conversation souhaitée. Pourtant il succombe à Anna la transgressive, Anna la fascinante. Lors de leurs ébats, leurs enfants, dont le devoir d’école a pour thème la famille, filment Anna et Lucas dans leur intimité.
Déjà tombe la neige noire, cendre des ténèbres, qui augure d’un terrible dénouement
La Medea de Simon Stone ne se joue pas dans l'habituelle boîte noire de théâtre, mais dans une boîte blanche. La blancheur du mariage, de la page blanche, du vide, de la pureté, de la mort et du deuil dans certaines cultures comme le Japon ou la Chine. Cette cendre noire dans l’immensité blanche est une image forte de la scénographie de Bob Cousins. Si l’adaptation « Medea » de Simon Stone semble mettre l’accent sur la vengeance d’une femme trahie dans une société phallocrate, nous pouvons également lire entre les lignes de cette mise en scène, un fait divers mythique qui par l’infanticide d’Anna remonte à sa source primordiale.
Par un mécanisme d’adaptation les écrivains qui se sont inspirés de la Médée d’Euripide, nous ont transportés vers d’autres cultures en s’appuyant sur ce personnage de papier qui, incarné au théâtre, prend une troublante réalité. Le mythe de Médée devient chez Simon Stone un sujet qui aborde les paradoxes d'une culpabilité inhérente à la société. Il met au banc des accusés plusieurs coupables possibles.
Cette Medea, formidablement réussie par Simon Stone, doit aussi son succès à la lumineuse Marieke Heebink membre de la fameuse troupe du Toneelgroep d’Amsterdam, dirigée par Ivo van Hove qui nous a fait connaître, en 2015, ce metteur en scène de dimension internationale.
Pour ceux qui n'auraient pu voir cette Medea (trop limité dans le temps), ils pourront se rattraper avec Les Trois Sœurs de Tchekhov que Simon Stone créera en français, la saison prochaine.
* Dramaturge Grec -480 av J.C -406 av J.C
Medea
du 07 juin au 11 juin
d’après Euripide
texte et mise en scène Simon Stone / artiste associé
en néerlandais surtitré
avec Fred Goessens, Aus Greidanus jr., Marieke Heebink, Bart Slegers, et Eva Heijnen, David Kempers, David Roos, Jip Smit
traduction Vera Hoogstad, Peter Van Kraaij
dramaturgie Peter Van Kraaij
scénographie Bob Cousins
lumière Bernie van Velzen
son Stefan Gregory
costumes An D’Huys
production Toneelgroep Amsterdam
avec le soutien de Fonds 21, Joost et Marcelle Kuiper
durée 1h20
Odéon Théâtre de l'Europe
Place de l'Odéon
Paris 75006