
« La petite Catherine de Heilbronn » de Kleist*, est une histoire d’amour dans un monde de légende médiévale, avec prise de château fort, incendie, procès, etc. Nous nous attendons donc à des alcôves secrètes, des oubliettes féeriques, voire même gothiques, au lieu de quoi nous avons un chœur de femmes de théâtre antique. Ce chœur nous parle au nom de Théobald, le père de Catherine, de Cunégonde, ainsi que de l’armurier d'Heilbronn. Le tout entre deux songes, avec un ange pour écuyer.
Le prologue nous installe dans le rêve du Comte de Strahl. Il fait face à une mariée qu’il regarde avec passion. Mais la boule noire d’un cauchemar enlise la jeune femme et l’a fait disparaître. De la boule, qui est maintenant une boue informe, naît le chœur. Il nous raconte l’histoire de la petite Catherine qui un jour a tout quitté pour suivre, comme aimantée, le Comte von Strahl. Mais la fille d’un armurier peut-elle épouser un noble chevalier ? C’est pourtant qui arrive. La petite Catherine, fille d'un forgeron d'Heilbronn, épouse par amour le comte Frédéric von Strahl.
La mise en scène d’Isabelle Janier s’est bien adaptée au théâtre en pierre de l’Épée de bois. Son mur et ses portes voutées bien en lumière (Flore Dupont) nous transportent où l’action se déroule. La pièce de Kleist est passionnante avec une idée simple : Catherine reconnaît le comte qui lui ne la reconnaît pas. Il fait le même songe, sans avoir pu voir son visage : « Elle monte sur scène sans rôle parce qu’elle l’a reconnu et qu’elle veut le voir de plus près. (...) L’amour, on ne le reconnaît pas. Strahl demande à Catherine de partir. (...) Il lui fait promettre de ne pas chercher à le suivre. Elle promet ». Voilà la source de cette promesse, car elle s’en remet à l’Amour en toute confiance.
Dans sa direction d’acteur Isabelle Janier, après un temps d’adaptation, nous a fait oublier, en l’imposant, « le chœur antique » composé de Leïla Guigue, Zoé Guillemaud, et Kritina Strelkova. Isolde Cojean prouve que le genre au théâtre fait le moine ou le Burgrave si vous préférez. Ava Baya devra se faire mieux entendre pour que sa Catherine soit plus consistante. Ce qui n’est pas le cas pour Pierre Pfauwadel très présent dans le rôle de Strahl, ainsi que « son ange gardien » Corentin Etienne. Dans l’ensemble cette première est encourageante et pleine de promesses pour les prochaines représentations, mais il faudra veiller à se faire entendre dans un rythme plus soutenu, et a contrario ne pas crier sans raison. Nous sommes persuadés qu'Isabelle Janier saura corriger les petits soucis de sa jeune troupe.
*Heinrich von Kleist écrivain allemand (1777-1811)
LA PROMESSE d’après La Petite Catherine de Heilbronn de Heinrich von Kleist
Dans une traduction de Yves Nilly
Adaptation et mise en scène : Isabelle Janier
Lumière – Flore Dupont
Costumes – Coline Ploquin
Création musique – Jeanne Susin accompagnée de Olivier Schlegelmilch
Avec : Ava Baya, Isolde Cojean, Leïla Guigue, Zoé Guillemaud, Kristina Strelkova, Corentin Etienne, Pierre Pfauwadel
Théâtre de l'Epée de bois
Jusqu'au 29 mars 2020
Du jeudi au samedi à 20h30 / Samedi et dimanche à 17h