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La poésie de Shakespeare ne cherche pas l’éloquence et ne déclame pas de lieu commun. C’est l’essence de son être, dans l’instant de sa parole, qui la transcende. L’instinct du mot définit le verbe. Ce qui donne aux sonnets de Shakespeare la réflexion de venir à la vie en découvrant l’immensité de l’amour, la mort, le vrai. Si la poésie enfante un saisissement mystérieux ici et maintenant, elle se prolonge aussi dans l’avenir, où la nuit révèlera sa lumière.
Shakespeare a-t-il privilégié la forme conventionnelle du sonnet pour donner à voir une pensée en images ? 154 sonnets comme le film d’une vie avant l’invention du cinématographe. Ce qui fait de son théâtre une action poétique de la conscience de soi, dans la vivante densité des acteurs. Cette évidence des images, qui émane des sonnets, a peut-être détourné Shakespeare de la poésie des mots pour un art dramatique parfois poème ou a contrario poème parfois théâtral. D’ailleurs nous osons dire que son théâtre est poétiquement plus puissant que ses sonnets. Le grand Will se montre bien plus poète sur la scène que dans ses sonnets dont le côté autobiographique, sauf à de rares moments, n’est que dans l’imaginaire détourné et partiellement vécu par l’auteur. L’illusion donne parfois, au «je» lyrique des propos d’une poésie fictionnelle, transposée à la vie. Il ne faut pas chercher si loin, et ne pas s’étonner que le fantasme, des uns et des autres, soit inévitable.
Mais que nous dit Shakespeare dans ses sonnets ? Sinon que la vérité, l’amour, la mort se montre, à notre soif de curiosité, dès l’unique et première gorgée. L’instant de sa fraîcheur nous donne à la fois le savoir et l’oubli. Ce serait donc bien une méditation humaine de l’être au monde qui importerait au grand écrivain. De la manière la plus simple et la plus forte. Alors ne pourrions-nous pas penser que les sonnets shakespeariens, à la façon de notes poétiques, seraient de la matière première pour son théâtre ? Nous entendons les sonnets comme l’œuvre d’un dramaturge qui introduit le théâtre dans sa poésie. Nous pourrions aussi confirmer cette sensation à la lecture de ses pièces, bien avant la première représentation. En cela les sonnets participent intégralement à l’œuvre de Shakespeare.
Avec un tas de terre, planté de fleurs, pour figurer les vanités de toutes choses humaines, « les sonnets » sont accompagnés à la conception musicale par l’excellent Thomas Dunford « le Clapton » du luth dit-on. Dans sa mise en scène Louise Moaty a oublié de théâtraliser le poème, de transcender le verbe, ou vice-versa. Est-ce suite à l’expérience de dire les sonnets, dans d’anciens cimetières envahis par la végétation, que nous avons trouvé un manque d’audace et d’incarnation dans son jeu ? L’essence même de la poésie n’exalte-t-elle pas l’existence humaine ? Rappelons tout de même que Shakespeare voulait sa « The Dark Lady » ouvertement sensuelle et avilissante.
Mise en scène Louise Moaty
Conception musicale Thomas Dunford
Jusqu’au 16 décembre 2016 à Amiens
Théâtre de Caen
Du 27 au 29 janvier 2017
avec :
Louise Moaty comédienne
Thomas Dunford / Romain Falik luth
Scénographie
Louise Moaty & Christophe Naillet
Traduction
Louise Moaty & Raphaël Meltz
Regard sur la mise en scène
Geoffroy Carey
Accompagnement vocal
Claire Lefilliâtre
Costumes
Julia Brochier
Création lumière
Christophe Naillet
Maison de la Culture d’Amiens
Centre européen de création et de production
2 place Léon Gontier
CS 60631
80006 Amiens Cedex
Billetterie
03 22 97 79 77
accueil@mca-amiens.com
Horaires d’ouverture
Administration
03 22 97 79 79