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La mer du Nord en 1907. Un naufrage. Le Suffolk subit une terrible tempête. L’immensité liquide va sceller le destin de deux hommes, Willy et Collin. Tous deux vont être rejetés sur la grève avec une destinée contraire. L’un noyé, l’autre sauvé. Un drapier et garde-côte volontaire prend ces naufragés pour des extraterrestres ; et refuse de leur porter secours. Son délire va jusqu’à conditionner, contre ces « monstres », d’autres volontaires, dont Hollarcut qui devient son disciple.
Willy le rescapé, lors d’une répétition d’un spectacle amateur sur Orphée, va rencontrer Rose la fiancée du disparu Colin, ainsi que les notables de la ville. Madame Rafi, « une dame de fer », dont l’autorité trop zélée règne sur la communauté, met en scène cette pièce. Sur la plage, Evens, un vieux nihiliste occupe une cabane ; et fait part de sa philosophie à qui veut l’entendre.
La mer, c’est la douleur symbolique du monde contemporain, dont le mal se fait tempête. Elle initie l’homme à l’éveil, à la compassion d’autrui. La vague poétique se fait parfois bonasse et drôle afin que la métaphore sonde au mieux l’âme humaine.
L’énergie du sens, la clé de l’oeuvre Bondienne
En réponse à une lettre d’un metteur en scène*, à propos de sa pièce « La mer », Edward Bond donne quelques clés de son théâtre. Pour le concept, il serait plus facile de montrer. Car, pour Bond, les émotions n’existent que dans un contexte. Elles sont déclarations. En prenant pour exemple un ancien établi d’imprimeur, il dit que les lettres existent avant qu’on les utilise en imprimerie. Mais ce serait penser à tort qu’il en irait de même pour les émotions. Pour les humains, ce ne sont pas les lettres qui créent les mots et les phrases - mais vice-versa. Car le moi est créé par des actes de l’intellect. On ne peut pas plus séparer les émotions des significations qu’on ne peut séparer la mer de ses courants. La mer de Bond est dévastatrice dans l’action dramatique, elle nous montre le chaos humain par le déluge. Vous l’avez compris, l’élément physique de la mer met en parallèle les sentiments de la tragédie à la comédie, pour l’homme, et de l’eau dormante à la tempête, pour la mer. Dans les deux cas le sens est émotionnel. Cette énergie du sens physique et émotionnel est centrale dans l’oeuvre de Bond.
Mis à part une lourdeur dans le rythme entre les scènes, la pièce est bien « montrée » comme le dit si bien Bond. La mise en scène d’Alain Françon, dans une scénographie de Jacques Gabel, a le charme du classique mêlé à la technique contemporaine. La troupe du Français est une fois de plus dans l’excellence ; et ce n’est pas Cécile Brune, Elsa Lepoivre, ou Hervé Pierre qui nous démentirons.
* Michael Fuller dans le livre « L’énergie du sens » aux éditions Climats et la Maison Antoine Vitez
LA MER (Entrée au Répertoire)
d’Edward Bond
Mise en scène Alain Françon
Avec
Cécile Brune Louise Rafi
Éric Génovèse le Pasteur
Coraly Zahonero Mafanwy Price
Céline Samie Rachel
Laurent Stocker Evens
Elsa Lepoivre Jessica Tilehouse
Serge Bagdassarian Carter
Hervé Pierre Hatch
Pierre Louis-Calixte Thompson
Stéphane Varupenne Hollarcut
Adeline d’Hermy Rose Jones
Jérémy Lopez Willy Carson
Jennifer Decker Jilly
et les élèves-comédiens
Pénélope Avril une femme
Vanessa Bile-Audouard Davis et une femme
Hugues Duchêne homme du village Laurent Robert
5 mars jusqu’au 15 juin 2016, durée 2h05 sans entracte
Nouvelle traduction Jérôme Hankins
Scénographie Jacques Gabel
Costumes Renato Bianchi
Lumières Joël Hourbeigt
Musique originale Marie-Jeanne Séréro
Son Léonard Françon
Dramaturgie et assistanat mise en scène David Tuaillon
©photo-christophe-raynaud-de-lage
Comédie Française
Salle Richelieu
Place Colette, Paris 1er
Location 01 44 58 15 15
du lundi au samedi de 11h à 18h