
Beppe Navello homme de théâtre amène et lettré, croit avec force au brassage entre les nations, les arts et les peuples. Cette nouvelle édition 2016 n’a pas démenti sa volonté de métisser, dans ces lieux historiques, des créations innovantes, dans le regard contemporain des artistes, exprimant leur discipline en passant de l’intérieur à l’extérieur des demeures royales de Turino, Agliè, Racconigi, Rivoli, Stupinigi et Venaria Reale. Toutes classées au patrimoine de l’Humanité.
Voici donc un compte rendu de trois jours passés dans ces merveilleuses demeures royales
PICASSO PARADE
Dans le cadre unique et baroque du Palazzo Madama de Turin, (où l’ostentation était admise dans la première moitié du XVIII siècle), une famille de saltimbanques, au sortir d’un tableau de Picasso (1881-1973), danse, jongle et nous montre sa dextérité. Ce tableau vivant, mit en scène par Nicola Fano, redonne de la vie à ce lieu hautement historique, dans une agréable chorégraphie de Paolo Mohovich. Mais le texte, sur les mémoires et les poésies de Picasso, fait hiatus entre les corps libres et agiles des interprètes et le jeu théâtral proposé.

Là où le visuel suffit et donne matière à théâtre, la logorrhée du personnage parlant semble parasite dans la structure dansée. Partant du tableau de Picasso « famille de saltimbanques », nous aurions pu imaginer « l’élégie des saltimbanques » la cinquième de Rainer Maria Rilke (1875-1926) qui semblerait mieux adaptée. Mais la vision dansée de ce spectacle, nous a suffisamment comblés pour que nous donnions licence à ce hiatus sans grande gravité.
BODIES IN URBAN SPACES
Nous voici maintenant dans les espaces du trésorier du parc à Turin. Ce site (parc la tesoriera) inaugure une première présence du Teatro a Corte dans un jardin public. Quelle bonne idée ! De plus la journée est habillée d’un soleil bienveillant.

Willi Dorner, avec un groupe du cru, surprend le public du parc venu danser ou pique-niquer à l’ombre d’arbres centenaires et les implique dans un nouveau regard de leur habituel jardin. Un banc, une fontaine, un arbre, des murs, portes ou fenêtres donne à voir une quatrième dimension et casse avec la monotonie d’une vue trop prenable. Alors des petits êtres de couleurs vives se blottissent, se lovent, se coincent dans les moindres recoins du parc et de la ville, pour la plus grande joie des spectateurs accidentels.
LE CHAS DU VIOLON / EVOHÉ
Au Palais de chasse de Stupinigi, nulles proies ni chasseurs. Le cerf symbole du palais s’est fait funambule. Déjà invité avec Tarina et Hautes Pointures par Teatro a Corte, Les Colporteurs, compagnie de fildeféristes, reviennent au festival avec deux spectacles : Le chas du violon et Evohé.

Le premier raconte l’histoire d’une mère et de sa fille unies par un amour qui dépasse tensions et contradictions, sur le fil de leur rêve. Le second Evohé est une relecture du mythe de Thésée et du fil d’Ariane. Ces deux performances sont un véritable coup de coeur. Nous avons-là, avec ces Colporteurs, des funambules créatifs de grands talents. Sur une structure (l’étoile), qui fait penser à un objet d’art contemporain et tout autant à un portique de jardin pour enfants, nos funambules nous épatent de leur agilité que ce soit avec ou sans talons aiguille et tout cela en nous faisant oublier de la dangerosité de cet agrès magique. Tant ils s’amusent et prennent plaisir à nous divertir.
INSTANTS DE SUSPENSION

Agrandissement : Illustration 5

Restons en suspension au Palais de chasse de Stupinigi. Sur quatre fils que Pauline Barboux et Jeanne Ragu ont inventés et nommés « Quadrisse », deux jeunes acrobates et danseuses diplômées de l'Académie Fratellini nous ont offert une forme courte, pleine d’intensité et de grâce. L’une à l’autre assemblées, elles dessinent, dans le plein air du palais, des figures poétiques qui font de ce duo une sculpture charnelle, tout droit sortie d’un film de Cocteau. Un moment fort.
AS THE WORLD TIPPED
Ce spectacle aérien a été inspiré par les catastrophes du changement climatique de notre planète. La compagnie Wired Aerial Theatre a imaginé, par la métaphore d’une société aveuglée par le travail, qu’un tremblement de terre, a l’amplitude terrifiante, fait glisser des employés dans une chute irréversible. À la façon ouverture des jeux olympiques, les machinistes (tous inclus dans le spectacle) manoeuvrent la scène (grande plate-forme mobile) à l’aide d’une grue monumentale, qui, en se dressant à la verticale, devient un écran géant sur lequel les interprètes dansent, reliés à un fil dans l’infini de notre univers. Ce spectacle événementiel, après un début poussif, devient alors une performance de tout premier plan.

Pour terminer ce compte rendu, parlons des artistes italiens, hôtes d’un festival de fête. Car c’est bien d’une fête des arts et de l’architecture, dont il est question à Teatro a Corte 2016.
Marco Muzzolon a donné des fables et a invité le public à déambuler dans le parc où des chaises exposées illustraient les contes de notre enfance. Toujours l’enfance avec Claudio Zanotto Contino qui nous a conté, accompagné de son âne, les légendes populaires piémontaises dans illa Il Meleto de Agliè, la résidence d'été de Guido Gozzano, poète parmi les plus aimés du Novecento italien.
Ambra Senatore, chorégraphe habituée du festival, a ravi le public dans une « promenade au château » à la Venaria Reale, où elle a créé une chorégraphie d’une danse jouée, en lien avec l’architecture du palais.
Avec trois danseurs de sa troupe, Ambra Senatore a joué avec les fragments des vestiges baroques dans une réflexion sur les désirs et les faiblesses humaines. Elle renouvellera cette performance en septembre 2016, au château de Chambord en France.
Ces trois jours se sont conclus au Castello di Aglié, avec un projet propre au Festival. Trois chorégraphes, Inés Boza, Roser López et Andrea Costanzo Martin, ont travaillé en créant des microcosmes à explorer, dans une relation intime et complice avec les spectateurs.
Par son bouquet final, au palais royal de Venaria Reale, un extraordinaire spectacle pyrotechnique a enchanté le nombreux public de l’édition de Theatro a Corte 2016. Nous prenons déjà date en 2017 dans le Piémont, pour un nouveau bouquet toujours plus enluminé et inventif, des créations de la culture européenne.
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