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Billet de blog 19 septembre 2014

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Théâtre/Critique. « Mère courage » de Bertolt Brecht par Le Berliner Ensemble au Théâtre de la Ville

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Théâtre/Critique. « Mère courage » de Bertolt Brecht par Le Berliner Ensemble au Théâtre de la Ville

© Monika Rittershaus

La carriole de la cantinière Courage, roule sur les champs de bataille, pour faire commerce à la guerre de Trente Ans (1618-1648). Durant cette guerre des religions, qui met l’Europe à feu et sang, mère Courage va, cahin-caha, vendre ses chemises du schnaps et autres munitions, dans ce XVIIe siècle des déchirements religieux. 

Vouloir vivre de la guerre ne va pas sans le payer cher. B.Brecht

Mère courage (1939), pièce écrite au début de la Seconde Guerre mondiale, raconte l’histoire d’une mère qui veut protéger ses enfants de la guerre ; avec l’obstination de vouloir en vivre,  au détriment de la sécurité de sa famille. Aveuglée par le profit qu’elle tire d’un conflit armé, Courage roule sa carriole, sur les champs  de cadavres, sans en retenir aucun enseignement.   Cette contradiction ne va pas sans le payer très cher. Bertolt Brecht (1898-1956) pose la question : mère Courage peut-elle être sur un champ de bataille, à la fois mère et commerçante ? 

Brecht met donc avant la contradiction du personnage Courage qui entraîne à la mort, ses enfants et son propre déclin. Dès le début de la pièce, pour dispenser son fils de recrutement, Courage s’oppose au recruteur de l’armée (qui veut enrôler son fils aîné), elle dit : « le métier des armes, ce n’est pas pour les enfants ! ». Mais, il suffit qu’un autre soldat marchande l’achat d’un ceinturon avec elle, pour qu’elle oublie son fils qui, entre-temps, s’est engagé dans l’armée. Ou bien, quand sa fille est défigurée, elle déclare « la guerre doit être maudite » pour dire dans l’instant suivant :  « personne ne pourra jamais me dégoûter de la guerre ».

Brecht pense à nous public, quand il donne ce côté inconscient à la contradiction du personnage Courage, pour nous donner, dans ce prolongement, sans l’ombre d’un doute, les clés de l’absurdité barbare du peuple allemand, lors de la Seconde Guerre mondiale. Ce pamphlet contre toutes les guerres résonne grandement aujourd’hui ; et Brecht serait bien triste de voir que nos contemporains, eux aussi, n’ont rien retenu des guerres dans un monde qui n’a pas changé depuis la disparition du grand dramaturge en 1956. 

Ce n’est pas toujours dans les vieux pots qu’on fait la meilleure soupe

Le Berliner Ensemble, fondé par Bertolt Brecht à Berlin en 1949 rend hommage à sa pièce « Mère courage ». Nous aimons les anniversaires, mais nous ne comprenons pas très bien la nécessité de commémorer une pièce jouée, il y a soixante ans !   D’ailleurs vu la moyenne d’âge du public peu de personnes devaient être dans la salle  Sarah-Bernhardt* en 1954. 

Le meilleur hommage n’est-il pas de jouer Mère Courage avec le sens de ce qu’elle nous enseigne encore aujourd’hui ? Nous le savons depuis Peter Brook et son fameux « Espace vide ». Que chaque représentation est unique et meurt, pour laisser place à la prochaine. 

Nous espérons justement, pour les représentations à venir, une mise en scène (Claus Peymann ) plus  resserrée et rythmée dans la première partie ; et qu’entre les scènes les changements soient moins laborieux. Les trop nombreux déplacements de la carriole sont dommageables ;  et les effets réalistes loin de la distanciation que souhaitait Bertolt Brecht. La scénographie en rond (Frank  Hänig) en hommage à la tournette du temps jadis, ne nous a pas convaincus pour le temps présent et nous laisse une impression  d’un manque de contact avec les comédiens. Peut-être est-ce à cause des allées et venues du regard entre les surtitrages et le plateau ?  Saluons toutefois, malgré ces réserves,  l’exceptionnelle troupe du  Berliner Ensemble et la merveilleuse Carmen-Laja Antoni. Sans oublier, l’excellente musique de Paul Dessau (hélas trop peu utilisée) interprétée en direct. 

 * Aujourd'hui Théâtre de la Ville

Mère Courage
De Bertolt Brecht
Par le Berliner Ensemble
Musique de Paul Dessau
Mise en scène Claus Peymann
Décor Frank Hänig
Costumes Maria-Elena Amos
Dramaturgie Jutta Ferbers
Lumières Karl-Ernest & Ulrich Eh
Arrangements & direction musicale Rainer Böhm
Assistante à la mise en scène Miriam Lüttgemann
Assistant au décor Norman Heinrich
Assistante aux costumes Wicke Naujoks
Souffleuse Sonja Behrens
Régisseur Rainer Manja
Directeur technique Stephan Besson
Chargé de production Mirko Baars
Direction des costumes & maquillages Barbara Naujock
Maquillages Ulrike Heinemann
Son Alexander Bramann
Rédaction & sous-titres Michel Bataillon
Avec Carmen-Maja Antoni, Karla Sengteller, Raphael Dwinger, Michael Rothmann, Martin Schneider, Veit Schubert, Manfred Karge, Ursula Höpfer-Tabori, Axel Werner, Martin Seifert, Marko Schmidt, Hannes Lidenblatt, Gudrun Ritter, Claudia Burckhardt, Roman Kaminski.
Musiciens Matthias Erbe, Cathrin Pfeifer, Silke Eberhard, Michael Yorkas, Clemens Rynkowski, Manfred Wittlich

Du 17 au 26 septembre 2014
Tous les jours à 20h30 (durée 3h20)

Théâtre de la Ville
2, Place du Châtelet – 75004 Paris
M° Châtelet
Réservation 01.42.74.22.77

http://www.theatredelaville-paris.com

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