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Billet de blog 23 novembre 2015

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«  L’évangile mythique » selon Oedipe-Castellucci au Festival d’automne à Paris

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Romeo Castellucci n’a pas ménagé sa peine pour son retour au Festival d’Automne à Paris. Trois spectacles qui offrent un regard sur la tragédie et sa rhétorique. 

Pour sa mise en scène, d’Ödipus der Tyrann, Castellucci réunit le mythe et la chrétienté dans l’image christique d’Œdipe s’opposant à un Tirésias ressemblant à Jean-Baptiste. 

Au commencement, il y a l’image du silence incarné par une croix, sur la porte d’un couvent. Les nuages d’ombres, dansent jusqu’à la pure blancheur antique, et nous annoncent le temps du verbe.  Un long prologue ouvre Ödipus der Tyrann, à la table d’un choeur de nones, et nous invite à la prière sans Dieu. 

Le « missel », de la soeur coryphée, symbolise le texte apocryphe d’un prophète nommé Sophocle ; traduit par le scribe Höderlin et célébré à la scène par le « prêtre » Castellucci. 

Une histoire sortie d’un lit bancal, ou la cale est un livre païen ; à la lumière d’une rhétorique mythico-chrétienne. 

Œdipe aux « pieds liés » boite sur les questions-réponses, à la recherche de la cale coupable d’inceste et de parricide. C’est un combat, de prédicateur à voyant, qu’arbitre Castellucci. Œdipe  résolvant les énigmes, face à Tirésias dans le tragique du savoir.

Ce que ne voit pas Œdipe en agissant en pleine lumière. Tirésias le voit dans l’obscurité. Il y a celui qui sait et celui qui n’a pas encore l’information. Celui qui ne veut pas accuser et celui qui veut un coupable. 

Avec Ödipus der Tyrann Castellucci mène une réflexion, longtemps mise de côté, sur l’antinomie supposée entre l’église et le théâtre.  L’image d’une machinerie théâtrale qui se meut dans le négatif et s’immobilise dans le positif serait-elle indice ou énigme dans sa proposition ?  La question du voeu profond n’est-elle pas centrale pour tout artiste ? 

Si l’on comprend bien que la réponse n’est pas la priorité du metteur en scène, quelle serait la raison d’être d’une sphynge sans énigmes ? L’idée qui sort du chaos ne peut-elle se définir  dans les images, si belles soient-elles ? Aussi loin que veut nous mener Castellucci, c’est l’intimité extérieure de l’oeuvre que nous voyons. Mais peut-être avons-nous une réponse sur le fond, quand l’Œdipe-Castellucci expérimente la souffrance de l’aveuglement, dans une captation vidéo, qui le montre victime d’une agression au gaz lacrymogène. Vit-il l’expérience de cette obscurité pour comprendre ce qui ne se conçoit pas ? 

Si Castellucci se met en scène, n’est-ce pas pour suggérer chez le spectateur, l’image manquante  ? 

Vous l’avez compris, Romeo Castellucci n’aime pas les questions ; la seule réponse qui l’intéresse, c’est le sens que le public lui donne ou lui refuse, à travers son oeuvre. 

L’évangile mythique selon Oedipe-Castellucci n’est qu’une proposition parmi mille autres possibles, dont cette molle trinité péteuse qui apparaît au dénouement. Est-ce la sphinge qui renaît dans l’excrément de l’énigme  ? Ou bien est-ce sa réponse amusée aux questions jamais posées ?

Ödipus der Tyrann 

Friedrich Hölderlin, d’après Sophocle
Mise en scène, scénographie, costumes, Romeo Castellucci
Avec Bernardo Arias Porras (Tirésias), Iris Becher (Jocaste),
Jule Böwe (Créon), Rosabel Huguet (Messager), Ursina Lardi (Œdipe), Angela Winkler (Le Chœur)
Religieuses, Sophia Fabian, Eléna Fichtner, Margot Fricke, Eva Günther, Rachel Hamm, Andrea Hartmann, Annette Höpfner, Nadine Karbacher, Sara Keller, Pia Koch, Marion Neumann, Vanessa Richter, Helga Rosenberg, Ria Schindler, Janine Schneider, Christina Wintz
Soliste, Sirje Aleksandra Viise
Collaboration artistique, Silvia Costa
Collaboration à la scénographie, Mechthild Feuerstein
Musique, Scott Gibbons
Vidéo, Jake Schneider
Répétiteur, Timo Kreuser
Sculptures, Giovanna Amoroso, Istvan Zimmermann – Plastikart Studio

© Arno Declair

Jusqu’au 24 novembre 2015

Théâtre de la Ville
2, place du Châtelet
75004 Paris
www.theatredelaville-paris.com

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