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« J’aime qu’on sache, dès le début, que tout va se terminer par l’union des amoureux : c’est si reposant ! », écrit la metteuse en scène dans le programme de l’Opéra comique. Et cela va bien dans la lignée des péripéties de tous les possibles d’images qu’elle nous donne à voir. Car pour Pauline Bureau la forme engloberait une intrigue qui n’en serait pas une, pour que le sens de l’happy end se retrouve évidemment dans la passion.
1759. Un village écossais : un château en déshérence, des paysans loyaux mais crédules, une orpheline courageuse, un soldat amnésique George, une Dame blanche romantique la nuit, dans l’étoffe des brumes du château, et le jour une jeune fille sage et timide nommé Anna. Voilà la belle histoire de deux enfants séparés.
Pauline Bureau s’est prise de passion pour le romantisme gothique de « la Dame blanche ». Cela se voit dès le début où, dans la lande écossaise, la lactescence des voiles de la dame aux cheveux défaits va dans le vent de l’onirisme. Le château au loin se fait évanescent quand la nuée l’habille de lumière. Par la brillance de Jean-Luc Chanonat, elle devient un véritable personnage.
La scénographie d’Emmanuelle Roy, une fois de plus ingénieuse, se divise en trois tableaux : la lande écossaise déjà citée, une dépendance du château, où vit la nourrice Marguerite au milieu des portraits de famille, jusqu’à l’ouverture des scellés du château, que la végétation a envahi. Cette histoire ne serait pas gothique sans les passages secrets, et les cachettes de l’enfance. N’est-ce pas en veillant dans la dépendance du château que Georges reconstitue peu à peu sa mémoire.
Pauline Bureau nous parle du personnage de George : « Si c’est la fin de son errance, l’œuvre raconte le trajet intérieur de Georges Brown, dans sa propre mémoire. Il réintègre son passé disparu, son identité enfouie. C’est un conte plus complexe qu’il n’y paraît, avec une dimension psychanalytique. Georges est comme coupé de lui-même. Son coup de foudre pour Anna lui donne l’occasion de rejouer sa vie ».
Julien Leroy pose la question : « Comment un chef-d’œuvre représentatif de toute une époque, resté à l’affiche pendant plus d’un siècle, a-t-il pu tomber dans l’oubli ? (…) La Dame blanche clôt la carrière de Boieldieu, commencée à l’aube du XIXe siècle. (…) On trouve les marqueurs de l’opéra-comique (airs de forme strophique, couplets à trois reprises, air martial) ; des récitatifs à la Gluck (le récitatif accompagné précédant le duo de l’acte III) ; une virtuosité vocale qui manifeste une sympathie pour le bel canto rossinien, dans les airs (de Georges et d’Anna) comme dans les ensembles concertati, en faux canon (« je n’y puis rien comprendre », « à la douce espérance ») ; et encore un traitement orchestral qui cherche tantôt la transparence (pour la ballade), tantôt la couleur (l’orage à la fin de l’acte I). Boieldieu n’est cependant jamais démonstratif : de ce patchwork, il maîtrise chaque élément, du point de vue formel et dans l’usage dramaturgique qu’il en fait ».
Cette Dame blanche est d’une beauté véritable à tous les niveaux, tant artistique que technique, d’ailleurs ces derniers sont venu sur scène pour nous informer, à propos de la réforme des retraites, de leur situation actuelle. Cette intervention a divisé le public. Mais pour ce qui nous concerne, nous félicitons ces travailleurs qui font partie intégrante du spectacle vivant.
La voix humaine est l’âme de l’Opéra. Nous avons généreusement applaudi le ténor Philippe Talbot qui a joué juste la difficulté de son rôle, les notes émotives d'Elsa Benoit, le chant délié de Sophie Marin-Degor, bien épaulé par Yann Beuron musical et précis. Toute la distribution est soyeuse, comme le tartan qui donne sa couleur aux kilts et costumes d’Alice Touvet. En sortant le musicien François-Adrien Boieldieu (1775-1834), nous rappelle à son bon souvenir, sur la plaque qui porte son nom. Vous l’avez compris, nous vous recommandons vivement cette « Dame blanche » qui nous a émues et ravis.
La Dame blanche
Jusqu’au 1er mars 2020
Opéra-comique en trois actes de François-Adrien Boieldieu. Livret d’Eugène Scribe d’après Walter Scott. Créé à l’Opéra Comique le 10 décembre 1825.
Direction musicale - Julien Leroy
Mise en scène - Pauline Bureau
Décors - Emmanuelle Roy
Costumes - Alice Touvet
Lumières - Jean-Luc Chanonat
Vidéo - Nathalie Cabrol
Magicien - Benoît Dattez
Dramaturgie - Benoîte Bureau
Opéra Comique
5 rue Favart
75002 PARIS
M° Richelieu Drouot
Tél: 01 70 23 01 31