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« Moi, Corinne Dadat »,voilà un titre simple en apparence. Mais Fichte*, et son « Moi absolu », nous dirait pour que ce « Moi » puisse se poser comme une réalité totale et infinie : « « il faut que la contradiction soit levée par la synthèse des termes en apparence contradictoires en montrant que chacun d'eux est vrai sous un certain aspect ».
Mohamed El Kathib nous dit d’emblée que le nom de Dadat n’est pas une fiction. Corinne Dadat est bien une femme, de 54 ans d’un 1m 68, de 70 kg, avec 4 enfants, qui exerce la profession de femme de ménage, qui fume et qui n’a rien à voir avec le dadaïsme.
Pour la contradiction, Mohamed El Kathib met en scène une danseuses (Élodie Guezou) qui, avec son corps et ses cheveux, devient une métaphore du balai et de la serpillière. « L’art du ballet et le labeur du balai » pourrait être le titre d’une fable moderne, où la morale pourrait danser « le lac des cygnes » sur un siège à roulettes, et représenterait, peut-être, la pensée de Corinne Dadat, quand elle fait le ménage. Un rêve social en quelque sorte venu d’une rencontre d’un lieu où travaillent, en commun, deux personnes : un artiste et une femme de ménage. Dans un humaniste qui apparaît sur un simple bonjour, sans réponse. En effet Mohamed El Kathib se questionnait : « pourquoi Corinne ne répond jamais à mes salutations ? ». Jusqu’au jour où sa réponse fusa comme un ace au tennis : « si vous saviez le nombre de fois dans ma vie où j'ai dit bonjour et qu'on ne m'a pas répondu ! ».
Dès lors Mohamed El Khatib décide que son travail consisterait à la faire entrer par la scène. D’être d’égal à égale avec Corinne. Il lui propose alors d’être le personnage de son histoire. Car si elle n’a pas beaucoup étudié, elle connaît par cœur sa grammaire du ménage : « On ne serpille pas, on passe la serpillère », dit-elle en ne passant pas cette faute de français, à l’auteur de la pièce. D’ailleurs l’art et le ménage coïncident parfois. Corinne demande à Mohamed de raconter un fait divers ; qui met en scène une femme de ménage qui avait pris une installation d’un plasticien italien pour des ordures.
Corinne Dadat est nature comme on dit en langage populaire. Elle connaît l’art du ménage brut, comme Peter Brook dirait du théâtre brut. La présence que nous donne Corinne suffit. L’écriture de Mohamed veut éviter toute forme de lamento pathétique. L’émotion peut aller se rhabiller, car pour lui c’est avant tout un projet d’hospitalité sinon autant faire autre chose.
Nous espérons seulement que cette hospitalité intime, livrée à la scène, soit dénuée de tout intérêt spectaculaire et que l’accueil de « l’autre » ne sera pas sans lendemain.
*Johann Gottlieb Fichte (1762-1814) Philosophe allemand du XIXè siècle
Moi, Corinne Dadat
un spectacle de Mohamed El Khatib
du 22 mars au 1er avril 2017, du mercredi au samedi à 20h, le mardi à 19h et le dimanche à 16h
avec Corinne Dadat, Élodie Guezou, Mohamed El Khatib
environnement numérique Benjamin Cadon, environnement sonore Raphaëlle Latini et Arnaud Léger, environnement visuel Fred Hocké photographe associée Marion Poussier, régie générale Zakari Dutertre
La Colline théâtre national
15, rue Malte-Brun
Paris 75020
A proximité de la place Gambetta