Dashiell Donello (avatar)

Dashiell Donello

Je suis un homme libre !

Abonné·e de Mediapart

272 Billets

1 Éditions

Billet de blog 25 août 2015

Dashiell Donello (avatar)

Dashiell Donello

Je suis un homme libre !

Abonné·e de Mediapart

Festival la Mousson d’été : écrire le théâtre d’aujourd’hui

Dashiell Donello (avatar)

Dashiell Donello

Je suis un homme libre !

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Pont-à-Mousson a, tout comme Avignon, un pont sur la Moselle, qui fait lien avec l’Abbaye des Prémontrés. C’est là, au coeur de la Lorraine, au centre de l’Europe, dit-on, qu’oeuvre le XXIème festival La Mousson d’été

La réputation internationale de la ville vient de la création de la première Université de Lorraine en 1572 et de l’implantation des Fonderies au XIXème siècle, célèbres dans le monde entier.

Quoi de plus naturel que cette ville, fondée en 1251 par Thibaut II comte de Bar et de Mousson, soit devenue aujourd’hui, le rendez-vous incontournable du théâtre contemporain.

La comparaison avec le célèbre festival de la cité des Papes s’arrête à l’exclusivité que réserve, le festival de la Mousson d’été, aux auteurs. Sa vocation est de défendre, d’aider et de faire découvrir ce qui ce fait de mieux dans le théâtre contemporain. 

Pour ce XXIème festival, La Mousson d’été nous a concocté un programme riche, éclectique, avec des auteurs venus de Syrie, du Maroc, des USA, de Suède, de Catalogne, d’Italie et bien entendu de France.

Voici la synthèse de deux jours passés au festival.

Vendredi 21 août

Jour de l’inauguration, parmi les portraits d’auteurs qui ont participé à la Mousson d’été 2014, Michel Didym, le créateur et maître des lieux du festival, nous invite à vérifier que le tambour n’est pas un lave linge. C’est du moins, ce que Daniel Laloux, première médaille de tambour du conservatoire de Reims, nous conte dans la première partie de Tambour coeur du monde 1. Il y en aura encore deux autres à suivre dans la semaine.

Suite à cet apéritif dramaturgique, nous entrons dans le vif du sujet, avec la première lecture de pièce « ≈ (presque égal à) » de l’auteur suédois Jonas Hassen Khemiri. 

Cette lecture, dirigée par Michel Didym, met en scène des personnages obsédés par les chiffres, en conflit avec le système économique que le hasard va relier. Il y a Andrej qui vient de terminer ses études. Martina qui vient d’un milieu social élevé, mais qui ne trouve pas de travail. Mani, jeune universitaire sans travail. Freja qui vient d’être licenciée et veut se venger de la personne qui a pris sa place. Peter, SDF. 

Dans ≈ (presque égal à)Jonas Hassen Khemiri nous peint les portraits d’hommes et de femmes confrontés à l’argent et son pouvoir. L’auteur les met dans une situation impossible entre ce que peut permettre un travail bien rémunéré et les concessions faites, loin de leurs utopies et de l’humanité. 

Il y a déjà, dans ce qui est bien plus qu’une lecture dirigée, la critique sociale et la question de la place d’un auteur multiculturel dans l’Histoire du monde. 

Jonas Hassen Khemiri est né en 1978 à Stockholm. Il écrit en 2003, à seulement 25 ans, son premier roman, Un rouge œil, puis Montecore, Un tigre unique (Serpent à Plumes). En 2012 paraît son troisième roman J’appelle mes frères (Actes Sud), qu’il a aussitôt adapté pour la  scène . Sa  première pièce de théâtre, Invasion ! a été  montée en 2010 en France au Théâtre Nanterre-Amandiers dans une mise en scène de Michel Didym. Il a reçu de nombreux prix dont la bourse Henning Mankell en Suède et le OBIE Award aux États-Unis.

Après cette belle réalisation de Michel Didym nous entrons sous un chapiteau dressé au centre de L’abbaye des Prémontrés, où Ève Bonfanti et Yves Hunstad proposent un programme court « Loin de la terre 1 ».

Les deux auteurs nous donnent l’occasion d’assister à un travail d’écriture en cours, qu’Ève Bonfanti et Yves Hunstad, résument ainsi : L’imagination de l’auteur l’entraine autant dans les profondeurs de sa tasse de café que dans l’espace du cosmos, mais il est confronté aux réticences des éditeurs à qui il soumet son projet. Ceux-ci préfèrent parler la langue du réalisme et de la modération alors que l’auteur et ses personnages, eux, choisissent délibérément les voies de l’irréalité et de l’utopie.

Eve Bonfanti et Yves Hunstad sont des rêveurs de réalité. Ils voyagent dans l’imaginaire du cosmos. Autant dans celui des étoiles, que celui de l’infiniment petit d’une tasse de café. Si Yves entre en conflit avec le sucre et les molécules de café, Ève part loin, très loin… reviendra-t-elle ? Il y aura deux autres extraits durant le festival. On attend donc la suite, car cette pièce sera à paraître aux Éditions Théâtrales dans un temps encore inconnu. 

Samedi 22 août 

La Mousson d’été a vocation de nous faire découvrir des textes d’auteurs du monde entier. Toutes les conditions sont réunies pour que les dramaturges soient  lus, joués, édités. La Mousson d’été, cela va de soi, est aussi la plus belle chose qui puisse arriver à un auteur. Ce festival des écritures contemporaines, organise pour les écrivains : des rendez-vous, des conférences, des performances, des impromptus, des interviews, avec des thématiques sur l’air du temps ou non, réelles ou imaginaires, poétiques ou politiques. Le drame et la comédie se côtoyant sans scrupules. Le tout d’une manière novatrice et variée, nous faisant découvrir le style et l’univers de ces écrivains, de toutes générations, venus de tous les pays. Pour exemple, voici  deux autres pièces qui ont été lues, dans le cadre magnifique de l’Abbaye des Prémontrés.

Lost words

de Davide Carnevali (Italie), texte français de Caroline Michel, dirigée par Véronique Bellegarde.

Vingt-et-unième siècle. L’Europe unie ne semble plus être une priorité. La crise, si elle ne tord pas le cou à la social-démocratie, tend à l’amoindrir sans état d’âme. Le nationalisme revient à grands pas, la communauté ne fait plus sens aux yeux de certains. Alors quelle société va surgir face aux hommes, femmes, animaux ou objets, pour rejouer le monde ? 

Le tic tac du temps retourne au point zéro, comme un début qui serait aussi sa fin. Seul un questionnaire est la clef ou le nerf de la guerre pour trouver le sérieux d’un « nouveau monde ». Les réponses doivent être positives. Il faut se définir, être efficace, avoir du caractère, être efficient. Savoir dire oui à toutes les questions, parler toutes les langues, avoir un point fort qui soit aussi son point faible. Travailler comme un homme pour tout dire et surtout ne pas avoir d’enfant. Le  surhumain sera-t-il le sauveur du marché du travail et des sociétés de demain ?

Véronique Bellegarde nous fait bien ressentir le sens politique et la résonance de la pièce de Davide Carnevali qui nous parle  de la chaotique union Européenne et de ses contradictions. D’ailleurs, est-il encore possible d’y croire ? Aura-t-elle un futur ? Les nouvelles générations pourront-elles décrire et réaliser un monde nouveau ? 

La lecture dirigée par Véronique Bellegarde, nous laisse en plein questionnement et impatient de voir, à la lumière d’une scénographie, la pièce dans une mise en scène à venir. Nous le savons, les pièces sont plus ou moins évidentes et explicites, lors d’une lecture. Pour Lost words un projet incarné sera d’évidence. À suivre…

Extrait de Lost words :

 « Autrefois nous avions les guerres. On détruisait tout, on reconstruisait tout. Comment croyez-­‐vous que ce pays ait prospéré? Ce pays a été en guerre pendant toute son histoire. Il s’est construit sur les guerres. Guerres de défense, guerres d’expansion, guerres de succession, guerres de sécession. Maintenant on n’arrive même plus à produire la moindre guerre. Même celles qui sévissent à l’étranger. Ce pays est dévasté par soixante dix ans de paix. C’est pour cela qu’il s’est effondré ».

Davide Carnevali, en tant que dramaturge s’est formé avec Laura Curino en Italie, et avec Carles Batlle à la Sala Beckett et l’Institut del Teatre de Barcelone. L’auteur et la traductrice Caroline Michel ont reçu, pour Variations sur le modèle de Kraepelin, le Prix des Journées des Auteurs de Lyon 2012. Cette pièce a été montée en 2013 par la Compagnie Anteprima au Théâtre de Vienne puis au TNP à Lyon en mai 2014. Depuis 2013, il fait partie du Comité de Dramaturgie du Teatre Nacional de Catalogne.

Programme 1 : linge délicat

de Roukaya Benjelloun (Maroc), dirigée par Laurent Vacher.

Devant la caméra de surveillance d’un lavoir public, Floriana fait l’andouille et lance des oeillades langoureuses à une personne virtuelle. Elle passe son temps comme elle peut. 

Entre Jamila. Elle choisit le programme 1, tout comme Floriana. Voilà déjà un point commun. Les deux femmes, assises  côte à côte, regardent leur linge danser au rythme des tambours des machines à laver. Le cycle de lavage dure quarante neuf minutes. Mais, il y a des coupures de courant. Cela remet, à chaque fois, les compteurs à zéro et (dé) structurent en entier le récit, nous dit l’auteur. Cette situation monotone du temps de lavage, va finir par rompre le silence et délier la parole.

Cette pièce (que l’on écouterait bien à la radio) est une parabole de la vie. Le programme d’une machine à laver passe en revue les scènes. Du prélavage au séchage, l’histoire de deux femmes va nous être révélée. Une histoire qui sent le danger. Pourvu que des enfants ne soient pas pris au beau milieu d’une fusillade ou bien kidnapper. Pourvu qu’ils ne deviennent pas des prostitués. Ces choses-là peuvent pourtant arriver dans un pays en guerre. 

Roukaya Benjelloun est née en 1984 à Casablanca. Diplômée en Thérapies cognitives et comportementales et psychiatrie du sujet âgé, elle est psychiatre et auteure. Programme 1 : Linge délicat est son troisième texte après L7 ayte et Il était une fois Molière. En mars 2009, elle crée la Compagnie Beldi/Roumi pour le théâtre et la culture, conventionnée avec la compagnie « Semelle de vent » basée a Lyon. Depuis 2002, Roukaya Benjelloun a été tour à tour, comédienne, assistante à la mise en scène et auteur.

Voilà ce que l’on pouvait dire de ces deux journées. Ah ! Encore ! 

En raison d’un imprévu, Michel Vinaver n’a pu venir lire son texte Bettencourt Boulevard. Ce qui a donné lieu à un changement de programme.

Philippe Minyana nous a donc fait l’honneur de venir, à brûle-pourpoint, lire des extraits de ses textes et a improvisé une formidable conférence, sur une idée de Jean-Pierre Ryngaert : c’est l’auteur qui décide. Autant vous dire que le nombreux public qui avait la chance d’être là, s’est régalé de son humour, son talent, et sa grande poésie. C’est aussi cela La Mousson d’été. Les auteurs de renom non pas la grosse tête et c’est heureux. 

Amateur de théâtre, la Mousson d’été est pour vous ! Alors, si vous passez par la Lorraine… faites une halte à l’Abbaye des Prémontrés.

L’Abbaye des Prémontrés : 9 rue Saint-Martin 54700 – Pont-à-Mousson

Spectacles (sur réservation 03 83 81 20 22)

 http://www.meec.org/La-Mousson-d-Ete-2015

Du 21 au 27 août 2015

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.