
Bien des variations, sur le mythe d’Antigone, ont éveillé chez les écrivains de tous les temps, le désir de réécriture.
Voici une idée, non exhaustive, de l’universalité de ce chef-d’œuvre, en quelques exemples.
À tout seigneur, tout honneur, commençons par Sophocle* : où Antigone est un pion entre les mains des dieux, pour l’amour des siens. Autre variation. Avec un Bertolt Brecht qui, loin de la mythologie, met en scène une résistante face à la barbarie du IIIè Reich. Chez Jean Anouilh la proposition suit le récit plus fidèlement, mais dans la tragédie de la deuxième Guerre mondiale. Plus proche de nous, Henry Bauchau façonne une transposition romanesque où l’on parle d’humanisation, à travers le personnage d’Antigone.
Avec ces quatre exemples, nous retrouvons toutes les préoccupations de la quête d’humanité de la fille d’Œdipe. Une recherche qui donne à la pièce de Sophocle, une divine éternité.
Une variation d’Antigone sur les rails de Sophocle
Aujourd’hui Jean-Pierre Siméon, poète associé au TNP, se risque aussi à cet exercice périlleux d’une « variation d’Antigone » à partir de Sophocle. Ce travail de commande, fait suite à la réécriture des mythes et des grandes tragédies grecques avec Philoctète et Électre**. La transformation de Siméon, partant de l’hypotexte sophocléen, touche, au nom d’une humanité bafouée, au droit à la désobéissance, avec la subversion comme objet de défense. C’est dans la forme que l’écriture pousse, en avant, l’idée venue des nombreuses lectures de la pièce de l’antiquité, jusqu’à nos jours. Le fond étant, nous l’avons déjà dit, du domaine de l’universalité. Jean-Pierre Siméon ne fait pas exception. La structure de son texte est sur les rails de Sophocle ; un mythe au nom de l’humanité dans la lignée tragique des Labdacides.
L’hypertextualité d’un texte est un exercice difficile entre la fidèle reproduction, et/ou sa revisitation dans le présent. Dans le premier cas cela semblerait vain et insatisfaisant, alors que le second aurait tendance à se perdre dans un naturalisme qui n’appartiendrait ni à la fiction, ni au réel. Le juste milieu trouverait peut-être sa place, dans un je ne sais quel goût d’avenir, nourri à la mamelle du passé.
L’Antigone de Jean-Pierre Siméon, vierge des douleurs et des monstres, n’écoute que son coeur battre pour l’amour, qui est sa loi. Car si l’ordre est injuste le désordre a raison.
L’auteur :Professeur agrégé de Lettres modernes, Jean-Pierre Siméon est également poète, romancier et critique. Il participe aux comités de rédaction de plusieurs revues et est directeur artistique du "Printemps des Poètes". En 1986, il crée la "Semaine de la Poésie" à Clermont-Ferrand. Auteur de romans, de livres pour la jeunesse ainsi que de pièces et d'essais sur le théâtre, il est invité par Christian Schiaretti à travailler avec les comédiens de la Comédie de Reims de 1996 à 2001 en tant que "poète associé". A ce titre, il fonde avec Christian Schiaretti "Les Langagières", manifestation autour de la langue et de son usage. Depuis 2003, ils poursuivent cette collaboration au Théâtre National Populaire de Villeurbanne. Son œuvre, qui compte une quarantaine de livres, lui a valu de nombreux prix.
* Sophocle (495av J-C- 406av J-C), dramaturge grec
**trois pièces mise en scène par Christian Schiaretti au TNP en 2010, 2015 et 2016
http://www.tnp-villeurbanne.com
Les Solitaires Intempestifs
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