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Billet de blog 26 mai 2017

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«Le départ» de Mireille Bailly, une pièce ultra-moderne et sans chichis

Mireille Bailly va à contre-courant d’une dramaturgie actuelle parasitée par les tics venus des ateliers d’écriture, et de l’air du temps vicié par les petits marquis de la culture.

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Illustration 1
DR ©Mireille Bailly

Il est 19 heures pile. Le fils, bien cravaté dans le costume de son père, valise à la main, s’apprête à partir de chez lui à 35 ans. Il veut partir loin, très loin, mais ne sait pas où. Il part c’est tout. Sans manger, sans argent, sans boulot. Il est d’ici. Mais veut être loin d’ici. Car loin c’est loin. Il est amoureux d’un « IL » en robe de mariée avec des baskets. 19 heures c’est tard, surtout en novembre. Il fait noir c’est dangereux, même quand on a 35 ans. La mère a un couteau planté dans le cœur, et s’inquiète de ce qui pourrait arriver à son fils. Il faut choisir le bon bonnet, la bonne cravate. Sentir bon. Être beau. Faire un dernier selfie. Alors que le noir devient de plus en plus noir, un coup de feu retenti. Quand la lumière revient, le père a un trou de balle au beau milieu du front. Il vient de faire entrer chez lui, un homme avec une mitraillette à la main. Cet homme a aussi un trou de balle dans la tête. Avec tout ça, le fils va-t-il enfin pouvoir partir ?

Mireille Bailly va à contre-courant d’une dramaturgie actuelle parasitée par les tics venus des ateliers d’écriture, et de l’air du temps vicié par les petits marquis de la culture. La sujétion et le politiquement correct, c’est bien le souci du théâtre actuel, hélas ! La mode des résidences d’auteurs, des concours et autres commandes théâtrales, impose aux auteurs des textes en ligne directe avec l’actualité. Cela nous donne du théâtre documentaire ennuyeux et sans originalité. Heureusement, Mireille Bailly ne s’embarrasse pas des modes. Sa dernière pièce Le départ, comme le muguet de mai, est rare d’intelligence, ultra-moderne et sans chichis. Sa pièce est une bouffée d’air frais. Un hymne à la tolérance. Certainement que Pina Bausch* aurait dansé en costume, la valise à la main, sous le regard de Tadeusz Kantor* portant toute son attention sur le personnage du fils, en robe de mariée. Nous aussi nous avons un couteau planté dans le cœur et disons : même pas peur. Il est 19 heures. Les jeunes mariés vont voler de leurs propres ailes ; peu importe la musique et la danse, les cloches de Rome sonnent à la vie. Cette écriture est proche d’Eugène Ionesco*, absurde, drôle et sociale. N’en doutez pas, Le départ de Mireille Bailly est un vrai coup de cœur. 

*Pina Bausch (1940-2OO9), danseuse et chorégraphe allemande

*Tadeusz Kantor (1909-1990), metteur en scène polonais

*Eugène Ionesco (1909-1994), dramaturge roumano-français

Mireille Bailly est actrice et autrice liégeoise. En tant qu'actrice, elle collabore depuis plus de quinze ans avec les créateurs Axel de Booseré et Maggy Jacot (Le dragon, Eclats d'Harms, MacBeth, Cabaret du bout de la nuit, Alpenstock...). Elle a également interprété des premiers rôles sous la direction notamment de Jacques Delcuvellerie, Jean-Claude Berutti, Philippe Van Kessel, Johan Simons, Denis Marleau et Roman Kozak. Au cinéma, on la retrouve dans la plupart des films de Luc et Jean-Pierre Dardenne (La fille inconnue, Le gamin à vélo, Le silence de Lorna, L'enfant, Rosetta, La promesse). Depuis quelques années, elle se consacre aussi à l'écriture dramatique. Son premier texte Albert Hubert ou L'exercice difficile de la démocratie a été créé au Festival XS au Théâtre National à Bruxelles en 2013. A suivi, en 2014, Poids plume au Théâtre de Poche. Sa troisième pièce, R.H., est actuellement en cours de production avec la Compagnie Belle de Nuit et Le départ, son dernier texte, vient de recevoir, en France, le prix de l'InédiThéâtre concrétisé par une publication chez Lansman.

Son théâtre :
- Albert Hubert ou L'exercice difficile de la démocratie (forme courte, 2013)
- R.H. (2014)
- Madame Plume (créée sous le titre Poids plume, 2014)
- Le bal des gens bien (2015)
- Le départ. Lansman, 2017

Le départ de Mireille Bailly

Lansman éditeur • 63‑65, rue Royale • B‑7141 

Carnières / Morlanwelz (Belgique)

Tél. 00 32 (0) 64 23 78 40

http://www.lansman.org/editions/index.php

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