Rodrigo Garcìa ou la nécessité de chanter faux
La nouvelle pièce Daisy de Rodrigo Garcìa est structurée en 15 chapitres fantasmés et/ou rêvés, qui vont d’un homme cactus à la nécessité de chanter faux en passant par la double morale sans réglementer l’allégresse. Chanter faux c’est lâcher prise, trouver sa liberté loin de la technique, si vous préférez.
Imaginons la demeure « tachée de vie quotidienne » de Rodrigo Garcìa pleine de musique et non de bruit, de bières (Heineken ?) et non de fureur, et le poème chaque fois recommencé du sens de la vie selon qu’elle tutoie ou vouvoie. Car, c’est le poète qui dans la lumière des Asturies (pour y vivre) moissonne les images et les mots qui brûleront, sur le théâtre de l’absurdité humaine. Quand nous lisons Daisy la quête de la chose première est plus maitrisée, les mots de Garcìa sont plus précis. Sa harangue raye le superflu et fait place à la rhétorique d’une poésie lucide, qui ne passe rien envers lui-même et ses congénères.
Alors, Garcìa soliloque pour sa chienne Daisy :
« Ce que la solitude nous pousse à faire, les heures perdues, la sexualité écoeurée
Et ce que ça m’emmerde quand Google, en espagnol, me tutoie : « Tu as peut-être voulu dire »
Ils se la jouent sympas, les mecs de chez Google, mais au fond ils pensent :
« Pauvre con, tu ne sais même pas écrire correctement Scott Fitzgerald ou Maeterlinck ou Franz Beckenbauer », et ils te balancent un « tu as peut-être voulu dire » avec des airs de grands seigneurs
Alors qu’ils devraient écrire : « peut-être vouliez-VOUS dire, monsieur Garcìa »
Daisy est-elle le médium de la pensée de son maître ?
Chaque soir, Daisy la chienne lit dans la bave des escargots le chemin tortueux de l’homme. Comme cela est exigé dans les rituels de la Franc-Maçonnerie du Cafard. Daisy reçoit la visite du philosophe Gottfried Leibniz qui lui explique tout un tas de choses sur les choses. L’ensemble des cérémonies est dansé avec des chiens, des escargots, des tortues et des cafards vivants. Les ballets d’araignées de mer évoluent sous un plancher magique ; accompagné par un quatuor à cordes qui joue du Beethoven. Évidemment leurs mouvements (aux araignées) sont relatifs, car comme le dit Leibniz : « la chose se meut selon la perspective d’où nous la regardons ». Daisy est-elle le médium de la pensée de son maître ?
Mais, puisque tout ceci n’est pas indiqué dans le texte (d’où la nécessité de lire la pièce), la servilité du vulgum pecus, à une société corrompue et googlelisée, ne va pas sans les chiures de cafards domestiqués. Vous l’avez compris, c’est contre le vulgaire de la vie que Rodrigo García se pose en questionneur métaphysique.
Rodrigo a retrouvé le cahier de son enfance avec une voiture de formule 1 sur la couverture, la Lotus 72 de Ronnie Peterson ; il avait écrit à l’âge de neuf ans : « jusqu’à ce jour je n’ai pas aimé vivre » si vous voulez savoir ce qu’il en est aujourd’hui, venez dompter les cafards en compagnie de Monsieur Rodrigo García qui dans Daisy porte haut sa verve poétique.
La pièce Daisy, est à lire comme un récit. Le plaisir de la lecture est aussi grand que sa représentation publique. Donc, du théâtre à lire ou à voir c’est selon.
Daisy de Rodrigo García
Les Solitaires Intempestifs
1 Rue Gay Lussac
25000 Besançon - France
Téléphone : +33 [0]3 81 81 00 22
http://www.solitairesintempestifs.com
La création a eut lieu le 10 septembre 2013 au Théâtre des Haras d’Annecy, dans une mise en scène de l’auteur, en espagnol sous-titré en français.
La pièce sera reprise au Théâtre Saint-Gervais à Genève en novembre 2014 et au Théâtre du Rond-Point à Paris en mars 2015