
Sénèque, Euripide, ont encore de beaux jours devant eux, car il est question de sens au théâtre. Où est-il dans cette création de Phèdre(S) ?
Quel sens donne Wajdi Mouawad en traduisant Phèdre dans sa propre histoire de vie ? Ne le dit-il pas assez dans ses pièces ? Et si cela est son désir, pourquoi tant d’obscurité dans ce qui n’est pas son meilleur texte, il faut bien l’avouer. Nous trouvons plus des cohérences chez Sarah Kane, qui oeuvre dans le fait divers mythique, avec une Phèdre éperdument amoureuse d’un Hippolyte inaccessible.
Bien sûr, nous ne contestons pas la réécriture Phèdre de nos jours, dans ce sens-là ce projet a toute sa légitimité. C’est plutôt le traitement prétentieux d’un théâtre mis à mal, par ceux qui pensent détenir la vérité, de ce que doit être le héros mythologique contemporain. Nous disons avec Aphrodite : « (…) la race des dieux, elle aussi, prend plaisir à recevoir l’hommage des humains ** ».
Malgré la déception, nous ne pouvons ignorer cette belle ouverture, sous forme de concert, où l’on entend chanter la divine Nora Krief. C’est un moment de grâce qui aurait pu se prolonger dans la mise en scène d’une seule et unique Phèdre.
Krzysztof Warlikowski n’a pas mesuré que le théâtre moderne et la tragédie, ne peuvent se greffer au superflu. Il faut boire dans la paume de ses mains et jeter la sébile, nous a enseigné Diogène. Et bien évidemment écouter la question que pose la tragédie grecque. Sinon à quoi bon emprunter les thèmes, et les personnages intemporels, de ce théâtre ? Le théâtre n’est-il pas, avant tout, le langage de l’émotion ? Une réflexion transcendée sur l’homme et sa nature ? Il est à remarquer que c’est souvent dans sa forme simple et primordiale qu’elle y brille, le plus intelligemment.
Les Grecs ont inventé un genre à part, qui ne peut se confondre avec aucune des formes prise par le théâtre contemporain. Jacqueline de Romlly ***
* Minos roi de Crète, et Pasiphaé fille du soleil
** Hippolyte d’Euripide
*** Femme de lettres, philologue, et helléniste française
17 mars — 13 mai 2016 Théâtre de l’Odéon 6e
PHÈDRE(S)
Wajdi Mouawad, Sarah Kane, J. M. Coetzee mise en scène Krzysztof Warlikowski
Création adaptation Krzysztof Warlikowski
Dramaturgie Piotr Gruszczyński
Décor et costumes Małgorzata Szczęśniak
Lumière Felice Ross
Musique Paweł Mykietyn
Vidéo Denis Guéguin
Chorégraphie Claude Bardouil
Maquillages / coiffures Sylvie Cailler, Jocelyne Milazzo
Avec
Isabelle Huppert, Agata Buzek, Andrzej Chyra, Alex Descas, Gaël Kamilindi, Norah Krief, Rosalba Torres Guerrero
Certaines scènes de ce spectacle peuvent heurter la sensibilité des plus jeunes
Tournée 2016
27 au 29 mai : Comédie de Clermont-Ferrand — Scène nationale / 9 au 18 juin : Barbican - London & LIFT / 26 et 27 novembre : Grand Théâtre du Luxembourg / 9 au 11 décembre : Théâtre de Liège (Belgique)
Odéon-Théâtre de l’Europe
Théâtre de l’Odéon
Place de l’Odéon
Paris 75006
http://www.theatre-odeon.eu/fr
Métro : Odéon (lignes 4 et 10) - RER B Luxembourg