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Billet de blog 29 septembre 2017

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Catherine Marnas nous offre un Lorenzaccio à pile ou face

Cela commence dans le plein feu. Déambulant sur la scène, toute l'ambivalence d'un homme se montre. Son corps, une perruque blonde à la main, va et vient sur l'incertain chemin de sa destination finale. Dans un geste théâtral, l'homme se coiffe du postiche. Cet homme c'est Lorenzo.

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Illustration 1
©Berger

La scénographie se joue sur deux niveaux. L'avant-scène avec un surplomb au théâtre qui coupe l'espace à l'horizontale. Ce niveau est habillé d'un rideau à lamelles plastique, comme nous pourrions en voir dans un entrepôt commercial. À travers le rideau, le lointain fait apparaître les ombres et entendre les voix de personnages multiples. Deux escaliers, en parallèle, sont à cour et à jardin. Dans l'objectif de mise en scène, le rouge et les ors rappellent la volonté d'un propos de théâtre. Cela commence dans le plein feu. Déambulant sur la scène, toute l'ambivalence d'un homme se montre. Son corps, une perruque blonde à la main, va et vient sur l'incertain chemin de sa destination finale. Dans un geste théâtral, l'homme se coiffe du postiche. Cet homme c'est Lorenzo. Soudain les confettis du carnaval de Florence volettent dans l'espace ; et au son d'un rock endiablé, il parie, à pile ou face,  sur la mort d'Alexandre de Médicis son cousin tyrannique, se livrant à la débauche déguisé en religieuse. 

Catherine Marnas jette aussi sa pièce pour parier, que Lorenzaccio d'Alfred de Musset, réputé difficile à monter, peut se jouer à huit comédiens dans divers lieux (palais du Duc, l'église, la rue, la chambre de Lorenzo etc.), en deux heures, sans amoindrir ce classique français.

Musset a écrit ce drame romantique à partir d'une scène historique, Une conspiration en 1537, sur une idée de George Sand qui lui avait confié un manuscrit relatant l'histoire de Lorenzo de Médicis (admirateur de Brutus) et entièrement dévoué à la restauration de la République. 

L'histoire se résume ainsi : Lorenzaccio prépare secrètement l'assassinat d'Alexandre de Médicis, pour libérer sa patrie et porter au pouvoir les républicains. Pour ce faire il porte le masque de la débauche au service des caprices du tyran. Si le meurtre est du côté pile aucun changement ne s'opère, sinon que le pouvoir passe aux mains d'un autre clan aussi tyrannique. Car le côté face poursuit Lorenzo et voit sa tête mise à prix sans que le jeune homme ne fasse rien pour empêcher son assassinat.

Catherine Marnas écrit dans le programme : " Malgré la légèreté apparente de la formulation, je crois qu’il faut prendre très au sérieux le pari que lance Lorenzo à Philippe avant d’accomplir son geste. Pile : est-ce que le meurtre sera inutile ? Face : est-ce que les républicains en profiteront pour rétablir : « La plus belle république qui ait vécu sur la terre » ? Même si Lorenzo affecte de ne pas y croire, il l’espère, et c’est le résultat de ce défi qu’il viendra jeter avec la clef de sa chambre au pied de Philippe, lui crachant à la figure tout le désespoir, le mal-être, l’amertume d’une génération".

C'est d'un point de vue politique que Catherine Marnas traite ce texte que Musset avait transposé à la révolution de juillet 1830. Tout comme la transposition de la mise en scène ne cache pas qu'une histoire peut se répéter de siècle en siècle. 

Musset lui ne tranche pas nous dit Catherine Marnas : « et c’est là toute la subtilité de son écriture, il exacerbe les questions. Lorenzo cristallise nos tensions : désirs d’angélisme, de sauvetage de l’humanité et, en même temps, dandy ricanant, cynique, nonchalant et blasé. Vision que j’espère non désespérément nihiliste mais aspiration à un regard en distance, allégé - distance énoncée par Lorenzo « Ce que vous dites là est parfaitement vrai et parfaitement faux comme tout au monde ».

Dans cette reprise, Catherine Marnas a dirigé une bonne distribution, où nous avons remarqué un Jules Sagot qui a trouvé brillamment l'humanité double et ambiguë de Lorenzo/Lorenzaccio. Bien entouré par l'excellent Franck Manzoni, et le talentueux Julien Duval.

Lorenzaccio d’Alfred de Musset

Mise en scène Catherine Marnas
Avec Clémentine Couic, Julien Duval, Zoé Gauchet, Francis Leplay, Frank Manzoni, Jules Sagot, Yacine Sif El Islam et Bénédicte Simon

Du 26 septembre au 15 octobre 2017
Du mardi au samedi à 20h et le dimanche à 16h

Théâtre de l’Aquarium
La Cartoucherie
Route du Champ de Manœuvre
75012 Paris

Métro Château de Vincennes et navette gratuite
Réservation 01 43 74 72 74

www.theatredelaquarium.com

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