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Billet de blog 18 décembre 2023

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Droits des étrangers - Réinventons l'hospitalité

Depuis 1945, le droit des étrangers en France subit une transformation tous les deux ans en moyenne, entraînant un durcissement constant. Les droits dont ils peuvent bénéficier se restreignent, et le pouvoir de l'État pour les contrôler s'étend, souvent aux dépens des principes fondamentaux de notre constitution.

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Illustration 1

Historiquement, certains courants politiques ont souvent utilisé les étrangers comme boucs émissaires afin d'éviter de reconnaître que la véritable problématique réside dans la lutte contre les inégalités, tant à l'échelle nationale qu'internationale. Il est impératif de changer de paradigme, de cesser de percevoir les individus nés en dehors de notre territoire comme une menace. L'immigration est un phénomène sociétal naturel, accessible aux Français et aux Européens. Il est temps de promouvoir l'égalité en matière de droit à la circulation et à l'installation. Les dix propositions suivantes vont dans cette direction.


HUMANISONS ET SÉCURISONS LES MOYENS D'ENTRÉE SUR LE TERRITOIRE FRANÇAIS EN OUVRANT DES VOIES LÉGALES ET SURES D'IMMIGRATION.

ARTICLE 1
Le préambule de la Constitution française énonce l'engagement du peuple français envers les Droits de l'homme et la souveraineté nationale, tels que définis par la Déclaration de 1789. L'article 1 de cette déclaration proclame la liberté et l'égalité de tous les individus, ne justifiant les distinctions sociales que sur l'utilité commune.

En tant que citoyens français, nous jouissons d'une liberté de circulation étendue, permettant l'accès à près de 180 pays sans visa, avec des procédures simplifiées pour l'obtention de visas dans d'autres nations. Cette réalité contraste fortement avec la situation des ressortissants de certains pays d'origine, confrontés à des limitations considérables en matière de circulation et d'installation (1), engendrant des inégalités significatives et injustifiées.

Au cours des dix dernières années, plus de 28 000 vies ont été perdues en Méditerranée en raison du déficit de voies légales pour l'immigration humanitaire. Une part importante de cette migration découle des déséquilibres économiques, politiques et climatiques, pour lesquels nous portons une responsabilité considérable. Les politiques de fermeture des frontières alimentent le commerce périlleux des passeurs.

 Pour respecter nos valeurs constitutionnelles fondamentales et prévenir les décès en mer, il est proposé de créer un visa humanitaire, offrant des voies légales d'immigration économique dont l’obtention serait établie sur des critères clairs et transparents.


PRENONS NOTRE JUSTE PART DANS L’ACCUEIL DES ÉTRANGERS

ARTICLE 2

La phrase célèbre de Michel Rocard, « Nous ne pouvons pas accueillir toute la misère du monde », a été complétée par la suite : « mais nous devons en prendre notre juste part ». Étant la 7e puissance économique mondiale, la France est encore loin de remplir cette juste part dans la réduction des inégalités internationales par le biais de l'immigration.

Il est donc suggéré d'instaurer un débat parlementaire tous les 3 ans. Ce débat aurait pour objectif de calculer des quotas d'immigration, révisés également tous les 3 ans. 
Ce débat tri-annuel aurait pour objectif de chiffrer, et donc de prendre conscience, des inégalités économiques, environnementales, sanitaires, etc. entre notre pays et les autres, mais aussi parfois de notre responsabilité dans ces déséquilibres.
Une fois ces inégalités exposées, un calcul serait fait afin de fixer le nombre d'étrangers qu'il serait nécessaire d'accueillir pour compenser ces inégalités.
Il ne s'agirait donc pas de quotas au sens restrictif, mais plutôt d'objectif à atteindre pour contribuer de manière équitable au partage des richesses à l'échelle internationale.


OPTONS POUR LE PRAGMATISME PAR LA RÉGULARISATION DES SANS-PAPIERS.

ARTICLE 3
En 1993, Charles Pasqua, connu pour sa politique d'immigration stricte en tant que ministre de l'Intérieur, a instauré une réforme restrictive rétablissant le régime d'expulsion. En 1998, il a évalué sa politique de régularisation dans une interview au journal Le Monde. Il a souligné que les personnes sans papiers ne quitteraient pas le pays, car même en tant que clandestins, leur vie ici est bien meilleure. Il a plaidé pour des solutions pragmatiques, rejetant les débats idéologiques et politiques, et prônant une régularisation complète pour tous ceux qui en font la demande (2).

Bien que le nombre d'étrangers sans papiers ait doublé depuis 1998, passant de 400 000 à environ 800 000, la nécessité de régularisation persiste. De nombreux étrangers sans papiers contribuent à l'économie, occupant des emplois, ayant des contrats et payant des cotisations et des impôts. Certains font face à la précarité en raison de leur statut illégal en France.

L'expulsion de ces centaines de milliers de personnes serait non seulement injuste, mais aussi pratiquement impossible.

Il est donc proposé de régulariser tous les étrangers sans papiers actuellement sur le territoire, à l’exception des personnes inscrites au fichier FSPRT (Fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste).


ASSURONS UN ACCÈS EFFECTIF ET ÉGALITAIRE AUX DROITS SUR LE TERRITOIRE FRANÇAIS.

ARTICLE 4
L'accès aux guichets de la Préfecture pour les demandes, renouvellements et délivrance de titres de séjour devient de plus en plus restrictif, principalement en raison de la dématérialisation forcée des prises de rendez-vous pour les étrangers. En juin 2022, le Conseil d'État a établi que cette démarche était possible seulement si un accompagnement était assuré en cas de difficultés et si une solution de substitution était proposée, ce qui est rarement le cas.

Les délais pour obtenir un rendez-vous sont tellement longs que de nombreux étrangers en situation régulière perdent leur droit au séjour, entraînant une rupture de leurs droits. Gérald Darmanin, le ministre de l’intérieur, a lui-même reconnu que les difficultés d’accès et les retards constituaient « un écueil important pour les étrangers qui deviennent parfois des irréguliers, du fait de notre propre incurie administrative. »

En outre, les dossiers pour les demandes de titres de séjour sont parfois si complexes que les étrangers non francophones ne peuvent les constituer sans l'aide du milieu associatif.

Pour y remédier, il est proposé d'instaurer un guichet d'accueil physique, accessible sans rendez-vous, et une permanence téléphonique dans chaque Préfecture.


ARTICLE 5
Peu importe où un étranger dépose sa demande d'asile, elle sera examinée lors d'un entretien à l'OFPRA à Fontenay-sous-Bois en première instance. En cas de recours, l'examen se déroulera à Montreuil, au sein des locaux de la CNDA. Pour autant, le taux d'octroi de la protection varie considérablement selon le département de résidence du demandeur pendant la procédure. En 2022, par exemple, il était de 19% dans les Hauts-de-Seine, 31% dans le Bas-Rhin, mais de 51% dans le Cantal (4).

En 2022, le droit d'asile a permis de protéger 56 000 personnes (24 300 hommes, 17 800 femmes, 14 000 enfants). Ces disparités dans l'accès aux droits doivent être rectifiées afin de garantir une égalité des droits pour tous les hommes, femmes et enfants qui sollicitent une protection sur le territoire français.

Il est proposé de créer un plan interministériel pour promouvoir l'égalité parmi les demandeurs d'asile. Ce plan coordonnera les actions des ministères impliqués, tels que le Ministère du Logement et le Ministère des Solidarités et des Familles, afin d'identifier les causes de ces inégalités au sein du territoire (insuffisance de logements, défaillances dans l’accompagnement…) et de mettre en place les mesures permettant d’y remédier.


COMBATTONS LA DÉSINFORMATION SUR L'IMMIGRATION POUR FAVORISER UN DÉBAT OBJECTIF ET SEREIN.

ARTICLE 6
En juin 2023, le musée de l'Histoire de l'immigration s'est associé à l'institut de sondage IFOP pour évaluer la compréhension des Français sur les questions migratoires (5).

Seulement 1 Français sur mille a répondu correctement aux 6 questions posées, et 13% se sont trompés sur toutes les réponses.

Par exemple, bien que 62% estiment qu'il y a trop d'immigrés en France, 60% surestiment leur nombre (45% le doublent, 16% le quadruplent). Ces résultats montrent une corrélation entre la méconnaissance de l'immigration et une image négative associée. Les sondages d'opinion, souvent utilisés pour les décisions politiques, manquent donc d'objectivité.

Pour remédier à cela, il est suggéré d'organiser une « Convention citoyenne sur l'immigration », similaire à la « Convention citoyenne sur le climat ». Cette assemblée de citoyens français tirés au sort se pencherait sur la politique migratoire avec l'appui d'experts, d'acteurs de terrain et d'étrangers. Les travaux et ateliers de la convention seraient rendus publics pour assurer la transparence et le partage des connaissances.


AGISSONS CONCRÈTEMENT EN FAVEUR DE L'INTÉGRATION.

ARTICLE 7
Proposer des cours de français dès le début de la procédure de régularisation ou d'asile. Les étrangers en emploi pourront suivre ces cours pendant leur temps de travail.


ARTICLE 8
Accorder une autorisation de travail à tous les demandeurs d'asile dès le début de leur procédure, sans discrimination de nationalité. Pour les étrangers ne disposant pas d’un statut de réfugié, il est proposé de mettre fin à la « taxe OFII » qui impose aux employeurs de verser une taxe pour toute embauche de salarié étranger, car la préférence nationale n'est pas conforme à notre constitution.


SIMPLIFIONS LE CONTENTIEUX TOUT EN PRÉSERVANT LES DROITS.

ARTICLE 9
Affirmer que les étrangers peuvent déposer jusqu'à 12 recours contre une décision d'expulsion est faux (6). De même, prétendre qu'un étranger constituant une menace grave à l'ordre public n'est pas expulsable est inexact (7).

Cependant, il est vrai que le droit des étrangers est devenu plus complexe au fil du temps, compliquant souvent la compréhension des procédures contentieuses.

Pour remédier à cette complexité, il est proposé de lancer une mission parlementaire. Cette mission devrait étudier la possibilité de simplifier le contentieux des étrangers, en impliquant les organisations syndicales des avocats et les associations juridiques. Il sera essentiel de garantir que cette simplification ne porte pas atteinte aux garanties procédurales.


CONFIONS LA POLITIQUE MIGRATOIRE AUX MINISTÈRES COMPÉTENTS.

ARTICLE 10
Proposons de rétablir la politique migratoire de la France en tant que compétence interministérielle (affaires sociales, logement, emploi...) plutôt que de rester exclusivement sous la responsabilité du ministère de l'Intérieur et de la DGEF (Direction Générale des Étrangers en France), comme c'était le cas avant 2010.


  1. https://www.passportindex.org/fr/byRank.php
  2. https://www.lemonde.fr/archives/article/1998/07/17/charles-pasqua-suggere-de-regulariser-tous-les-sans-papiers-identifies_3672728_1819218.html
  3. https://www.conseil-etat.fr/actualites/demarches-administratives-en-ligne-le-conseil-d-etat-fixe-un-cadre-general-et-se-prononce-sur-les-demandes-de-titre-de-sejour
  4. https://www.ofpra.gouv.fr/actualites/rapport-dactivite-2022
  5. https://www.palais-portedoree.fr/actualites/changer-de-regards-sur-l-immigration-en-france
  6. https://www.lessurligneurs.eu/selon-gerald-darmanin-un-etranger-en-situation-irreguliere-peut-former-jusqua-12-recours-contre-une-decision-dexpulsion/
  7. https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/le-vrai-du-faux/vrai-ou-faux-attentat-d-arras-l-assaillant-pouvait-il-etre-expulse_6097611.html

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