Yukon c’est à 3 heures de l’Alaska, là où Jack London a rejoint les orpailleurs , à Dawson City, tentant sa chance, il a ramené plus d’histoires que d’or et le scorbut arrosé d’ un fort penchant pour le whisky.
Je suis à Mayo, dans la région du Klondike, à -46, la nuit, les aurores boréales ont dévoré mon sommeil, ces ballets célestes font dire aux Amérindiens que ce sont la danse des esprits alors ils parlent à ces formes vertes qui recouvrent le ciel étoilé dansant leur sarabande étrange.
A - 46, tout est figé, les sapins, les lacs, les oiseaux restent muets, dans cette blancheur immaculée, un silence spectral vous enterre au fil des jours si courts. Le soleil, pâle et froid se lève paresseusement à 11h38 pour se coucher à 16h50.
En atterrissant à Whitehorse, l’avion a dérapé sur la piste gelée et glissante, seuls des taxis conduits par des Penjabis enturbannés sous leur capuchon d’anorak vous attendent, ils refusent les trajets trop courts et préfèrent patienter. Ils sont nombreux à tenter cette nouvelle ruée vers l’or pour obtenir le sésame, la résidence permanente canadienne, venir dans ces contrées hostiles en hiver leur procure un grand nombre de points pour le décrocher après quatre ou cinq ans.
Dans des épiceries de village où les seuls clients sont des Amérindiens, ils vendent les produits de première nécessité et toutes les épices indiennes pour le caribou au curry ou au masala, après ils rêvent de partir à Vancouver ou Montréal.
J’ai les doigts gelés, 10 minutes dehors ont suffi à me geler les cils et les cheveux, mes doigts engourdis n’arrivent pas à dévisser la bouteille de whisky achetée chez les Indiens, je jure, le bouchon cède, j’avale une bonne lampée en regardant la brume s’élever au-dessus de la Nacho Nyak, grande rivière en tuchtone. Quatre heures sur la Silver Trail, à conduire sur les routes glacées et solitaires m’ont achevé, mon 4x4 tient bien la route, mais à -30, il refuse de démarrer, je pars en chien de traîneau dans la forêt débiter du bois…….
Un pote insistait pour que je parte avec lui chercher de l’or, il en reste encore au fond des rivières, une deuxième gorgée….puis une troisième, une douce sensation de chaleur m’envahit, les chiens sont avec moi devant le feu, ils soulèvent leurs pattes gelées, une à une. Au printemps, je repartirai chercher un peu d’or…….mais seul, le pote qui aurait dû m’accompagner est mort gelé il y a un mois, ivre il s’est endormi dans le froid, on l’ a retrouvé raide comme un piquet…..je partirai seul, encore une goûlée à la santé du mort!