10 ans que ça lutte à Gonesse contre le projet Europacity, un immense et fantasque centre commercial, sur des terres agricoles. Suite à cette longue lutte, ce délire mégalo a été annulé fin 2019. Pourtant en 2021, le projet de gare du métro Grand Paris Express lié à Europacity est quant à lui toujours en vigueur. C'est que dans cette zone de 800 ha des terres des plus fertiles de France, entre deux aéroports, interdite à la construction de logement, l'Etat espère toujours urbaniser 110 ha autour de la gare, mais aucun projet n'est proposé autour de la gare.
Si le Triangle de Gonesse, pour celles et ceux qui y sont attaché.e.s, est depuis longtemps une Zone à Défendre, ce dimanche sous la neige une occupation, nouvelle étape de la lutte, a commencé.
Une occupation c’est montrer ensemble une détermination à empêcher sur le terrain la machine délétère de l’aménagement capitaliste prêt à brader les terres agricoles.
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La force des narrations créées par les aménageurs, c’est de nous acculer à penser qu’il n’y pas d’alternative à la métropolisation. "La métropole", c‘est un imaginaire de villes en compétitions, sans autre effet que d’étendre l’emprise d’une politique locale sur un territoire, encore et toujours une colonisation. Ces narrations vont de pair avec celle des publicités et des imaginaires imposés, qui sont le socle rendant possible la mise en place de tels projet. Ces imaginaires imposés immiscent les logiques marchandes dans les plus intimes de nos relations. L'économie collaborative et le capitalisme de surveillance, sont les formes actuelles de ces conquêtes de l'intime. Or c'est depuis l'acceptation de ces dispositifs que le saccage de la planète et l'artificialisation des sols peuvent perdurer.
Occuper c’est trancher avec tout ça. Occuper c’est depuis l’urgence de bloquer le démarrage des travaux, réinventer ici et maintenant des liens de solidarité et de lutte dans l’objectif de maintenir vivante cette occupation. Et par là même cette occupation nous tient vivant. Elle nous relie aujourd'hui au-delà du trauma social du régime de gouvernance de la crise sanitaire, en rupture avec plus de 60 ans de léthargie de la société de consommation.
Pour celles et ceux qui n’ont pas (encore) touché cette solidarité du doigt, il est fort probable que des cabanes en palettes au milieu d’une parcelle nue sous la neige, ne représentent pas grand-chose, ne stimule pas le nerf optique comme peut le faire Netflix ou autres écrans.
Aussi étrange que cela puisse paraître, dans ces cabanes, ce brazero, et tous ces coups de mains, se trouve une piste, un chemin praticable, pour reconfigurer nos relations aux vivants, aux autres, aux luttes. Une étape pour aller plus loin dans la désertion de ce monde qui tient encore debout à coup de pubs et de flics.
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C’est donc quelque chose de ça que nous avons touché, vécu, depuis dimanche dans cet étrange endroit où doivent démarrer les travaux, friche à nue, entourée d’une station service, d’un hôtel à démolir, d'une décharge, de deux autoroutes et faisant face à 800 ha de terres fertiles aujourd'hui cultivées en openfield.
Mais aussi voisine d’un camp temporaire et précaire de gens du voyage, dont les habitant·es ont tout de suite proposé des coups de main. Soutien qui a son prix – la mairie vient de couper l'eau et l'électricité sur le terrain.
Ce non-lieu est le fruit d'une politique de plusieurs décennies qui a déjà transformé la plupart de nos paysages en flux connectables, dégradant les possibilités d'habiter pleinement.
L'aménagement du territoire avancé par ces "pompiers pyromanes" comme les nomme l'urbaniste Jacqueline Lorthiois dans sa tribune en soutien à la zad du triangle, continue irrémédiablement à promouvoir son modèle extractiviste.
Comme le montre la journaliste Jade Lindgaard dans son récent papier "Écologie: terres à prendre et nouvelles zones à défendre" , la zad arrive à Gonesse à un moment de jonction de plusieurs luttes, qui s'inscrivent dans une "écologie du rapport de force" car au delà du triangle, le Grand Paris continue son écocide, à coup de communication greenwashé :
"Toutes ces luttes ont en commun la défense de terres – agricoles, nourricières ou en plus ou moins libre évolution – contre des projets d’aménagement. En réaction contre les discours creux et abstraits du gouvernement sur le climat, des personnes de générations et activités diverses défendent une vision concrète et matérielle de l’écologie, qui se soucie de chaque hectare condamné à la bétonisation, s’attache au sol, veut se défendre contre la saturation de l’air par des polluants toxiques... C’est une écologie du rapport de force, et de la rupture, en porte-à-faux avec le discours de la transition écologique, de l’économie circulaire, du verdissement de l’activité et du développement durable".
Ainsi la zad squatte ces imaginaires imposées, pour depuis le réel de l'occupation et des solidarités liées, bouleverser l'agenda d'une démocratie hors sol.
Comme à Gonesse articuler résistance et alternatives, c'est ce que nous continuons de tenter dans le bocage de Notre Dame des Landes, où l'occupation a assez vite engendré un habité en conscience d'habiter qui tranche avec les manières métropolitaines imposées aux villes et aux campagnes.
Défendre les terres agricoles de l’artificialisation ou contre l’accaparement par des logiques agro-industrielles, ça veut dire aussi abandonner le discours écologique abstrait qui fait de la Terre une planète à défendre : on ne peut défendre que ce qu'on aime et qu'on connaît. Une écologie radicale et concrète défend un morceau concret, ici des habitant·es d'Île-de-France défendent leurs terres fertiles... et inspire d‘autres luttes, ailleurs !
Finalement ce qui se passe sur le Triangle de Gonesse pourrait annoncer un printemps des luttes qui soit à même de reconnecter quelque chose des enjeux urbains, ruraux, climatiques et agricoles face à la réintoxication du monde ! En ce sens une journée d'action est déjà annoncée le 17 avril partout en France ! d'autres suivront ! Zad partout !
Un membre du comité de soutien Défendre.Habiter et habitant de la ZAD de Notre Dame des Landes