- La mixité sociale et scolaire pour lutter contre les inégalités sociales
Rapport 2015, extrait (p 91 à 103), Jean-Paul Delahaye, Grande pauvreté et réussite scolaire : le choix de la solidarité pour la réussite de tous | Ministère de l'Education Nationale et de la Jeunesse
- La mixité sociale et scolaire pour lutter contre les inégalités sociales
Ce dont ont besoin les enfants des familles pauvres, c’est que cesse la ségrégation sociale et scolaire qui les empêche d’apprendre avec les autres.
- La ségrégation sociale, un obstacle majeur pour la réussite de tous
Sous les effets de la ségrégation résidentielle et de l’insuffisance des politiques publiques, certaines parties de notre territoire sont, de fait, et malgré les efforts des personnels, devenues des zones de grande difficulté pédagogique.
Travailler à une plus grande mixité sociale et scolaire est d’autant plus important que le fait « de constituer des établissements et des classes où se rencontrent des jeunes de milieux socio-économiques différents a un effet bénéfique sur la réussite scolaire des jeunes d’origine populaire »[1]. Le CNESCO prépare sur le sujet une revue de la littérature scientifique internationale à paraître prochainement.
Les enseignants disent : « Ce qui est difficile, c'est l'hétérogénéité, mais quand il n'y en a pas, c'est dramatique, car le levier, le moteur dans une classe, c'est le décalage »[2].
C’est pourquoi, chaque progrès constaté dans la mixité sociale est salué par les personnels de l’éducation nationale. Ainsi, dans une école de Saint-Denis, où la directrice observe que davantage de mixité scolaire « permet un climat scolaire plus calme. Les élèves sont beaucoup plus calmes que l’an passé. En élémentaire (6 classes), l’équipe ressent que la mixité scolaire a permis de faire évoluer différemment les élèves les plus difficiles »[3].
La mixité sociale profite à tous les élèves. L’inspecteur de l’information et de l’orientation de la Somme dont nous utiliserons les travaux plus loin montre que « quel que soit le type d’établissement, les élèves issus des catégories favorisées réussissent le mieux », ce qui ne surprend pas. Mais on voit aussi que « les élèves issus de la catégorie défavorisée réussissent mieux lorsqu’ils sont scolarisés dans les établissements dont la mixité est la plus forte. Les élèves issus de PCS favorisées sont moins sensibles à leur environnement scolaire »[4].
Il s’agit bien d’une question politique essentielle. Lutter contre les inégalités sociales implique de ne pas éluder la question des modalités de répartition de la population scolaire sur un territoire, c’est-à-dire la carte scolaire. Ce sujet fait d’ailleurs débat dans de nombreux pays[5]. Le CNESCO organise à cet égard une Conférence de Comparaisons Internationales sur le thème la mixité sociale à l’école : quelles politiques pour la réussite de tous les élèves ?, les 4 et 5 juin 2015.
En France, la carte scolaire n’a pas été conçue à l’origine[6] avec l’objectif prioritaire de favoriser la mixité sociale et scolaire[7]. Aujourd’hui, après des dizaines d’années au cours desquelles les politiques publiques ont laissé se concentrer dans certaines parties du territoire les populations de milieu populaire, la carte scolaire est devenue la partie visible, au sein du système éducatif, des clivages sociaux de la société. Si le besoin de mixité sociale et scolaire est tellement évoqué aujourd’hui, c’est qu’une ségrégation résidentielle de fait s’est installée.
Pour autant, comme l’ont rappelé les inspections générales, le concept de mixité sociale « recèle bien des ambiguïtés. On veut recréer ce que l’on croit avoir existé. La France aurait connu la mixité sociale, celle-ci l’aurait protégée des violences, aurait assuré le consensus social : mythes, constructions a posteriori. Deux façons de faire sont alors mises en œuvre, suivant les majorités au pouvoir, afin de disperser l’habitat collectif, sous-entendu les immigrés et les populations les plus difficiles, sur l’ensemble du territoire : soit en augmentant le taux de HLM dans les communes faiblement dotées, soit en cassant les grands blocs d’immeubles collectifs et en faisant venir une population moyenne »[8].
La question peut être posée de cette manière : dans l’école de la République, une partie de la population scolaire peut-elle être longtemps tenue à l’écart et se voir condamnée à des scolarités courtes ou incomplètes conduisant au décrochage sans poser de problèmes à la République elle-même ?
La ghettoïsation[9] bien réelle de certaines parties du territoire et ses conséquences sur le système éducatif
Dans une école du centre de Saumur (académie de Nantes), qui accueille une forte proportion d’élèves de familles demandeurs d’asile, d’allophones et de gens du voyage, les enseignants ont décrit ainsi à la mission leur situation : « il n’y a plus de mixité ici, on est dans un autre monde »[10]. Les écoles Valmy au Havre[11] sont situées dans les quartiers typiques des quartiers havrais de l’après-guerre, quartiers qui mêlaient à la fois un habitat social et des industries liées aux activités portuaires et de constructions et réparations navales situées rue du Pont V. Ces industries ont peu à peu disparu laissant des friches industrielles importantes et un sentiment d’abandon aux habitants. Comme nous l’ont précisé les personnels de l’éducation nationale des écoles visitées, les familles d’ouvriers « ont peu à peu quitté le quartier laissant la place à des familles en plus grande détresse sociale : femmes seules avec un ou plusieurs enfants et immigration. Il nous semble que le quartier s’est paupérisé lors des quinze dernières années. Actuellement certains de nos élèves vivent dans des squats sans eau, sans électricité ; une autre partie de la population vit dans des logements insalubres. La destruction du foyer Sonacotra et l’arrivée massive dans des squats de familles non francophones nous a fait perdre certains élèves issus d’une immigration traditionnelle remplacée par une immigration clandestine et l’arrivée d’immigrés issus de pays européens en crise ».
Les ghettos sont aussi ethniques, comme par exemple la situation vécue par des écoles des quartiers nord de Marseille visitées par la mission où les seules personnes non issues de l’immigration sont essentiellement les personnels de l’éducation nationale. C’est la situation bien décrite par les chercheurs : « Si l’on considère divers quartiers dont nous avons une connaissance directe, on observe en effet dans les rues, les écoles, les centres sociaux, les commerces, les transports qu’une large part de la population est d’origine immigrée, et/ou composée de « non-Blancs ». Cette réalité, trop souvent sous-estimée par une partie des élites et des sociologues, est toutefois omniprésente dans l’expérience et le discours des habitants des cités. Un tel décalage participe ainsi au sentiment de ces derniers d’être parqués dans des « ghettos »[12].
Au-delà de l’accumulation des difficultés dans certains territoires, on sait aussi que des établissements concentrent plus de populations défavorisées que ne le laisserait supposer la population scolaire pouvant être accueillie, parce que certaines familles déploient des stratégies d’évitement de la carte scolaire pour, disent-elles, « protéger » leurs enfants[13]. Leur départ, dans certains cas, s’apparente à une fuite ou à une sécession, provoque par voie de conséquence une concentration d’élèves en difficulté dans leur établissement de secteur. Comme le disent les chercheurs, « des logiques de hiérarchisation et de réputation s’élaborent à une échelle locale et ne reposent pas uniquement sur le profil social de l’établissement »[14].
Ce phénomène d’évitement (pour aller dans le public par dérogation officiellement accordée ou par tout autre moyen, ou pour aller dans le privé) ne touche d’ailleurs pas seulement les classes aisées ou moyennes, mais aussi et de plus en plus les classes populaires.
Une question qui ne concerne pas seulement l’éducation nationale
L’Éducation nationale et ses partenaires ne sont pas restés sans réaction face à ce phénomène. La répartition des responsabilités en la matière a évolué puisque la compétence de définition de la carte scolaire pour les collèges a été transférée aux conseils généraux dans le cadre de l’évolution de la décentralisation en 2004.
Généralement, trois acteurs institutionnels ont à travailler ensemble : s’agissant des collèges, ce sont les conseils généraux, les inspections académiques et bien entendu les collèges eux-mêmes.
Des politiques de modifications de sectorisation, conduites avec les élus et les représentants de parents d’élèves, à l’occasion de la partition d’un collège trop important ou à l’occasion de la construction d’un établissement dans une ville, ont pu contribuer à enrayer un processus d’homogénéisation de la population scolaire et à maintenir un minimum de mixité sociale et scolaire.
Il faut de la détermination, mais aussi de la patience et beaucoup de concertations pour conduire ce genre d’opérations, car ce n’est jamais facile de tracer un périmètre de recrutement destiné à faire vivre ensemble des populations différentes. Il y a un équilibre à trouver entre le vœu des familles qui veulent la liberté de choisir le meilleur pour leurs enfants et l’obligation, au nom de l’intérêt général, d’encadrer cette liberté pour préserver un minimum de mixité sociale et scolaire.
Le volontarisme des collectivités territoriales est de ce point de vue très inégal. Comme le font remarquer les inspections générales[15], alors que les conseils généraux ont la compétence de sectorisation depuis 2004, « L’assouplissement n’a pas induit de bouleversement dans les politiques prudentes des conseils généraux en ce qui concerne la sectorisation ». Il faut dire, ajoutent les inspecteurs que « cette question a rarement été une priorité aux yeux de l’Éducation nationale, qui n’a pas utilisé le levier de la carte scolaire, quand elle en avait la compétence, pour équilibrer la composition sociale des collèges ».
- Les assouplissements successifs de la carte scolaire : une fausse solution
C’est en 1984 qu’a été entreprise la première tentative d’assouplissement de la carte scolaire. D’autres se sont succédé depuis, jusque la dernière en 2007. Toutes les évaluations (voir les travaux de Pierre Merle[16] notamment) de ces politiques d’assouplissement conduisent à la même conclusion : l’effet obtenu, accroissement de la ségrégation et affaiblissement de la mixité sociale des établissements, publics comme privés, est exactement contraire à celui affiché : « Plusieurs recherches ont en effet montré que le libre choix de l’établissement favorise la ségrégation ethnique et sociale alors qu’une affectation des élèves régulée par une instance publique permet de limiter les phénomènes ségrégatifs.[17] »
L’assouplissement de la carte scolaire en 2007 a aggravé, au moins dans les premières années, les inégalités entre établissements. En ce sens, elle n’a donc pas été un progrès, bien au contraire, même si l’évitement des collèges de l’éducation prioritaire date de plus longtemps. Ainsi, selon une étude sur les dérogations publiée par la DEPP en 2008, « les collèges RAR concentrent près de 10 % des demandes alors qu’ils ne scolarisent que 3,4 % des effectifs […] L’étude des dérogations demandées et accordées en 2008 et 2009 met ainsi en lumière la diversité des situations auxquelles font face des collèges « Ambition Réussite » : alors que certains établissements ne sont pas ou peu évités, d’autres voient leurs effectifs amputés de plus de 25 % du fait des dérogations »[18].
Très peu de boursiers[19] ont bénéficié de cet assouplissement, contrairement aux objectifs affichés. Au total, « les élèves des familles « très favorisées » sont finalement les seuls à avoir renforcé leur présence dans la strate du haut des collèges, où se situent 43,1 % d’entre eux en 2008 (contre 42,6 % en 2006) dans les aires de plus de 20 000 habitants) »[20] Par exemple, parmi les nombreuses situations rencontrées au cours de la mission, le collège Guy Môquet du Havre constate depuis quelques années une baisse de l’effectif à l’entrée en 6ème en raison de nombreuses demandes de dérogation : ainsi, pour la rentrée 2014 : 11 demandes de dérogation d’enfants du secteur sur 31 élèves de CM2 attendus en provenance d’une école.
L’assouplissement de la carte scolaire a donc aggravé la situation des collèges accueillant les élèves des familles pauvres. C’est ce qu’avait relevé le rapport des inspections générales déjà cité : « La mission a constaté qu’il existe de nombreux collèges défavorisés, à l’écart de tout phénomène de concurrence, où les parents n’ont jamais eu le loisir de s’emparer de cette « liberté nouvelle ». Ces établissements n’apparaissent pas nécessairement comme rejetés : ils reçoivent leur public ségrégué, leurs résultats sont insatisfaisants, mais l’assouplissement de la carte scolaire n’a en aucun cas donné aux familles quelque signal dont elles auraient pu se saisir »[21].
Si les établissements entrent en compétition et sont ainsi placés dans une logique quasi marchande, les comparaisons internationales montrent que « les conséquences en termes d’accroissement des inégalités sont avérées. Lorsque les établissements exercent une autonomie de compétences sur le recrutement des élèves, la pente naturelle est celle d’un renforcement des effets de réputation, par sélection des meilleurs élèves, ce qui creuse l’écart entre les ‘’bons’’ et les ‘’mauvais’’ établissements »[22].
En conclusion, les données dont dispose la Direction générale de l’enseignement scolaire sur les effets des mesures d’assouplissement de la carte scolaire dans le second degré font apparaître un constat largement partagé :
- Les boursiers sociaux ne se saisissent pas suffisamment de la mesure. Les élèves non-boursiers formulent plus fréquemment des demandes de dérogation que les élèves boursiers, en particulier à l’entrée en sixième en éducation prioritaire.
- Les familles sont nombreuses à formuler une demande de dérogation sur la base du motif parcours particulier qui le plus souvent s’inscrit dans une stratégie de contournement. Un nombre non marginal de dérogations sont accordées pour des convenances personnelles.
- Le taux de demandes de dérogation, bien que stable au plan national, continue à être très élevé pour les établissements qui constituent aujourd’hui le cœur de l’éducation prioritaire. La fragilité de certains établissements s’est accentuée.
L’article 1 de la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République du 8 juillet 2013 (rapport annexe) pointe le problème et laisse une marge de manœuvre pour concevoir une politique de mixité sociale : « S’agissant de la carte scolaire, les études montrent que les assouplissements de la sectorisation ont accru les difficultés des établissements les plus fragiles. Le retour à une sectorisation ou à d’autres modalités de régulation favorisant la mixité scolaire et sociale devra être examiné, expérimenté et mis en œuvre ».
Par ailleurs, l’article L. 111-1 du code de l’éducation modifié par l’article 20 de la loi du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République fait de la mixité scolaire une obligation légale et prévoit que le service public de l’éducation veille « à la mixité sociale des publics scolarisés au sein des établissements d'enseignement ».
- Des pistes pour réaliser et faire vivre l’hétérogénéité de la population scolaire
L’affinement de la procédure d’affectation, une avancée vers davantage de mixité sociale
Un dispositif d’affectation peut-il faire reculer la ségrégation sociale en ayant un effet correcteur ? L’exemple parisien donne une réponse positive. À Paris en effet, le logiciel Affelnet a été utilisé pour l’orientation de fin de 3e en donnant aux boursiers un bonus, ce qui a permis l’arrivée de boursiers dans des établissements pas très ouverts à ce public scolaire. C’est donc une avancée qu’il faut saluer.
Mais, comme la procédure d’affectation prend aussi en compte les résultats scolaires, la mixité scolaire ne progresse pas et on ne réduit pas vraiment la hiérarchie entre les établissements : « l’importance du poids accordé aux notes dans le barème d’affectation parisien induit pour la population des élèves non-boursiers, une forte stratification des établissements en fonction du niveau scolaire des élèves, qui n’est que partiellement compensée par l’attribution du bonus boursier »[23].
En réalité, les pays qui ont réduit la ségrégation scolaire « ne sont pas ceux qui ont sophistiqué les procédures d’affectation pour s’adapter à la hiérarchisation de l’offre scolaire. Ce sont au contraire ceux qui ont cherché à limiter les hiérarchisations et les clivages entre établissements[24]». D’autres pistes complémentaires doivent donc être explorées.
Un travail conjoint État-Collectivités territoriales sur la sectorisation
La sectorisation pour maintenir ou introduire une mixité sociale et scolaire est une question politique. Pour dépasser la seule gestion des flux, préoccupation conjointe des DASEN et des conseils généraux, il faut en effet mettre la mixité sociale au cœur des politiques de sectorisation, ce qui est loin d’être la règle générale.
S’agissant des collèges, la loi du 8 juillet 2013 a modifié l’article L. 213-1 du Code de l’éducation qui prévoit désormais que « lorsque cela favorise la mixité sociale, un même secteur de recrutement peut être partagé par plusieurs collèges publics situés à l’intérieur d’un même périmètre de transports urbains ». Le décret du 5 juillet 2014 précise les modalités de mise en œuvre de cette mesure.
La mise en place d’un secteur commun à plusieurs collèges a pour conséquence de faire de l’affectation un outil majeur pour atteindre l’objectif de mixité sociale. En effet, là où ces nouveaux secteurs permis par la loi auront été établis, il reviendra désormais à l’inspecteur d’académie directeur académique des services de l’Éducation nationale, chargé de l’affectation, de répartir les élèves entre plusieurs collèges.
La circulaire n° 2014-181 du 7-1-2015 « relative à l'amélioration de la mixité sociale au sein des établissements publics du second degré »[25] indique que « La mixité sociale au sein d'un établissement d'enseignement scolaire peut être appréhendée en fonction de la façon dont la représentation des différentes catégories sociales en son sein tend plus ou moins à se rapprocher d'une norme définie à une échelle territoriale donnée.
Afin de mesurer cet écart, un outil permettant d'apprécier localement la répartition de la population scolaire des collèges par milieu social sera mis à disposition des services statistiques académiques par la direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance (Depp). Des références pourront être établies à différentes échelles (académie, département, agglomération, métropole, ou tout autre regroupement pertinent), en vue de repérer les établissements qui s'éloignent sensiblement de la référence territoriale retenue et de proposer à la collectivité des objectifs de collaboration et d'évolution ».
Les dispositions sont entrées en vigueur au 1er septembre 2014, il est donc encore trop tôt pour en évaluer les effets. La mission a eu connaissance de travaux en cours, notamment en Seine-Saint-Denis.
Mais la sectorisation ne peut, à elle-seule, contrecarrer totalement les phénomènes de ségrégation et de ghettoïsation. Comme le dit un directeur adjoint de l’éducation d’un conseil général, « ce n‘est pas le conseil général qui peut redorer le blason des collèges les plus difficiles, en agissant sur les problèmes qui s’y passent ; il faudrait rendre plus attractifs les établissements, mais les collectivités ne jouent qu’à la marge là-dessus, elles ne sont pas sur le ‘’hard’’, la pédagogie, et le conseil général n’est pas non plus sur la mixité sociale dans l’habitat, donc on est uniquement sur le périphérique ».
En effet, l’élargissement à plusieurs collèges change l’échelle de l’affectation mais pas sa nature. Comme l’indique la circulaire, « La mise en place d'un secteur commun à plusieurs collèges a pour conséquence de faire de l'affectation un outil majeur, pour atteindre l'objectif de mixité sociale au sein des collèges publics. Les élèves résidant dans le secteur élargi ont le droit d'être affectés dans un des établissements de celui-ci. Aussi, les familles seront invitées à classer par ordre de priorité tous les établissements du secteur pour leur demande d'affectation. Toutefois, si les capacités d'accueil d'un établissement ne permettent pas de donner satisfaction à toutes les demandes de premier rang, il convient alors de procéder à un examen attentif des demandes. Dans une telle situation, vous veillerez à donner satisfaction en priorité aux vœux formulés par les élèves souffrant d'un handicap, puis les élèves bénéficiant d'une prise en charge médicale à proximité de l'établissement. Afin d'affecter les élèves ne relevant pas de ces deux priorités, vous définirez des critères permettant d'atteindre l'objectif de mixité fixé avec les partenaires, notamment en prenant en compte les élèves boursiers. Les effets des mesures prises feront l'objet d'un suivi concerté. Sur la base du suivi et des retours qui pourront être synthétisés au niveau national, l'application Affelnet 6e prendra en compte ces évolutions. »
Dans la mesure où l’élargissement de la sectorisation ne modifie pas la hiérarchie entre collèges, la circulaire demande aux autorités académiques de veiller aussi « à prolonger la réflexion engagée en matière de mixité sociale dans le cadre de l'élaboration de la carte des langues et options des collèges ». C’est là un point essentiel car, sans ce travail à conduire pour homogénéiser l’offre de formation, la nouvelle règlementation ne serait en fin de compte que le prolongement de l’assouplissement de 2007 et profiterait donc toujours aux populations les mieux informées.
L’amélioration du climat scolaire, généralement un préalable indispensable
L’amélioration du climat scolaire d’une école ou d’un établissement est le plus souvent la conséquence d’un travail pédagogique favorisant à la fois la réussite des élèves et la mixité sociale. Et, dans certaines situations, cela peut constituer un préalable. C’est ce qu’avaient relevé les inspections générales en 2013 : « La sécurité dans et aux abords de l’établissement est un facteur important des motivations positives ou négatives : cette notion recouvre la « vie scolaire », le fait que les élèves soient plus ou moins « livrés à eux-mêmes », les abords du collège, la présence ou non du principal à l’entrée de l’établissement ? Par exemple, à Mantes-la-Jolie, il a été constaté que les demandes de dérogations d’un collège de la ville touchaient proportionnellement plus les filles que les garçons, ce qui témoigne de cette peur relative à toutes les questions de sécurité »[26].
Comme le souligne un inspecteur lors de sa visite d’un collège dans l’académie de Créteil : « Jusque-là (4ème rentrée du principal) l’objectif était de pacifier le climat. Maintenant on rentre dans la pédagogie pour élever le niveau global : un programme personnalisé de réussite éducative (PPRE) a été mis en place en 6ème et 5ème. L’objectif est de le mettre en place aussi en 4ème. Travail interdistrict : film etc… axe du projet : élever le niveau global, dont le niveau culturel (la population fréquente peu les lieux de culture). 100% des élèves qui relèvent du secteur de ce collège viennent désormais dans l’établissement. Conséquence : Les CSP défavorisées baissent en % ».
La mission a observé la même situation au collège Rimbaud d’Amiens (REP+)[27] dont les équipes particulièrement motivées, soudées et efficaces ont construit une vie scolaire et pédagogique sereine et propice à l’étude. Les autorités locales (inspection académique, municipalité) ont modifié le secteur de recrutement du collège en y adjoignant une école plus proche du centre-ville dont les élèves viennent au collège en bus le matin, déjeunent au collège et repartent en fin d’après-midi. L’opération est un succès. Aujourd’hui, sur 450 élèves, 80 élèves proviennent de cette école. La mixité sociale est plus présente, les résultats scolaires de l’ensemble des élèves s’améliorent.
Une offre de formation de qualité quel que soit l’établissement
Ce n’est pas à « l’usager de faire le tri entre le ‘’bon grain et l’ivraie’’, mais à l’État de garantir à tous de bonnes conditions de scolarisation »[28]. Or, depuis l’assouplissement de 2007, on a vu des principaux de collège être « conduits à mobiliser leurs équipes pédagogiques autour de développements des projets éducatifs, visant notamment un enrichissement de l’offre de formation et à développer des stratégies de marketing pour faire connaître ces projets auprès des différentes parties prenantes, dont les parents »[29]. Il est illusoire de penser que, si le « marketing » se généralise, tous les établissements seront égaux dans la course aux options. Dans le cadre de la scolarité obligatoire, il faudrait renoncer à la concurrence sans fin des options ou des formations qui conduit à l’impasse pour les enfants des pauvres. Comme le précise Christophe Paris, directeur de l’AFEV, « les familles de milieu populaire à faible capital scolaire, habitant les zones urbaines les moins favorisées, scolarisant leurs enfants dans des établissements de plus en plus socialement homogènes, sont les grandes perdantes de cette escalade dans la concurrence scolaire »[30]. Répartir de façon inégale au collège, c’est-à-dire pendant la scolarité commune, les options ou les parcours particuliers qui n’ont pas pour objectif premier de préparer à des études ultérieures mais plutôt de séparer les élèves les uns des autres, ne permet pas de faire du « commun ». Le rapport Thélot de 2004 le préconisait déjà : « Pour éviter que l’École n’ajoute elle-même aux inégalités, il faudrait que l’offre éducative (options, enseignants, chefs d’établissement, cadre physique, etc.) ne soit pas de moindre qualité dans les quartiers ou pour les élèves défavorisés que pour les autres. […]»[31].
C’est pourquoi, depuis quelques années - et l’assouplissement de 2007 a accéléré le processus – des recteurs et des DASEN ont enclenché un mouvement pour rééquilibrer l’offre éducative entre les collèges.
Comme le dit un DASEN : « On fait tout pour rendre de nouveau attractifs ces établissements. On soutient à fond les projets des équipes pédagogiques »[32].
Dans le même esprit, un proviseur de l’académie de Nantes a la volonté « de travailler à valoriser l’image du lycée, ne pas apparaître comme le « lycée des pauvres » (entouré des 4 REP+ de la ville) avec les effets stigmatisants et repoussoirs, d’où la nécessité de chercher à développer « l’excellence » dans les formations proposées ».
Une attribution des moyens prenant en compte l’obligation de mixité sociale, dans le public comme dans le privé
Le poids relatif des catégories favorisées est deux fois plus élevé dans le privé que dans le public. Il s’agit là d’une moyenne car, par exemple, la plupart des établissements catholiques sont d’abord et principalement des établissements choisis par des familles des classes moyennes. De plus, il peut exister de fortes disparités d’un établissement privé à un autre.
Ainsi, dans le département du Nord, les établissements privés accueillent traditionnellement un public scolaire plus hétérogène. Mais, le plus souvent, c’est un fait établi, les établissements privés sont plus nettement des établissements pour publics scolaires favorisés. Les données sont d’ailleurs connues et actualisées régulièrement par la DEPP : « Les établissements privés scolarisent davantage d’élèves appartenant aux catégories sociales favorisées. Si la structure sociale des établissements privés est d’une façon générale tirée vers le haut, elle se démarque de celle des établissements publics avant tout pour l’accueil des enfants des catégories sociales favorisées et défavorisées : surreprésentation des élèves d’origine sociale favorisée (36,7 % de filles et fils de chefs d’entreprise, de cadres et professions intellectuelles supérieures, de professeurs des écoles, contre 20,6 % dans le public), sous-représentation des élèves issus des catégories sociales défavorisées (19,4 % d’enfants d’ouvriers ou d’inactifs, cette proportion s’élevant à 39,4 % dans les établissements publics) »[33].
La réflexion à conduire pour davantage de mixité sociale et scolaire ne peut donc éluder la question de la participation de l’enseignement privé au « scolariser ensemble ». Et ce, d’autant plus que, si le poids relatif au niveau national du privé par rapport aux effectifs scolaires est resté stable, les différents interlocuteurs rencontrés au cours de la mission ont fait observer que, sur leurs territoires, le mouvement de départ d’élèves vers le privé s’est accentué ces dernières années.
À Saumur, par exemple, la mission a pu constater que la très forte concentration d’élèves issus de familles défavorisées dans les écoles publiques s’explique par le nombre important d’écoles privées dans la circonscription (douze dont sept à Saumur). Au-delà de la forte tradition séculaire de scolarisation dans le privé dans la région, l’évitement du public repose sur une volonté de séparation et sur la recherche d’un certain « entre-soi ».
Dans une école de l’académie de Nancy-Metz, la directrice de l’école maternelle est catégorique : « Nos effectifs ont chuté un peu plus chaque année et nous avons vu les enfants de familles favorisées intégrer l’école privée (absence de mixité sociale visible et rejetée par ces familles). Il y a une dizaine d’années, une vingtaine d’enfants des villages voisins étaient scolarisés dans l’école. Aujourd’hui seulement trois »[34].
Dans le second degré, les assouplissements de la carte scolaire de 2007 « ont eu au moins un mérite : celui de montrer que l’extension des dérogations contribue à intensifier les autres pratiques de choix socialement différenciées des familles et ne fait que polariser davantage les établissements publics et privés. Grâce à elle, on comprend à quel point il est illusoire d’escompter réduire ainsi les disparités sociales entre établissements scolaires, tant que l’évolution de ces disparités dépend des déplacements des élèves qui ne s’effectuent pas principalement par dérogation, notamment entre enseignement public et privé »[35].
En outre, l’implantation d’établissements privés dans des zones défavorisées, projet attestant un engagement a priori positif, peut avoir des effets négatifs d’accélération de la ghettoïsation en offrant aux familles une possibilité de fuir l’établissement public de secteur. Autrement dit, créer de façon volontariste un établissement privé dans une zone difficile peut générer un effet d’éviction de l’enseignement public. C’est ce que dit très bien l’historien Antoine Prost : «Certains directeurs diocésains souhaiteraient installer des collèges ou des écoles dans les zone sensibles. Ils voudraient prendre leur part du fardeau commun, ce qui est tout à leur honneur. Ils pensent même parfois que leurs méthodes seraient plus efficaces que celles de leurs concurrents. La réalité serait très différente. Un collège privé s’installant dans une zone sensible attirerait immédiatement les enfants des familles les moins défavorisées, car la fuite des collèges en difficulté est un phénomène général. […] Le résultat serait d’amoindrir encore la mixité sociale dans les établissements publics du quartier et donc d’aggraver la situation au lieu de l’améliorer : les bonnes intentions ne peuvent rien contre le choix des familles »[36].
La mission a observé ce phénomène en Seine-Saint-Denis ou dans les quartiers de Marseille.
La question complexe de la participation de l’enseignement privé à l’obligation collective de mixité sociale doit donc être abordée sous toutes ses facettes, sachant que l’intégration du privé à la carte scolaire du public est impossible pour une raison constitutionnelle : la liberté de l’enseignement.
Dans un premier temps, deux mesures qu’il faudrait bien entendu travailler en concertation avec les responsables des établissements privés, paraissent de nature à valoriser certaines actions déjà conduites et à enclencher un processus conduisant l’enseignement privé à accroître sa part dans le « scolariser ensemble » :
- Différencier les dotations aux établissements privés selon des critères sociaux[37]. En complément du travail de réflexion déjà engagé par l’enseignement catholique sur ses indicateurs d’évaluation des établissements, prévoir d’inclure dans ces indicateurs des informations sur le degré de mixité sociale de l’établissement et sur l’efficience des pratiques pédagogiques par rapport aux publics accueillis, ce qui serait de nature à permettre des dotations différenciées. C’est donc sur la base de l’effort effectué par un établissement privé pour ouvrir la structure à davantage de mixité sociale que lui seraient attribués ses moyens d’enseignement par l’autorité académique.
- Elaborer des chartes signées localement par les établissements privés et les autorités académiques pour favoriser la mixité scolaire. Il s’agirait de demander dans le même temps aux autorités académiques d’engager une concertation avec les établissements privés pour faire cesser les dysfonctionnements qui viennent entraver l’objectif de mixité scolaire que sont les évictions d’élèves en cours de scolarité et les redoublements hors de l’établissement. Les dotations en moyens devraient également prendre en compte les efforts effectués dans ces domaines.
[1] Catherine Agulhon, Joao Palma, rendant compte des travaux de Marie Duru-Bellat et d’Alain Mingat dans Sectorisation et assouplissement de la carte scolaire, des actions segmentées et contradictoires, Les effets de l’assouplissement de la carte scolaire, Introduction, MENESR, Éducation et formations n° 83, juin 2013, p. 76.
[2] Viviane Bouysse, Inspectrice générale de l’éducation nationale, audition CESE, 12 novembre 2014.
[3] Témoignage recueilli par l’inspectrice de la circonscription.
[4] Laurent Rossignol, IEN-IIO de la Somme.
[5] Voir à ce sujet, Florence Dufresne, Que nous apprennent les comparaisons internationales en matière de carte scolaire ? Dans Les effets de l’assouplissement de la carte scolaire, MENESR, Education et formations n° 83, juin 2013, p. 109-113.
[6] En 1963, il s’agissait d’organiser la répartition des flux scolaires au début de ce que Louis Cros a appelé « l’explosion scolaire ».
[7] Lire le chapitre « sectorisation désectorisation » dans Claude Lelièvre, Les politiques scolaires mises en examen, onze questions en débat, ESF Editeur, 2008.
[8] IGEN-IGAENR, La contribution de l’éducation prioritaire à l’égalité des chances, Rapport n° 206-076, octobre 2006.
[9] Voir notamment Didier Lapeyronnie, Ghetto urbain. Ségrégation, violence, pauvreté en France aujourd’hui, Robert Laffont, 2008, et Eric Maurin, Le ghetto français. Enquête sur le séparatisme social, Le Seuil (La République des idées), 2004.
[10] Visite de la mission du 25 novembre 2014.
[11] Visite de la mission du 27 janvier 2015.
[12] Michel Kokoreff, Ghettos et marginalité urbaine, Lectures croisées de Didier Lapeyronnie et Loïc Wacquant, Revue Française de sociologie, Espaces et ségrégations, 2009/3.
[13] Voir notamment, Son Thierry Ly, Eric Maurin, Arnaud Riegert, La mixité sociale et scolaire en Ile-de-France : le rôle des établissements, Institut des Politiques Publiques, Rapport IPP n° 4, juin 2004.
[14] Marco Oberti, Edmond Pretceille, Dérogations et contextes scolaires locaux : comparaison Hauts-de-Seine et Seine-Saint-Denis, MENESR, Education et formations n° 83, juin 2013, p. 59.
[15] IGEN-IGAENR, Conséquences des mesures d’assouplissement de la carte scolaire après 2007, Rapport n° 2013-37, juin 2013.
[16] Pierre Merle, La ségrégation scolaire, Repère, La Découverte, 2012.
[17] Pierre Merle, Le recrutement social des lycées des secteurs publics et privés, Revue suisse de sociologie, Zurich, 2014.
[18] Gabrielle Fack, Julien Grenet, Les effets de l’assouplissement de la carte scolaire dans l’éducation prioritaire, MENESR, Education et formations n° 83, juin 2013, p. 27-28.
[19] « Les boursiers n’ont ainsi bénéficié que de façon très modeste de la réforme », Marco Oberti, Edmond Pretceille, Dérogations et contextes scolaires locaux : comparaison Hauts-de-Seine et Seine-Saint-Denis, MENESR, Éducation et formations n° 83, juin 2013, p. 71.
[20] Choukri Ben Ayed, Sylvain Broccolochi, Brigitte Montfroy, Quels impacts de l’assouplissement de la carte scolaire sur la ségrégation sociale au collège ? MENESR, Education et formations n° 83, juin 2013, p. 44.
[21] IGEN-IGAENR, Conséquences des mesures d’assouplissement de la carte scolaire après 2007, Rapport
n° 2013-37, juin 2013.
[22] Florence Dufresne, Que nous apprennent les comparaisons internationales en matière de carte scolaire ? Dans Les effets de l’assouplissement de la carte scolaire, MENESR, Éducation et formations n° 83, juin 2013, p.11.
[23] Gabrielle Fack, Julien Grenet, Peut-on accroître la mixité sociale et scolaire dans le système éducatif ? L’impact des procédures d’affectation dans les lycées d’Ile-de-France, IPP, juillet 2014, p.178.
[24] Propos du sociologue Choukri Ben Ayed, Café Pédagogique, 6 octobre 2014.
[25] Bulletin officiel n° 2 du 8 janvier 2015.
[26] IGEN-IGAENR, Conséquences des mesures d’assouplissement de la carte scolaire après 2007, Rapport n° 2013-37, juin 2013.
[27] Constat effectué et propos recueillis lors de la visite de la mission, 3 février 2015.
[28] Choukri Ben Ayed, Café Pédagogique, 11 mars 2012.
[29] Yves Dutercq, Nathalie Mons, Les principaux de collège face à l’assouplissement de la carte scolaire : un repositionnement stratégique, Les effets de l’assouplissement de la carte scolaire, MENESR, Éducation et formations n° 83, juin 2013, p. 87.
[30] Association Française des étudiants pour la ville, LAB, 9 octobre 2014.
[31] Commission du débat national sur l’avenir de l’école présidée par Claude Thélot, Pour la réussite de tous les élèves, La Documentation française, 2004, p. 85 et 86.
[32] Cité par Yves Dutercq et Nathalie Mons, dans Les principaux de collège face à l’assouplissement de la carte scolaire : un repositionnement stratégique, Les effets de l’assouplissement de la carte scolaire, MENESR, Éducation et formations n° 83, juin 2013, p. 92.
[33] MENESR-DEPP, Repères et références statistiques, 2014, p. 98.
[34] Témoignage de la directrice de l’école maternelle et de l’équipe pédagogique, transmis par l’inspectrice de la circonscription. La directrice précise que « Parmi les 80 enfants scolarisés dans l’école, 29 enfants dont les 2 parents (ou 1 si famille mono parentale) n’ont pas d’emploi (36.25%). Pas de profession libérale, d’enseignant, de cadre supérieur. Une grande majorité des parents qui travaillent sont ouvriers, employés, petits artisans. […] Un grand découragement se fait sentir au sein de l’équipe pédagogique car la tâche nous semble insurmontable par moment… Nous apprenons chaque jour à faire face à ces situations de grande précarité ; nous n’avons reçu aucune formation d’assistante sociale et nous gérons très souvent dans l’urgence ».
[35] Choukri Ben Ayed, Sylvain Broccolochi, Brigitte Montfroy, Quels impacts de l’assouplissement de la carte scolaire sur la ségrégation sociale au collège ? MENESR, Éducation et formations n° 83, juin 2013, p. 55.
[36] Antoine Prost, L’enseignement privé prisonnier de son héritage, Revue Projet, avril 2013, p. 41.
[37] La mission rejoint ici la proposition du rapport d’information parlementaire de madame la sénatrice Françoise Cartron, Réguler la carte scolaire, pour une politique ambitieuse de mixité sociale, Sénat, 27 JUIN 2012, qui propose : « Au-delà des conflits idéologiques, qu'il serait vain et inopportun de rouvrir, votre rapporteure estime que l'État peut être plus exigeant avec les établissements privés sous contrat d'association pour accroître la diversité sociale de leur recrutement, en contrepartie des dotations versées et de l'absence de sectorisation. Il ne s'agit ni de diminuer, ni d'augmenter les effectifs scolarisés dans le privé, l'équilibre actuel résultant d'un compromis stable, mais de faire évoluer leur composition sociologique pour le rapprocher de celui de l'enseignement public, avec le souci de l'intérêt général. La question est posée : peut-on continuer à accorder la même dotation à l'élève pour tous les établissements privés ou doit-on prévoir des modulations en fonction de la composition sociale de chacun d'eux, par exemple en fonction de la proportion d'enfants défavorisés qu'ils accueillent. Tous les établissements privés n'y perdraient pas, mais seulement ceux dont le recrutement favorise particulièrement les catégories supérieures et dans lesquels sont absents les boursiers. Une dotation plancher pourrait être garantie pour ne pas imposer de réorganisations brutales qui pénaliseraient les élèves ».