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Billet de blog 28 septembre 2025

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Frapper les pauvres

Quelques « exceptions » montrées sur les estrades médiatiques pourront-elles encore longtemps servir d’alibis pour surtout ne rien changer de fondamental dans notre école ?

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Mon roman "Frapper les pauvres" est le dernier d'une sorte de "tétralogie" d'écrits sur le même sujet.

En 2015, il y a eu mon rapport d'inspecteur général sur la "grande pauvreté et réussite scolaire, le choix de la solidarité pour la réussite de tous"

Grande pauvreté et réussite scolaire : le choix de la solidarité pour la réussite de tous | Ministère de l'Education Nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche

En 2021 j'ai publié un récit autobiographique "Exception consolante"

Exception consolante – Librairie du Labyrinthe

En 2002 j'ai écrit un essai politique "L'école n'est pas faite pour les pauvres, pour une école républicaine et fraternelle".

L’école n’est pas faite pour les pauvres – Le Bord de l'Eau

En 2025, je publie ce roman (qui peut aussi être lu comme une fable ou une utopie) "Frapper les pauvres" qui met en scène des jeunes de milieu populaire. C'est une façon pour moi d'enfoncer le même clou avec un outil différent en utilisant cette fois la forme romanesque pour décrire une société et un système éducatif qui demeurent profondément injustes.

« Frapper les pauvres » Un roman de Jean-Paul Delahaye – Librairie du Labyrinthe

Le titre du livre s’inspire d’un poème en prose de Charles Baudelaire qui a pour titre Assommons les pauvres ! Le poème raconte qu’un jour, un vieux mendiant vient demander l’aumône à l’auteur dans un cabaret. Un démon suggère au narrateur de rosser le mendiant, ce qu’il fait jusqu’à ce que le vieux mendiant se redresse et inflige à son tour une correction au narrateur. Les deux hommes sont alors à égalité. Le narrateur conseille au vieux mendiant de faire à présent la même chose avec les autres pauvres. Pour les aider à s’émanciper en quelque sorte.

Mais je fais un pas de côté par rapport au poète en faisant dire à la mère d’un de mes héros que ce n’est pas « assommer les pauvres » que Baudelaire aurait dû écrire. Car, dit cette femme, « quand on est assommé, on ne peut plus se défendre. “Frapper les pauvres”, j’aurais compris. Au moins quand on est frappé on peut répondre. »

C’est ce que font les lycéens du lycée professionnel Ambroise Croizat qui en ont assez d’être non pas frappés au sens littéral, mais assez d’être maltraités par une institution incapable de leur assurer leurs droits d’élèves, par exemple en état défaillante dans le remplacement de leur professeurs absents.

Mon roman raconte l’histoire de deux jeunes de banlieue repérés au collège comme très bons élèves qui sont sélectionnés pour entrer à Clovis, un prestigieux lycée parisien. Hébergés à l’internat d’excellence, le contraste entre leurs nouvelles conditions d’études et celles de leurs copains et copines du lycée professionnel Croizat, leur fait découvrir des injustices criantes. Sur fond de pauvreté, de précarité et de suppressions d’heures de cours, ils imaginent, ensemble, une façon originale et pacifique d’exprimer leur révolte. Ce combat, avoir les mêmes droits que ceux accordés aux enfants de la bourgeoisie, se construit autour de leur cahier de doléances nommé “Brèves d’en dessous” et se traduit par une expédition organisée au lycée Clovis …   Comme le mendiant de Baudelaire, ils ont décidé de se redresser.

Il est ici imaginé qu’un jour, peut-être, cette jeunesse maltraitée parviendra à dépasser les actions de saluts individuels proposées par une société qui utilise la compassion et la philanthropie pour mieux rester inégalitaire. Quelques « exceptions » montrées sur les estrades médiatiques pourront-elles encore longtemps servir d’alibis pour surtout ne rien changer de fondamental dans notre école ? Ayant compris qu’on ne peut éternellement compter sur la fraternité des autres, des élèves et des familles, malmenés par un système héritocratique qui n’a pas grand-chose à voir avec l’idéal républicain, pourraient-ils un jour engager le combat pour se sortir par eux-mêmes de leur situation, sachant que les milieux favorisés ne comprennent que le rapport des forces et que les avancées sociales n’ont jamais été données mais ont toujours été conquises ?

Cette lutte des classes racontée dans ce livre à hauteur de jeunes des milieux populaires est-ce un roman, une fable, une utopie ?

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