-- Qu’est-ce qui vous fait le plus peur dans la Russie contemporaine?
-- La redistribution incontrôlée du pouvoir. Certains regardent ça avec espoir, comme si les oligarques étaient en train de lâcher Poutine, ses alliés les plus proches de l’abandonner. Je leur réponds que cela ne ferait que multiplier les dangers.
Une telle lutte pour le pouvoir ne présente même pas l'apparence d'un conflit institutionnalisé, où il y aurait par exemple des gens de droite avec une orientation plutôt nationaliste, un parti libéral, un parti de gauche et ainsi de suite. A la place nous avons une confrontation entre des oligarques et des groupes disposant d’une partie de la force publique, ce qu’ils manifeste presque ouvertement dans les médias qu’ils contrôlent. L'exemple parfait en est le propriétaire du groupe de mercenaires Wagner, Evguenyi Prigozhine qui s'en prend ouvertement au ministre de la défense Sergueï Choïgou et à son ministère. Dans un Etat digne de ce nom cela ne serait pas possible. Prigozhine proclame partout que son groupe Wagner est la formation la plus efficace. C’est un paradoxe, des mercenaires proches du pouvoir se disent meilleurs que l’armée régulière. Mais est-ce qu’un Etat normal et fonctionnel peut se permettre une chose pareille? Cela m’inquiète beaucoup. Les conflits politiques ne sont pas en soi mauvais. Mais ils doivent se dérouler dans le cadre de règles concrètes et précises.
La deuxième chose qui m’inquiète réside dans le contexte idéologique. Certains de mes amis chercheurs me disent : “Ne prête pas attention à toutes ces âneries de "désatanisation", d'"Occident perverti", de "sodomie" et de "guerre sainte". Ce n'est que de l'idéologie, elle ne repose sur rien. En réalité la Russie ne veut qu'annexer une partie du territoire de l'Ukraine". Je ne suis pas entièrement d'accord avec ça. Il ne faut pas sous-estimer la puissance matérielle de l’idéologie. Voyez le nazisme : l’antisémitisme est un thème idéologique qui a eu des consequences pratiques concrètes absolument affreuses, des millions de morts, de familles détruites et de personnes traumatisées à vie.
Cela m’étonne toujours : pratiquement jusque dans les derniers jours de la Second Guerre Mondiale, alors que l’Allemagne était déjà évidemment vaincue, l’Holocauste continuait malgré tout. Quelques dirigeants nazis plus rationnels (mais pas moins terribles pour autant) essayèrent d’invoquer des arguments “logiques” contre la poursuite des crimes de masse : pourquoi exterminer des millions de personnes en bonne santé si tous les hommes bons pour le service peuvent être envoyés sur le front ou dans les usines d'armement ? Mais le point de vue des plus radicaux l’emporta.
J’ai lu des histoires folles, par exemple en Grèce, les allemands en sont partis en 1944 mais y ont quand même envoyé un bâteau spécial pour capturer les juifs de certaines îles, les emmener en Allemagne et les exterminer.
Je crains que ça ne se répète... Ne vous laissez pas tromper par les arguments pragmatiques sur l’absence de force de l’idéologie. La majorité des gens sont peut-être des cyniques qui ne la prennent pas au sérieux. Et pourtant elle fonctionne. Même si on l'ignore ou qu'on se moque d'elle.
-- Depuis les premières années de sa nouvelle histoire la Russie essaie de formuler une nouvelle idéologie nationale, mais, selon certains politistes, elle n’y serait pas parvenue. Quelle pourrait-elle être ? Aurait-elle pu empêcher la guerre si elle avait existé ?
-- La version négative de l’idéologie Russe, ce sont les idées de Douguine et de ses collègues. On peut appeler ça la “mystique eurasiatique”. C’est un néofascisme qui, comme son précurseur, se présente comme une troisième voie. Pour simplifier on peut le caractériser comme ça : “Dans le libéralisme il y a trop d’individualisme, dans le communisme trop de collectivisme. Le fascisme est une troisième voie qui concentre en lui-même le meilleur des deux systèmes". S’y ajoute la vision encore plus absurde que la Russie est “la meilleure version de l’Occident, sans LGBT+ ni satanisme”. Rappelons qu’un “Occident authentique” semblable avait déjà accouché d’Hitler...
Je vais dire quelque chose de scandaleux. Vous savez que je suis contre Poutine. Mais quand il a déclaré il y a dix ans que la Russie essaie de construire une société multiculturelle, j’ai presque éprouvé pour lui de la sympathie. L’idéologie russe aurait pu se construire autour de cette idée : ici se trouve une maison pour les juifs et pour les musulmans et pour les boudhistes...La solution est évidemment fédérale. La Russie idéale telle que je me la représente est une version orientale de l’Union Européenne. Je pens que l’UE est un système d’institutions plutôt efficace. La Russie à besoin d’une coopération similaire, fondée sur une véritable ouverture des cultures les unes aux autres. Un tel pluralisme serait idéal pour la Russie autant que pour les Russes. Du fait que la majorité russe permettra aux autres peuples de prospérer, elle ne sera plus considérée comme un facteur d’oppression mais comme la garantie d’un espace de sécurité pour tous las autres peuples.
C’est d’ailleurs ce sur quoi a écrit Lenine. Je dois préciser que je ne suis plus un léniniste naïf comme par le passé. Mais il voulait vraiment faire de l’URSS une société saine, ouverte et accueillante. De ce point de vue je continue à penser que la désintégration de l’URSS a vraiment été une erreur. Bien sûr on y trouvait de grandes différences culturelles, comme avec les Pays Baltes, qu’il n’aurait pas fallu vouloir retenir. Mais on aurait pu conserver un lien avec toute une série d’autres pays sur un modèle pluraliste à l’image de l’UE. Cela aurait parfaitement fonctionné jusqu’à maintenant et aurait même peut-être empêché la guerre.
C’est la guerre d’ailleurs qui a fait de l’Ukraine une nation en rapprochant les individus. Beaucoup d’amis ukrainiens m’ont parlé de ça : jusqu’au 24 février les rapports aux Russes et à la Russie étaient encore très détendus, beaucoup encore parlaient russe. J’en veux pour preuve la participation de Vladimir Zelenski en tant que comique à l’émission de variété diffusée par la première chaîne publique en 2013 à l’occasion du nouvel an. Tous ces liens sont désormais totalement détruits. L’invasion a définitivement détourné l’Ukraine de la Russie.
-- Etes-vous prêt à revoir une fois de plus votre opinion sur Lenine ? En Ukraine on y voit un des symboles de l’agression à la fois russe et soviétique.
-- Je n’ai jamais considéré Lenine pour un dirigeant idéal ni comme le modèle de comment il faut gouverner un pays. Il est évident qu’il a rendu possibles Staline et le stalinisme. Mais il était contre le chauvinisme grand-russe et défendait l’idée d’une large autonomie pour les républiques nationales. Je ne sais pas pourquoi une partie de la gauche européenne s’efforce de ne pas le voir. En outre et Lénine et Trotsky s’opposaient fermement à la domination russe en Ukraine. Poutine le sait très bien et c’est pourquoi il accuse sans cesse Lénine d’avoir créé ce pays.
-- Mais alors pourquoi selon vous en Ukraine renverser les statues de Lénine est devenu un des symboles de la résistance à la Russie et de la libération ?
-- Il est très important de distinguer Lénine et le léninisme. Ce dernier est une invention de Staline. Il a utilisé ce concept pour donner une légitimité à son pouvoir totalitaire. Poutine agit de manière comparable, il multiplie les références directes à l’empire russe (par exemple en mentionnant Pierre le Grand) et parle de “dénazification” en faisant comme si l’Ukraine était un Etat fasciste. De la même manière en Ukraine les statues de Lénine ne représentent pas Lénine lui-même mais le pouvoir soviétique dans son entier. Il me semble de plus étrange que l’Ukraine n’ait pas mobilisé la pensée de gauche à l’intérieur du pays. Le pouvoir continue à chercher un appui chez les libéraux de droite et les conservateurs, qui le trahissent de plus en plus souvent, comme par exemple les républicains aux Etats-Unis qui projettent depuis longtemps de réduire l’assistance militaire à l’Ukraine.
-- Depuis le début de la guerre vous occupez une position ferme : l’Occident doit continuer à fournir des armes à l’Ukraine. Néanmoins de nombreuses personnalités de gauche en Occident, comme par exemple le philosophe Noam Chomsky, soutiennent l’idée que l’Ukraine doit s’asseoir à la table des négociations ou même se rendre. Pourquoi ? Et comment évaluez-vous ces idées ?
-- Il va de soi qu’il s’agit d’une position erronnée. Et je le dis sans parler d’un point de vue moral supérieur. Elle est simplement illogique. Quand la guerre a commencé nombreux parmi mes amis progressistes ont secrètement espéré en une victoire rapide de la Russie. Ils disaient : “Oui, ça va être affreux, nous allons protester un certain temps, mais tout va se terminer rapidement". La résistance ukrainienne en a étonné beaucoup en Occident.
J’ai été étonné par la quantité de gens de gauche, sutout en Allemagne, dans “Parti de Gauche” qui s’appuie sur un pragmatisme grossier et ignorant. On peut le formuler comme ça : “Nos travailleurs perdent une partie de leur pouvoir d’achat à cause de hausse des prix. Pourquoi devrions nous prendre part à une guerre qui se passe loin d’ici quelque part à l’Est ?” Mais si quelque part à l’horizon se forme un espace pour des négociations, il doit être créé par le soutien occidental à l'Ukraine : sans lui les Forces Armées Ukrainiennes auraient déjà été vaincues et la Russie imposerait ses conditions. La résistance ukrainienne et l'aide occidentale ont crée les conditions d'une paix juste.
Et tous ces gens de gauche qui me qualifient sans cesse de “loup dans un costume de clown” ou de “bouffon du capitalisme” sont incroyablement stupides. Oui le pouvoir ukrainien a fait des erreurs. Mais c’est l’Ukraine qui a été attaquée, et elle se défend. C’est un vrai miracle, les Ukrainiens croient en leur liberté et ils se battent pour elle. Mon Dieu, mais si tu penses être de gauche, tu dois être de leur côté ! De plus, il faut regarder plus loin et dire que les Ukrainiens s'opposent à Poutine, dans le long terme ils aident la Russie à se démocratiser. C'est évident !
Une autre raison réside en ce que les gens comme Chomsky partagent encore de vieux préjugés gauchistes : si l’UE, les USA et l’OTAN participent à quelque chose, il faut automatiquement être contre. Malheureusement ce n'est pas aussi simple. L’idéologie de Poutine et de ceux qui l’entourent est assez simple à déchiffrer : c’est du néofascisme. On le reconnaît à ses déclarations impérialistes sur les territoires à reprendre, à sa politique extérieure agressive, à sa manière de s’appuyer sur les oligarques. Mais malgré tout les vieux gauchistes croient encore que les véritables impérialistes ce sont les USA et l’Europe de l’Ouest. Sur le principe “leur ennemi est mon ami”. Ils continuent à s’accrocher à la croyance que la Russie lutte contre l’impérialisme global.
-- Pourrait-on dire que le pouvoir russe joue leur jeu en qualifiant cette guerre de combat contre l’impérialisme occidental ?
-- Avant tout il est important de rappeler que le terme même d'antimpérialisme a un rapport assez étroit avec le fascisme : la propagande allemande pendant la seconde guerre mondiale racontait que les armées du troisième Reich, en occupant l’Europe, luttaient contre l’impérialisme français et britanique. Le Japon développait la même conception.
Je crois volontiers que Poutine et ses proches ne s’appuient pas seulement sur Ivan Iline et Alexandre Douguine mais trouvent aussi leur inspiration dans un groupe de penseurs de gauche qui réfléchissent sur “l’aspect anticolonial” des justifications de la guerre. Et cela trouve malheureusement un écho dans certains pays du tiers-monde. Qu’on ne s’étonne pas ensuite que par exemple la Russie, la Chine et l’Afrique du Sud mènent des exercices navals conjoints.
C’est très dangereux parce que cela conduit à la formation d’un nouveau système de relations internationales. Je l’appelle le “pluralisme brutal” : par là j’entends l’indulgence et la compréhension réciproque des pays autoritaires. Le meilleur exemple en est l’accord passé par la Chine avec les talibans. Le danger réside en ce que tout cela conduit à la formation d’u nouvel “axe” néofasciste. Mon pire cauchemar est que cette idée reçoive le soutien des nouvelles droites américaines et européennes. Cela peut conduire à une catastrophe, pas nécessairement militaire, mais au moins idéologique. Les pays des Brics jouent un double jeu. Cela amène à une conclusion assez importante, même au plan philosophique : la neutralité ne peut pas être absolument neutre. Si dans un conflit vous occupez une position "neutre", vous faites automatiquement le jeu de l’une des parties. Il se passe la même chose avec la guerre en Ukraine, en disant que vous êtes neutres, vous faites plutôt le jeu de Poutine et du pouvoir russe. Conduisons nous au moins comme Staline, qui combattait contre la capitalisme et l'impérialisme, mais qui n'hésita pas à s'allier aux USA pour vaincre Hitler.
-- Et quelles seront les conséquences à long terme de cette guerre pour les pays d’Europe occidentale et pour l’Amérique du nord ?
-- regardez les Verts en Allemagne. Ils ont remis leur pragmatisme et leur pacifisme artificiel à leur juste place après avoir trouvé une meilleure solution : pourquoi ne pas profiter de la menace russe pour se passer complètement des importations de gaz et de pétrole et transformer enfin l’économie en direction de l’énergie verte ? J’estime que c’est un mopdéle de pensée créative. Et c’est ainsi que pensent ceux qui sont vraiment, pour de bon, à gauche. Je proposerais même une variante encore plus radicale. Je vous préviens, je choisis mes mots exprès pour provoquer et mettre en colère les gens. Je milite en faveur de l’introduction de quelques éléments de “communisme de guerre”. Bien sûr l'Occident n'a pas besoin de dictature communiste. Mais il est important de renforcer le rôle de l'Etat dans la vie des secteurs les plus importants, par exemple dans la santé et l'écologie. J'appelle encore ça "militarisation démocratique". Je ne parle bien sûr pas de confier le pouvoir à l’armée. Simplement en temps de guerre il ne faut pas abandonner les choses au laisser-faire du marché, l’intervention de l’Etat est indispensable. Il est remarquable que le journaliste libéral britannique Simon Jenkins ait proposé la même chose à propos du secteur de la santé au Royaume-Uni. Contre la crise provoquée par la guerre il faut lutter en prenant des mesures de temps de guerre. Je fais le rêve un peu naïf que la guerre entre la Russie et l'Ukraine stimulera les pays occidentaux à avancer dans cette direction. Pour sauver les libertés fondamentales il faut renforcer le rôle de l'Etat dans l'économie et augmenter le volume de la coopération globale.
-- Qu’est-ce qui s’oppose au renforcement de la coopération entre les pays occidentaux ?
-- L’Occident se trouve impliqué dans une grande quantité de pseudo-conflits. Il serait facile d’unir les populations d’Europe de l’Ouest et d’Amérique du Nord autour de projets d’améliorations dans le domaine de la santé, de l’écologie ou de l’éducation. Mais beaucoup de ceux qui se disent à gauche sont obsédés par les questions culturelles. Bien sûr ils sont aussi importants, mais ils sont aussi susceptibles de diviser profondément les gens. La plupart des gens simples ne détestent pas les représentants LGBT+. Cela les met mal à l’aise mais il ne faut pas appeler cela de l’intolérance. Au lieu de traiter ces gens de fascistes, pourquoi ne pas plutôt se concentrer sur des thèmes pour lesquels il sera plus facile d'obtenir leur soutien ? c'est pourquoi je reste sceptique à l'égard du politiquement correct et de la cancel culture : ils sont intrinsèquement facteurs de division. Deux types sont assis l'un à côté de l'autre et au lieu de penser à s'unir ils se soupçonnent mutuellement d'antiféminisme ou d'homophobie. Cela ne fait qu'augmenter le capital des populistes de droite. C'est précisément comme ça que Trump a été élu. En un sens pseudopsychanalytique il symbolise le caractère problématique du modèle néolibéral.
-- Beaucoup de politistes définissent aujourd’hui la Russie comme un pays fasciste. Est-ce le cas de votre point de vue ?
-- J’ai souvent des doutes sur la possibilité d’utiliser ce mot en ce qui concerne la Russie contemporaine. Le terme a beaucoup perdu de ses couleurs à cause de la paresse de la gauche : dès que quelque chose lui déplaît elle le traite de "fasciste".
Pour moi le fascisme est un moyen de fuir les contradictions internes en affichant un faux sentiment de solidarité. La Russie est une société profondément divisée, mais si on joue habilement la carte de l’unité nationale, il est possible de le masquer partiellement. Voilà pourquoi on peut appliquer ce terme à la Russie, mais c’est un phénomène très limité dans le temps.
Cela ne me conduit pas à dédouaner le néolibéralisme occidental : dans une certaine mesure il est à l’origine de l’émergence de ces régimes néofascistes. Ça sonne un peu stalinien, mais toute critique doit commencer par une autocritique. La tragédie de la Russie vient de ce que dans les années 90 l’Occident a essayé de lui imposer de force le modèle néolibéral. Poutine et la guerre en sont les effets directs.
-- Pensez-vous que la communauté internationale, mais aussi la Russie et l’Ukraine, pourront utiliser l’expérience des enquêtes sur les crimes de guerre développée en Yougoslavie quand la guerre seraz terminée ?
-- La Russie est un pays beaucoup plus grand que la Yougoslavie. Sans des changements radicaux dans l’ordre mondial je ne peux pas imaginer un avion spécial conduisant Poutine, Medvedev et compagnie à La Haye. A la fin des années 80 quand la Yougoslavie a commencé à se diviser, l’Occident a fait pression pour que l’Etat yougoslave reste uni. Les hommes politiques américains et européens craignaient, à juste titre, que sa désagrégation conduise à la guerre. C’est ce qui arrive aujourd’hui avec l’ancienne URSS, mais avec trente ans de retard. Les racines de la catastrophe sont à rechercher dans l’époque de Eltsine. Je le dis avec toute la sympathie que j’éprouve pour lui. Il a quasiment réalisé un miracle en empêchant la guerre civile. Mais en 1993 quand il a fait tirer sur la Maison Blanche sont apparus les premiers germes de l’autoritarisme russe qu’on voit fleurir aujourd’hui.
-- Selon vous, que va-t-il se passer quand la guerre prendre fin ? La Russie est-elle vraiment condamnée à la défaite et le régime de Poutine à diparaître ?
-- Pas nécessairement. Je suis toujours un peu pessimiste. Que se passera-t-il si la Russie réussit à se maintenir sur les territoires occupés, si les Républicains gagnent les élections aux USA et si le mécontentement social continue à grandir en Europe ? Les gens peuvent tout simplement commencer à se lasser. Pour moi le simple fait qu’au bout de presque un an l’Ukraine continue à résister, c’est déjà un véritable miracle. En fait en Occident tout le monde est déjà épuisé, bien qu’on ne participe pas directement à la guerre.
Par ailleurs Poutine est très pragmatique. Je pens qu’il va essayer de s’accrocher à la moindre possibilité de conserver son pouvoir jusqu’au bout. C’est triste, mais la seule solution est de garder son sang-froid et d’éviter la rhétorique de la victoire : “écraser la Russie, éliminer Poutine”. Le plus important c’est que l’Ukraine doit absolument survivre en tant qu’Etat indépendant. A long terme ce sera profitable même pour la Russie.
L’Occident ne doit pas sombrer dans un sentiment de supériorité morale sur la Russie, il ferait mieux de se concentrer sur ses propres erreurs. L’idéologie occidentale fonctionne ainsi : le système est toujours en train de se critiquer, mais rien ne change. Si on n’en finit pas avec cette manière de faire, L’Occident sera perdant.
L'article original en russe : https://meduza.global.ssl.fastly.net/feature/2023/01/30/rossiyane-ne-vragi-rossiya-ochen-travmatizirovannaya-razdelennaya-strana