“Du sang, des crampes, toute ma jambe était couverte de bosses, mais c’était au moins un bon argument pour obtenir qu’on m’évacue.”
Nikolaï, engagé volontaire, s’est retrouvé fin mai 2024 à Kurdiumovka, un village de la région de Donetsk désormais sous contrôle russe. Sautant de cave en cave parce que les drones veillent en permanence dans le ciel, son groupe d’assaut s’est frayé un chemin jusqu’à la zone industrielle par laquelle passait alors la ligne de front et où les Ukrainiens avaient déjà installé leurs fortifications. Leur groupe devait y être accueilli par les soldats d’un autre bataillon russe qui tenaient cette portion du front depuis six mois. Les commandants de Nicolaï lui avaient assuré avant qu’il ne parte que ces soldats avaient même organisé à Kurdiumovka une sorte de point d’appui.
Le “point d’appui” se révéla être un espace à l’intérieur d’une sorte de tuyau d’un mètre et demi de diamètre destiné à l’évacuation des eaux usées. “Quand je me suis retrouvé dans ce tuyau, je me suis pris la tête dans les mains, se souvient Nikolaï. Ceux qu’on a trouvés assis-là n’étaient pas vraiment des êtres humains mais des sortes de squelettes recouverts de peau. Noirs de crasse et épuisés. Ils survivaient de manière primitive en buvant l’eau boueuse qui s’infiltrait dans le tuyau, ils y faisaient infuser leurs mégots pour faire du thé. De temps à autre ils parvenaient à courir jusqu’à un champ et à y glaner quelques épis. Ils ont directement dévoré à la cuillère le café que nous avions apporté avec nous. Ils se versaient dans la bouche notre substitut de sucre par paquets entiers. Les Russes ne pouvaient pas organiser une rotation et évacuer ceux qui se trouvaient dans le tuyau, ni même leur faire parvenir des provisions : des drones ukrainiens tournaient en permanence dans le ciel et les fortifications ennemies étaient “tellement proches qu’on pouvait entendre les voix des Ukrainiens” se souvient Nikolaï. Son groupe se retrouva à son tour pris au piège. Leur première tentative de sortie se termina par un tir de mortier qui blessa Nikolaï et tua un camarade. “C’est la première mort à laquelle j’ai assisté, raconte l’engagé à Meduza, et lorsque nous nous sommes repliés dans le tuyau, j’ai vu que les squelettes avaient déjà éventré nos sacs et s’en étaient partagé le contenu. Personne parmi eux n’imaginait que nous reviendrions.”
Nicolas avait reçu un éclat d’obus de mortier sous l’omoplate. Bientôt il sentit ses bras s’ankyloser. Cette nuit-là un gaz non-identifié envahit leur tuyau et Nikolaï crut devenir aveugle. Une heure plus tard un drone ukrainien “Baba-Iaga [sorcière] largua sur eux des mines anti-char. “L’onde de choc a traversé le tuyau avec une telle puissance qu’elle nous a projeté en l’air” se souvient Nikolaï. Au matin de l’eau de pluie a commencé à s’infiltrer dans le tuyau. “Pendant notre instruction on nous avait enseigné que les drones ne volent pas par mauvais temps, raconte Nikolaï. J’ai donc aussitôt bondi hors du tuyau, sans fusil-mitrailleur, et même sans bras, on aurait dit qu’ils se balançaient au vent derrière moi”. Quand les nuages se dissipèrent un drone-kamikaze ukrainien débusqua les fuyards du groupe d’assaut de Nikolaï. Il rattrapa les militaires alors qu’ils venaient de se glisser dans une sorte de sous-sol. Le drone explosa à l’entrée du bâtiment et les engagés se retrouvèrent emmurés. “Nous avons eu la chance que les Ukrainiens nous laissent sans surveillance, se souvient Nikolaï, ils pensaient que nous ne nous en sortirions jamais”. Ils réussirent néanmoins à déblayer les décombres et à s’échapper.
Nikolaï apprit à l’hôpital qu’il avait un grave problème avec son bras gauche : on lui annonça qu’il risquait d’en perdre complètement l’usage. Il ne fut pas pour autant réformé. “Ton bras droit fonctionne encore plus ou moins, tu peux encore servir à quelque chose.” C’est ainsi que l’engagé rapporte les arguments de son commandement. C’est alors que Nikolaï envisagea pour la première fois de s’enfuir loin du front. Il commença à élaborer un plan : simuler une blessure par éclat d’obus suffisamment grave pour justifier un retour en Russie : “J’ai d’abord pensé à une grenade...Il suffit de se cacher derrière le coin d’un bâtiment et de n’exposer que la jambe à l’explosion. Histoire de ne pas se tuer accidentellement”.
Mais finalement, avec un copain qui s’était rallié à son plan, ils ont jugé que l’histoire de la grenade était trop dangereuse. A la place Nikolaï a commencé à bricoler une balle explosive pour Kalachnikov. Il a rempli une douille de calibre 5,45 avec un mélange de poudre et de têtes de clous rouillés qu’il avait sectionnés avec une pince coupante. “Maintenant j’ai une douzaine de cette sorte d’éclats dans la jambe, et en plus elle s’est sérieusement infectée” raconte l’engagé. Nikolaï se souvient que se tirer l’un l’autre dans les jambes était “terrifiant, mais quand même moins que de rester là où ils étaient”. La balle artisanale l’a touché au mollet. “J’ai soulevé mon pantalon, il y avait du sang partout, j’avais des crampes et toute la jambe était comme couverte de bosses, se souvient-il, mais par contre c’était un bon argument pour être évacué en Russie”. Pour que leurs compagnons d’armes ne se posent pas trop de questions sur l’origine de leurs “blessures par éclats” ils ont jeté une grenade dans leur abri et ont annoncé par radio que c’est un drone ukrainien qui l’avait larguée.
Malheureusement, raconte Nikolaï, la légende n’a pas eu beaucoup de succès : “Les gens ne sont pas naïfs, quand on se tire soi-même dans la jambe, il reste des traces de poudre”. Les soldats ont alors essayé de négocier avec la brigade médicale du régiment qui les conduisait à l’hôpital. “Les brancardiers ont des contacts à l’hôpital, ils s’entendent directement avec les médecins, nous explique l’engagé, si bien que nous avons avoué dans l’ambulance que nous nous étions tirés dessus, et qu’il fallait trouver une solution”. La brigade de secours a commencé par engueuler les deux blessés pour ne pas l’avoir prévenue immédiatement. Puis l’ambulance s’est arrêtée devant un distributeur automatique et chacun a dû payer un pot-de-vin de 3000 euros. Après ça l’examen à l’hôpital s’est passé “comme sur des roulettes”, se souvient Nikolaï : “Le médecin n’a pas bronché, il nous a examinés, nous a bandés et envoyés faire une radio comme si de rien n’était”. Mais cette fois encore Nikolaï n’a pas été renvoyé en Russie. On l’a placé dans un hôpital militaire de la région de Lougansk. Quant à son camarade, il s’est bientôt retrouvé à nouveau sur le front.
“C’est très compliqué de quitter le front. Il n’y a pas assez d’hommes, nous explique le soldat, on ne laisse partir personne, seulement ceux qui sont très gravement blessés”. Nikolaï n’a pourtant pas perdu espoir. “Je me suis fait des connaissances, j’ai commencé à tâter le terrain, et on m’a conseillé de m’adresser au chirurgien en civil qui passait de temps en temps à l’hôpital, poursuit-il. Il a commencé par faire semblant de ne rien comprendre, il craignait une provocation. Je n’ai pas abandonné, j’ai approché certaines de ses connaissances, et elles lui ont demandé pour moi. J’ai viré 8000 euros sur sa carte, et deux semaines plus tard j’ai reçu une convocation pour une commission médico-militaire. Précisément en Russie et non pas à l’hôpital militaire de Lougansk. Je n’ai jamais su le nom de ce chirurgien”.
En Russie on a essayé de renvoyer Nikolaï sur le front. C’est l’organisation clandestine “Passez par la forêt” qui l’a aidé à quitter le pays. Nikolaï boite encore et son bras gauche est à moitié paralysé. Pour échapper à la guerre il a dû payer en qualité de pots-de-vin une somme d’au moins 11000 euros.
Le rythme des recrutements semble ne plus pouvoir suivre le rythme des pertes de l’armée russe.
L’afflux de volontaires a notablement diminué, même si la somme payée à la signature du contrat a doublé. En moyenne l’armée russe recrute 600 hommes par jour, ce qui est peut-être moins que les pertes actuelles.
En vertu du décret de Poutine promulgué en septembre 2022, tous les contrats sont considérés comme à durée indéterminée, jusqu'à l'annulation de la mobilisation partielle. C’est pourquoi beaucoup de soldats sont prêts à se mutiler et à acheter médecins et officiers juste pour échapper au front.
Un des moyens les plus populaires est de passer par le personnel médical militaire. “Les gars annoncent par radio qu’ils sont 300 (ça veut dire blessé dans le jargon militaire, 200 c’est mort) et les infirmiers avec lesquels ils se sont mis d’accord à l’avance leur font une piqûre d’anesthésiant, leur incisent la jambe et y enfilent un petit éclat qui apparaîtra ensuite à la radio. Ça coûte 3000 euros”, témoigne Nikolaï.
Il est aussi possible d’être réformé directement au cours du service pour d’autres motifs, à cause d’un nouveau diagnostic, établi sur le front, ou à cause d’une maladie dont la commission médicale n’avait pas tenu compte quand elle avait déclaré la recrue apte au service. “Souvent ces maladies dont on n’a pas tenue compte refont surface au cours du service, par exemple les formes chroniques entrent dans une phase aigüe”, nous confirme le groupe de défenseurs des droits de l’homme “Première Ligne” qui travaille avec les militaires russes.
Quand on n’a pas la chance de disposer d’un tel diagnostic, il ne reste que la corruption. Pour un pot de vin les militaires sont prêts à délivrer un certificat d’inaptitude. La militante des droits de l’homme bouriate Nadejda Nizovkina a eu connaissance au moins d’une dizaine de cas semblables. “Ils mettent en évidence une maladie qui serait restée inaperçue ou donnent à une maladie déjà existante un degré tel qu’elle confère le statut d’inaptitude.” “Des familles ont payé pour que leurs enfants “attrapent” l’hépatite”, nous raconte une militante d’une ONG russe qui étudie l’armée. Cependant, en raison du déficit d’hommes qui prévaut sur le front, obtenir ce genre d’exemption pour maladie représente un volume de travail de plus en plus grand, même si la personne est prête à payer une somme astronomique, nous précise l’ancien militaire Nikolaï : “En gros jusqu’au début de 2024 on pouvait être réformé pour troubles mentaux ou pour une hépatite et ça coûtait entre 15000 et 20000 euros. Mais ensuite ces combines ont cessé de fonctionner, et on a même commencé à vérifier ces fameuses hépatites.”
On propose aussi aux soldats de payer pour être transférés dans des régiments basés à l’arrière : ce genre de service coûte 280 dollars sur le darknet. Impossible de savoir s’il s’agit d’une escroquerie ou d’une offre réelle.
Pour des sommes beaucoup plus importantes, de 2000 à 30000 euros, “on peut vous enlever en plein milieu de votre cantonnement et vous transporter dans n’importe quel autre point du monde”, dit l’ancien directeur de Transparency International Ilya Shumanov qui étudie ces schémas de corruption. Le prix, comme l’écrit “Vazhnie Istorii”, varie en fonction de l’endroit où se trouve le militaire qui veut déserter, dans les territoires occupés de l’Ukraine, ou, par exemple, dans la région de Koursk. On trouve aussi sur le darknet des propositions beaucoup moins évidentes pour échapper à la guerre. Pour 290 dollars on peut ouvrir un compte au nom du soldat au Royaume-Uni. Selon la loi il est interdit à un militaire de posséder de l’argent à l’étranger. Mais l’annonce précise honnêtement que la décision de libérer le soldat de ses obligations militaires reste à l’appréciation de son commandement.
La possibilité de donner un premier pot-de-vin apparaît dès que la nouvelle recrue est conduite du bureau de recrutement vers la caserne où se décide son affectation. Déjà là nombreux sont ceux qui se trouvent entraînés dans des accords de corruption : pour qu’on ne les envoie pas sur le front dans les groupes d’assaut ils doivent donner de l’argent aux “acheteurs” qui recrutent du personnel pour leur unité, raconte le juriste du Mouvement des Objecteurs de Conscience Artem Klyga et la militante des droits de l’homme Nadejda Nizovkina. Et cela n’est qu’une toute petite partie des ramifications de la corruption du côté russe du front. Les soldats achètent tout ce qu’ils peuvent, des fausses blessures, des permissions, des rotations et même le droit de ne pas participer aux assauts. “Verstka” a trouvé presque 200 verdicts où sont décrits ces schémas de corruption dans l’armée russe. Ce système est aussi très bien décrit par les journalistes indépendants de Vazhnye istorii et de Novaïa Gazeta Evropa.
Les civils qui essaient d’éviter d’être mobilisés et envoyés sur le front paient aussi bien évidemment des pots-de-vin. “Vous ne voulez pas risquer votre vie ? Des solutions existent”.
Daria Berg, la responsable du service de secours et d’évacuation du projet “passez par la forêt” explique que le service le plus populaire sur le marché de la corruption à destination des Russes qui veulent échapper au service est l’obtention d’un faux certificat d’inaptitude. Avant l’invasion de l’Ukraine on pouvait en province acheter un tel certificat entre 900 et 2500 euros. A Moscou, selon les militants des droits de l’homme et le journal “Baza”, passer par les “bons” médecin et recevoir un diagnostic justifiant une déclaration d’inaptitude coûtait entre 2000 et 4000 euros.
Depuis le début de la guerre en février 2022 et plus précisément depuis la mobilisation partielle de septembre 2022 les prix ont été multipliés par trois et même parfois par dix, rapporte Ilya Shumanov : “ Au début de 2023 les certificats d’inaptitude se vendaient sur le darknet à partir de 10000 euros”. Un certificat indiquant que le service a déjà été effectué coûte encore beaucoup plus cher, entre 20000 et 30000 euros.
A l’automne 2022 le darknet russe a été noyé sous les propositions pour échapper à “l’esclavage militaire” et pour, à travers “des personnes bien placées du bureau de recrutement” délivrer un certificat d’exemption avec une “jolie petite maladie”. “Vous ne voulez pas risquer votre vie ? Il y a une solution. Pas la peine de trembler de peur dans un appartement clandestin, de traverser la Mongolie à pied ou de traverser à la nage avec un ami le détroit de Béring. Il suffit de faire appel à nos services” : c’est ainsi que les vendeurs interpellaient le client sur le net.
La proposition la plus onéreuse de “recevoir une catégorie intéressante d’inaptitude partielle” que le journal “Meduza” a trouvé sur les forums du darknet coûtait 70000 euros. Voici comment les vendeurs décrivaient le processus : “Se domicilier officiellement dans la ville donnée, se rendre quatre ou cinq fois au bureau de recrutement et à l’hôpital, selon des rendez-vous fixés une semaine à l’avance, pour finalement recevoir le certificat”. Selon Daria Berg de l’organisation “Passez par la forêt” les prix se sont envolés non seulement “parce que les gens ne savaient tout simplement plus à qui se vouer pour sauver leur peau”, mais parce que les appelés étaient de plus en plus souvent contrôlés, tout de même que les médecins qui les sélectionnaient. “Tout cela est devenu de plus en plus dangereux pour les responsables des centres de recrutement dont le contre-espionnage du FSB a commencé à sérieusement éclaircir les rangs”, nous confirme Ilya Shumanov. En 2022 les médias étaient remplis d’informations du genre : “un commissaire militaire a été arrêté pour avoir accepté une machine à laver en pot de vin”. (Allusion aux fameuses machines à laver pillées dans les maisons ukrainiennes au début de la guerre, NdT).
“Un centre de recrutement peut récolter jusqu’à 100000 euros en une seule phase d’appel (il y en a deux par an en Russie, au printemps et en automne, NdT), déclare à Meduza Sergueï Krivenko, le responsable du groupe de militants des droits de l’homme “Le citoyen, l’armée et le droit”. Cette somme ne va pas au seul commissaire militaire, mais à “tout un groupe d’intermédiaires”, explique Ilya Shumanov, expert dans le domaine de la lutte contre la corruption. Les médecins de la commission d’appel et le docteur en chef de l’hôpital où les appelés sont examinés reçoivent aussi leur pourcentage. “C’est un système dans lequel chacun prend sa part, précise Artem Klyga, juriste du “Mouvement des objecteurs de conscience”, il faut se mettre d’accord avec le commissaire militaire local, avec le responsable de l’organisation de l’appel, avec le commissaire régional”. “Dans une telle structure on ne peut pas se contenter d’en payer un seul, confirme le fondateur de “l’Ecole de l’appelé” Alekseï Tabalov. D’abord un médecin imagine un diagnostic et lui fabrique une justification, un médecin spécialiste du centre de recrutement. Mais le médecin qui y dirige le travail d’expertise médicale peut contester cette décision. Il faut alors aussi donner de l’argent au commissaire militaire pour que dans ce cas il défende le diagnostic. Il faut encore ensuite s’arranger pour que la décision passe sans encombre la commission d’appel régionale”.
Si un tel schéma de corruption est découvert au cours d’un enquête, alors plusieurs personnes sont en règle générale inculpées en même temps : par exemple le président de la commission médico-militaire régionale et le commissaire militaire départemental ; ou le responsable du service de la mobilisation et le chef d’un des centres de recrutement ; ou le président de la commission médico-militaire régionale, un ancien collaborateur du centre de recrutement et une infirmière qui y est employée.
Depuis le début de l’invasion les prix ont explosé mais en même temps l’éventail des services proposés s’est élargi, remarque Shumanov. Le marché noir réagit avec beaucoup de finesse à tous les changements de la situation militaire sur le terrain. Avec la mobilisation est apparu un nouveau secteur qui propose des certificats d’inaptitude avec des catégories qui assurent de ne pas être mobilisé.
Un nouveau service est apparu à l’automne 2022, l’embauche dans une entreprise dont les employés sont protégés de la mobilisation. Contre un pot-de-vin qui peut monter jusqu’à 20000 euros on peut se retrouver vigile sur un site secret quelque part dans l’Oural, dans une entreprise informatique avec des bureaux dans la city de Moscou, ou comme le raconte la militante des droits Nadejda Nizovkina, employé de la Protection Aérienne des Forêts ou de l’Usine Ferroviaire d’Oulan-Oude.
Maintenant, comme nous l’explique un militant des droits de l’homme de l’organisation “Première Ligne”, cette proposition a “partiellement perdu de son actualité” en raison des nouvelles règles d’exemption qui sont entrées en vigueur en mars 2025. Comme l’a découvert l’organisation de défense des droits de l’homme “l’Ecole de l’appelé” le gouvernement russe a secrètement transformé les règles d’exemption en période de mobilisation et en temps de guerre : un décret spécial N° 766c a réduit le nombre des organisations qui ont droit à l’exemption de leurs collaborateurs.
Le prochain tournant du marché parallèle devrait survenir après le lancement du registre électronique unifié du personnel militaire (il devait être opérationnel à l’automne 2024 mais au printemps 2025 ce n’est toujours pas le cas). Dès l'ouverture du registre, toutes les restrictions imposées aux conscrits dès la réception d'une convocation électronique entreront en vigueur. Cela signifie que les Russes soumis à la conscription, après avoir reçu une convocation et avant de se présenter au bureau d'enregistrement et d'enrôlement militaire, seront automatiquement privés du droit de quitter le territoire russe. A ce moment de nouveau services apparaîtront, suppose Artem Klyga : “Nous pouvons vous effacer de la liste électronique, nous pouvons supprimer votre interdiction de voyager...en même temps ces escrocs vous raconteront comme il leur est facile de pirater ce registre”.
Outre de faux papiers militaires, de faux documents justifiant une dispense ou un sursis de service militaire sont vendus sur le darknet et les chats Telegram : faux certificats de maladie, faux arrêts maladie et même des dossiers médicaux complets. Voici quelques exemples de telles propositions (on propose à l’occasion que certains de ces documents soient directement livrés à l’acheteur par coursier) :
- « délivrance d'un dossier médical », sur la base duquel vous pouvez être déclaré « temporairement inapte » : 350 dollars
- Certificat VIH avec QR code et inscription au registre des personnes infectées : de 330 à 1250 euros
- Certificat d’infection par hépatite virale : 150 à 300 dollars (Le vendeur conseille de choisir une hépatite C, avec une hépatite B on risque d’obtenir une exemption valable seulement en temps de paix).
- Asthme ou hypertension artérielle : 300 euros.
- Tuberculose : 120 euros
- Certificat d’invalidité : 1500 dollars
On pouvait aussi trouver au marché noir des documents attestant que le mobilisé a un proche handicapé nécessitant une assistance constante (de 400 à 3200 euros). On pouvait même y organiser des mariages fictifs avec des jeunes femmes handicapées. Une fois marié on ne pouvait plus être mobilisé. Après la fin de la première vague de mobilisation ce service a disparu.
« Tous ces documents ne sont que des arguments pour obtenir un sursis ou une libération. Mais vous devrez quand même prouver leur authenticité et « défendre vos droits » auprès du bureau d'enregistrement et d'enrôlement militaire », explique la source de Meduza dans « Première Ligne ». Certains vendeurs le disent aussi directement : « Les certificats ne sont pas une panacée, mais seulement une aide : vous n’êtes pas dispensés d’inventer votre propre légende”.
Au marché noir on trouve même des gens qui peuvent pratiquer une « fausse opération », explique à Meduza une source qui se présente comme consultant rémunéré pour les réfractaires. Il aide ses clients à simuler des maladies et affirme que simuler une chirurgie abdominale n'est pas difficile : par exemple, une opération de l'œsophage peut accorder un sursis très long. Si le chirurgien accepte de prendre le risque, il peut fabriquer une cicatrice. On incise le tissu, on le recoud, et la personne peut ne pas être mobilisée et ne pas aller à l'armée pendant longtemps. On peut aussi retirer la vésicule biliaire ou des calculs… On peut opérer d’une hernie inguinale, même inexistante : on la diagnostique, on l’inscrit dans le dossier médical puis on l’opère, on laisse une cicatrice pour preuve et on délivre un certificat. Le « consultant » aide également à dresser le tableau clinique d'un trouble mental : “Si une personne apparemment en bonne santé nous consulte, nous établissons un diagnostic spécifique pour elle – trouble de l'adaptation, anxiété, dépression – et nous simulons son historique de traitement. Ainsi, on pourrait croire qu'elle a réellement consulté des médecins et pris des médicaments. Nous préparons la personne à simuler tous les symptômes possibles et imaginables. Nous la formons à la rhétorique et aux manipulations des médecins. Ils essaient souvent de bluffer, d'intimider, du genre : « On vous enverra dans un hôpital psychiatrique, vous serez avec des prisonniers…” Et ils observent la réaction. À ce moment-là, il est important de ne pas reculer”.
La partie semi-légale du marché
Tous les militants des droits humains interrogés par Meduza sont convaincus que le marché des services juridiques et à l'accompagnement personnel d'un conscrit souhaitant être exempté du service se trouvent dans cette zone grise. Dans ce cas, la défense des droits devient un produit commercial présenté comme un « service ».
Ces spécialistes sont prêts à aider le client à faire appel de la décision du conseil de conscription et même à l'accompagner à l'hôpital. Voici comment les collaborateurs de ces entreprises décrivent leur service : « Environ 90 % des conscrits ont des problèmes de santé qui les empêchent de servir dans l'armée. Il se peut même que vous ne soyez pas au courant de votre maladie. Par exemple, vous vivez avec un kyste dans la tête ou un rein qui fonctionne mal et vous ne le savez même pas, notre médecin vous aidera à trouver tout cela”.
Le problème d'une telle marchandisation de l’aide est que « personne ne peut garantir un résultat positif », estime l'association de défense des droits humains « Première ligne ». « La plupart des Moscovites arrêtés dans la rue et envoyés de force au service militaire ont un avocat », a déclaré à Meduza un militant des droits humains ayant requis l'anonymat. « Qu'a fait cet avocat ? Il a créé l'illusion de la sécurité » . À Moscou, la sécurité des conscrits est désormais très menacée. Or, ces avocats ne peuvent en aucun cas les aider à contester leur incorporation devant un tribunal. Soit les avocats ne comprennent pas ces risques, soit ils les comprennent, mais acceptent tout de même de prendre de l'argent.
Néanmoins, il est clair que ce secteur est florissant : le nombre de ces cabinets d’avocats a connu une croissance exponentielle et leurs services sont devenus incroyablement rentables, affirment les militants des droits humains. « Des sites web comme Prizyva.net, Povestok.net et Sluzhba.sposobnikam.net ont été créés par dizaines, voire par centaines, depuis le début de la mobilisation. » « Prizyva.net » possède tout un réseau d'agences dans toute la Russie, note « Première ligne ». — Si avant la guerre, on parlait de nombre à trois chiffres pour un conseil juridique, aujourd'hui, on parle de nombres à quatre chiffres en euros. Des personnes ayant déjà donné 1500 à 2000 euros à des organisations similaires sont venues nous demander de l'aide parce qu’elles n'avaient obtenu aucun résultat. Les six militants et groupes de défense des droits humains interrogés par Meduza estiment que le travail de ces cabinets d'avocats est entaché de corruption. « Leur travail est miné par la corruption, et une part importante des fonds qu'ils reçoivent sert à verser des pots-de-vin », indique le « Mouvement des Objecteurs de Conscience » dans une note. Les médecins vont-ils soudain à faire leur travail correctement par la grâce du « professionnalisme » des avocats ? C'est peu probable. Des conversations privées avec des membres de commissions militaires confirment que cela est le résultat de la corruption, et non d'arguments juridiques.
Certains de ces cabinets d'avocats ont été fondés par des personnes qui étaient auparavant liées aux bureaux d'enregistrement et d'enrôlement militaires ou qui entretiennent des contacts avec ceux qui y travaillent, soulignent les défenseurs des droits de l'homme. « Ils entretiennent des relations personnelles avec le commissaire militaire, le chef du service de conscription et le médecin chargé de l'examen médical. Et le pot-de-vin est déguisé en prestations juridiques», explique le militant des droits humains Alexeï Tabalov. Non, tous ces avocats ne sont pas des corrompus. Mais il y a aussi des caméléons parmi eux, qui partagent simplement de l'argent avec les bonnes personnes au sein des bureaux d'enrôlement et d'enregistrement militaires, avec les médecins, pour prendre telle ou telle décision. « Comprenez-vous que vous alimentez le bureau d'enregistrement et d'enrôlement militaire avec vos pots-de-vin ? » s'exclame Elena Popova, du Mouvement des objecteurs de conscience. « Vous alimentez ce système militaire avec des pots-de-vin. Je comprendrais si les gens n'avaient aucun instrument juridique. Mais ils existent ! »
« Ce ne sont que des escrocs qui exploitent la peur »
Selon Ilya Shumanov, jusqu'à 90 % des offres sur le marché parallèle de l'exemption de service sont frauduleuses. « Ce sont simplement des escrocs qui exploitent la peur », admet l'un des vendeurs : Lorsqu'une personne est effrayée par une convocation, elle court donner de l'argent. On lui propose d'abord de transférer 2000 euros et on lui demande d'envoyer des photocopies de documents. La confiance grandit d’abord, mais la procédure s'éternise, sous les dénégations des soi-disants juristes : « Ne vous inquiétez pas, nous ne vous avons pas oublié. » Enfin arrive l’histoire à dormir debout : « Le coursier était déjà en route pour le métro pour vous apporter vos documents, mais il a été arrêté lors d'une rafle. Donnez-nous encore un peu d'argent pour qu'ils le relâchent. »
N’importe quelle proposition de ce genre peut être une arnaque. « Par exemple, une personne a payé environ 2500 euros, mais n'a jamais reçu de dossier militaire et s'est adressée à nous », explique Daria Berg. « Une autre personne a payé pour un emploi qui protège de la mobilisation, puis une convocation est arrivée – et le bureau d'enregistrement et d'enrôlement militaire n'était au courant de rien. »
Shumanov énumère des scénarios manifestement frauduleux : « Retirer du registre électronique unifié des personnes soumises au service militaire, supprimer le compte de « Gosuslugi » afin de ne pas recevoir de convocation (Il s’agit du portail unique pour les démarches administratives en Russie, Ndt.). J'ai également lu une histoire où des consultations juridiques gratuites étaient offertes aux conscrits ; il leur suffisait de laisser leur adresse e-mail. C'est ainsi qu'une base de données est créée, permettant ainsi d'envoyer des e-mails d'hameçonnage. Ou bien, appeler les gens – non les conscrits eux-mêmes, mais leurs parents, qu'ils tenteront de convaincre que « leur fils est en danger » – et leur extorquer de l'argent pour son « sauvetage »”.
Certaines propositions prennent l’apparence de la défense des droits humains ou d'actions pacifistes. C’est le cas, par exemple, de la chaîne Telegram “Pacifiste” consacrée à l'« assistance juridique » et au « militarisme en Russie ». Cependant, dans une correspondance privée avec les abonnés, ses administrateurs « suggèrent que votre dossier personnel disparaisse du bureau d'enregistrement et d'enrôlement militaire et qu'ils vous oublient à jamais », confie l'un des conscrits à Meduza. En 2024, il a écrit aux dirigeants de « Pacifiste» et a reçu en réponse une « liste de prix exorbitante » allant jusqu'à 5000 euros. Plus tard, l'administrateur, selon notre interlocuteur, a supprimé la correspondance. Une correspondante de Meduza, se faisant passer pour la mère d'un conscrit, s'est également tournée vers Pacifiste pour obtenir de l'aide, et a également reçu une liste de prix en réponse. L'administrateur de la chaîne Telegram de défense des droits de l'homme (qui se présente comme l'avocat militaire Dmitry Antonov) propose de vous inscrire auprès d'un bureau d'enregistrement et d'enrôlement militaire très coopératif, et d'obtenir votre classement en catégorie D avec radiation définitive. « Nous aidons avec les moyens du bord », a expliqué l'administrateur de « Pacifiste » dans sa correspondance. « C'est l'un des rares cas où la corruption profite aux citoyens ordinaires. Le combat juridique normal est de moins en moins efficace ; dans ces conditions, n’importe quelle méthode de travail efficace devient pertinente. »
Selon les militants des droits de l'homme interrogés par Meduza, Il n’y a pas que des escrocs qui peuvent proposer de vous aider à fuir définitivement hors de Russie, il y a aussi les forces de sécurité russes qui collectent les données personnelles des Russes et engagent ensuite des poursuites contre eux.
L'évacuation de Russie de ceux qui ont l'interdiction de quitter le pays est l'un des services les plus coûteux du marché noir, et les personnes qui le fournissent n'acceptent pas toujours de s’engager, ça dépend des cas. Cependant, une chaîne Telegram anonyme — « Port Tranquille » — propose son aide à l'une des catégories les plus difficiles à évacuer – les militaires d'active – et ce, entièrement gratuitement, avec même une « prise en charge intégrale des frais de subsistance du fugitif en Serbie ou en Turquie pendant les six premiers mois".
Aucun projet anti-guerre d'aide aux déserteurs ne peut offrir de telles conditions, écrit le média “Agenstvo” à propos de “Port Tranquille”. « Tout cela paraît extrêmement suspect », déclare à Meduza Daria Berg, de l'organisation « Passez par la forêt », Il est tout simplement impossible pour un groupe de défense des droits de l’homme de soutenir financièrement des personnes qui ont déjà été évacuées. » Les administrateurs de la chaîne Telegram n’ont pas répondu aux questions de Meduza.
Un ancien soldat qui a réussi à s'échapper du front est convaincu que ce projet est lié aux forces de sécurité russes : Ils ont essayé de me piéger pour que je leur donne des informations, pas de m'aider. De plus, ils étaient d’humeur plutôt agressive, ça se sentait dans leur correspondance. Ils ont immédiatement exigé que je leur envoie mon passeport. Quand j'ai commencé à traîner les pieds, ils se sont mis à m'intimider, en disant que si je ne leur donnais pas les documents maintenant, je serais de toute façon arrêté en Russie et jeté dans un trou où je mourrais (le “trou” fait référence à une pratique courante sur le front russe : les soldats qui déplaisent d’une façon ou d’une autre à leurs chefs sont jetés dans un trou, creusé par eux-mêmes, ou dans la cave d’une maison écroulée. Ils y sont affamés, maltraités, battus et parfois assassinés. NdT.). Voici la citation exacte : « C'est ça que tu veux ? Être torturé ? » Quand j'ai traversé la frontière sans eux et que je le leur ai annoncé, ils ont commencé à me demander : « Pourquoi ne nous as-tu pas prévenus ? Nous t'avons demandé de nous écrire à ton arrivée à la frontière. » Ils ont paniqué, comme si je leur avais filé entre les pattes.
« Une personne commande un faux certificat – et elle se fait piéger »
Le pouvoir tente de lutter contre le marché noir. À Moscou, l'une des mesures anti-corruption a été la création d'un Point de Recrutement Unique (PRU), où ont été transférés les dossiers des conscrits de tous les bureaux d'enregistrement et d'enrôlement militaires de tous les districts. Inauguré en avril 2024, il les a pratiquement remplacés. Les militants des droits de l'homme constatent qu'après l'apparition de cette structure, les rafles contre les conscrits à Moscou se sont intensifiées. Et les chaînes de corruption établies dans la capitale s’en sont trouvées brisées.
Un vendeur moscovite contacté par Meduza comme par un potentiel client a d'abord proposé de régler la « question de l'exemption du service » par l'intermédiaire de l'un des commissariats militaires d’un district de la capitale et a même signalé que le commissaire militaire du district de Novye Cheryomushki avait demandé 10000 euros pour cela. Cependant l’accord fut rapidement annulé : il s’avéra que « désormais, toutes les questions de conscription sont décidées par le PRU.
Cette affaire « ne peut qu'indiquer que le PRU, qui est devenu en fait une structure du commissariat militaire de Moscou, n'a pas encore mis en place de système de pots-de-vin », a déclaré une militante des droits de l'homme qui s'est entretenue avec Meduza. « Le système n'a pas encore suffisamment fonctionné, pour qu’on comprenne quels sont points par lesquels on peut le pénétrer et ils semblent rare », ajoute-t-elle. « Il est impossible d'y accéder physiquement, on ne sait pas clairement qui est là, et les gens qui y travaillent se présentent uniquement par leur prénom et leur patronyme. » « Il existe un système unique de gestion des dossiers au sein du PRU », souligne le directeur de l'association de défense des droits humains « Citoyen. Armée. Droit » Sergueï Krivenko, « il est donc beaucoup plus facile pour les forces de sécurité de le surveiller, et donc il est beaucoup plus difficile de s’entendre avec tel ou tel responsable. »
Une autre méthode que les autorités envisagent probablement d'utiliser pour lutter contre l'insoumission est le registre électronique unifié des personnes soumises au service militaire, déjà mentionné, qui devrait bientôt être mis en place en Russie. Il recueuillera les informations provenant de diverses sources d'enregistrement russes, par exemple des archives papier des bureaux d'enregistrement et d'enrôlement militaires et des registres des agences gouvernementales : le Service fédéral des impôts, le ministère de l'Intérieur, le cadastre.
Cela implique que les commissaires militaires disposeront désormais en permanence de données actualisées sur les conscrits. Cela renforcera grandement à la lutte de l'État contre les commissaires militaires corrompus, estime Krivenko : Les bureaux d’enregistrement et d’enrôlement militaires ne sont pas passés au traitement informatique des dossiers depuis le début de la guerre et ont continué à traiter les dossiers personnels à l’ancienne. Et ce n’est pas une coïncidence : le dossier papier est l’occasion rêvée pour les corrompus de mener leurs petites magouilles en toute discrétion. Mais lorsque pendant la mobilisation le Ministère de la Défense et l'administration présidentielle ont constaté l'état déplorable du système, l’ordre a été donné de tout numériser. Désormais, il n'y aura plus à vérifier manuellement les diagnostics dans des dossiers papier. Et si un diagnostic change soudainement, ce sera immédiatement visible.
Dans certaines régions russes, les forces de sécurité ont pris le contrôle du marché noir et l’ont transformé en une méthode supplémentaire de recrutement pour l’armée. Ainsi, en Bouriatie, on peut acheter un certificat médical pour 900 euros, explique Nadezhda Nizovkina, militante locale des droits de l'homme, mais « certains médecins ont commencé à coopérer avec les forces de l'ordre et les bureaux d'enregistrement et d'enrôlement militaires pour identifier les réfractaires ». « Autrement dit, il s'agit désormais davantage d'un piège que d'un véritable système de pots-de-vin. Il y a de moins en moins de corruption pure et de plus en plus de provocations », explique Nizovkina à Meduza. Une personne passe commande d’un faux certificat, elle se retrouve prise au piège et menacée d’une mise en examen. Tout ça pour l’obliger à signer un contrat et à partir sur le front. Visiblement il n’y a plus assez de vrais volontaires.”
Des affaires très retentissantes impliquant des commissaires militaires, des médecins corrompus et des groupes entiers d'employés des commissariats militaires arrêtés après le 24 février font l'objet d'enquêtes à Moscou, Saint-Pétersbourg, Vladimir, Samara, Sotchi et Guelendjik. Certains de ceux qui ont aidé les Russes à échapper au service militaire pendant des années ont déjà signé des contrats avec le ministère de la Défense pour sortir de prison. Par exemple, Almaz Bourganov, ancien commissaire militaire des districts d'Arsk et d'Atninski au Tatarstan, accusé d'avoir accepté des pots-de-vin de conscrits, a signé un contrat avec le ministère de la Défense en janvier 2025 et est déjà parti à la guerre. Et l'ancien commissaire militaire du district de Preobrazhensky à Moscou, Sergueï Trigilev, qui, selon l'enquête, a accepté de l'argent pour confirmer des maladies qui exemptaient les conscrits du service, a écrit en septembre 2024 une déclaration demandant à être envoyé au front.
« Passez par la forêt (idite lesom) » est un projet qui a vu le jour peu après le début de la mobilisation, à l'automne 2022. Des bénévoles, dont des avocats et des psychologues, y travaillent, aidant notamment les Russes à se cacher de la conscription ou de la mobilisation, à vivre loin de leur lieu d'enregistrement, à quitter illégalement le pays, à s'échapper des camps d'entraînement et à se constituer prisonnier sur le champ de bataille.