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Billet de blog 8 novembre 2008

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THEATRE D'AILLEURS

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

O Retorno ao deserto (Le Retour au désert) , de Koltès - Spectacle franco-brésilien

L'Opéra Paysan (Parasztopera), de Béla Pintér- Spectacle hongrois

O RETORNO AO DESERTO

(LE RETOUR AU DESERT)

de Bernard-Marie Koltès

Mise en scène de Catherine Marnas

en français et en portugais, sur-titré en français (1)

Au Théâtre de la Ville du 4 au 9 novembre 2008

Un désert vert et rouge. Les deux pans de murs pivotant sur le plateau laissent voir tantôt une façade vert pâle, remplie de nostalgie, propice au jaillissement du rêve ; tantôt une façade rouge, chaude, intense, pour des moments forts, violents, palpitants. C'est beau. Et le texte, traduit, qui s'affiche sur ces murs contribue à nous plonger dans une atmosphère tout à fait particulière.

Les comédiens se livrent à une chorégraphie de mots et de mouvements étonnante sur scène. Comme les murs, ils suivent leur trajet au millimètre près. La lumière saisit alors ces instants forts. Et la musique, haletante, emballante rythme l'alternance de scènes fantastiques et de scènes burlesques.

Il y a des moments épatants dans cette version colorée du Retour au désert de Koltès.

J'ai adoré le jeu décalé de la seconde épouse alcoolique, complètement déjantée, puissante par la vérité folle de ses paroles ; j'ai adoré le fils maladroit, si drôle dans sa sincérité.

J'ai adoré ce moment fabuleux où l'on attendait, où l'on écoutait, où l'on sentait la présence d'un spectre, d'une femme, que seule Fatima voyait. Elle était là, tremblante, entre deux rais de lumière, pendant que son double dans le noir susurrait son texte.

La complexité de chaque personnage est en effet concrètement mise en scène par le dédoublement des comédiens sur le plateau. Les accents secs et toniques du portugais se mélangent aux les sourires ironiques de la langue française. On voyait se déployer derrière les protagonistes en couleurs des ombres grises, chargées de les soutenir, de les relayer, mais aussi de nuancer leur caractère.

Un dispositif intéressant, mais répétitif. Parfois gratuit. Les comédiens jonglent avec le texte, très rapidement, systématiquement, automatiquement. Pendant deux heures, le décor continue à tourner, les personnages à se dédoubler.. et le soufflet s'affaisse.

Le texte perd peu à peu en densité, en intensité. On peut rester charmés par l'atmosphère vaudevillesque de la pièce de Catherine Marnas, mais on est déçu par la tournure que prend la pièce de Koltès.

On voudrait finalement garder le rythme, et redonner de la profondeur au texte.

L'OPERA PAYSAN (PARASZTOPERA)

Opéra hongrois, de Béla Pintér

Mise en scène de Béla Pintér

Sur-titré en français

Au Théâtre de la Manufacture de Nancy, du 4 au 6 mai 2007

Au Théâtre de la Cité Internationale du 16 au 21 octobre 2008

Opéra ou opérette ? Là n'est pas la question, mais je ne peux m'empêcher de vous glisser cette petite phrase de Jean-Luc Lagarce, mise dans la bouche de Raban dans Nous, les héros :

« C'est à proprement parler un opéra, mais toute pièce chantée, quoi qu'on fasse, dans les villes ou bourgades comme celle-ci, toute pièce chantée finit toujours par être appelée opérette et nous devrons l'admettre. Cela semble plus facile à retenir. »

Ici, plutôt une opérette. Ou un opéra paysan. Quelque chose de vif, de fou, de tournoyant, de drôle et de vivant.

Béla Pintér reprend un thème traditionnel : le retour du fils - une reconnaissance ratée - souvenirs et quête, enquête sur une histoire du passé. C'est un motif récurrent, depuis la Bible (la parabole du fils prodigue), Eschyle (l'Orestie). Plus proche de nous, et plus près du texte, on pense évidemment au Malentendu d'Albert Camus, et pourquoi pas à Juste la fin du monde, de Jean-Luc Lagarce (promis, après, j'arrête avec Lagarce !), dont je ne cesse de vous parler (ici, et ).

Cette histoire, Béla Pintér la fait chanter et danser. Les solos alternent avec les moments de choeur, forts et flamboyants.

Et tout est en hongrois. Les mots jaillissent, la musicalité est inhérente à cette langue étrange, qui ne peut être comparée à aucune autre (2).

Elle est tout de même accompagnée de musique, un mélange savant de rythmes folkloriques et de musique baroque. Dans la musique folklorique transsylvanienne, on découvre des motifs roumains, tziganes, juifs, serbes, saxons, arméniens, et des influences baroques extrêmement présentes. A l'image de cette musique métissée, tout est contraste dans le théâtre de Béla Pintér. Le traditionnel et le baroque, le subtil et le grotesque. Le rire et les larmes. Les personnages sont drôles, tendres et émouvantes, du cow-boy ridiculement viril à l'homme digne et vertueux, de la belle-mère aguicheuse en peau de léopard à la jeune soeur amoureuse.

Une histoire condensée, une heure de spectacle. Malgré sa difformité, et des aspects plus ternes, moins brillants, L'Opéra paysan est une étoile filante, éblouissante, passée dans un ciel d'automne.

(1) J'aurais aimé intitulé ce billet « Théâtre de l'Europe », mais les comédiens sont de Sao Paulo. Théâtre du monde alors...

(2) Le hongrois est une langue finno-ougrienne apparentée notamment au finnois et à l'estonien. Ce n'est pas une langue indo-européenne, comme la plupart des langues occidentales, issues du latin et du grec.

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