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Billet de blog 11 octobre 2017

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Lettre à Madame la députée Pau Langevin

Reprise d'un texte assez bien fait pour interpeler les députés invités à voter la loi de sécurité intérieure, avec quelques modifications temporelles et factuelles. A enrichir soi même et utiliser sans modération.

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Mme George Pau Langevin

Assemblée nationale

Madame la députée,

Depuis le 13 novembre 2015, la France vit sous le régime de l'état d'urgence. Si pour de nombreux citoyens rien n'a changé pour l'instant dans leur vie, pour un certain nombre d'autres le quotidien est devenu plus inquiétant, plus arbitraire, et surtout le socle de nos institutions et du fonctionnement de l'État de droit a été fortement ébranlé. L'état d'urgence a suspendu depuis des mois une part importante de la séparation des pouvoirs en France, mettant sous l'autorité de la police, des services de renseignement et du ministère de l'Intérieur les perquisitions, assignations à résidence, dissolutions d'associations au détriment du juge judiciaire.

Le régime de l'état d'urgence et les nombreuses actions qu'il a entrainé mettent en péril la cohésion sociale de la nation, au moment même où le gouvernement fait systématiquement appel à cette union pour faire accepter des mesures liberticides, et où la résistance au danger devrait souder la société autour des valeurs et principes démocratiques les plus fondamentaux, tels que désignés dans notre constitution

Ce 3 octobre 2017, vous avez décidé de voter et valider l’ensemble du projet de loi de Sécurité Intérieure voulu par le gouvernement Macron , faisant ainsi peser sur les libertés individuelles et publiques de graves menaces. Je vous rappelle que l’actuel Président de la République n’a été élu que par que 42% des citoyens inscrits et ne saurait en aucun cas représenter la majorité des Français.

Ainsi vous avez avalisé en première séance à l’assemblée les mesures qui :

• accentueront un arsenal de mesures intrusives et dangereuses pour les libertés fondamentales, sur ordre judiciaire et préfectoral, sans la contrepartie d’un jugement par la justice  la alors que l'empilement récent de lois sur le terrorisme et le renseignement n'ont pas fait leurs preuves et n'ont pas été évaluées publiquement ;

• La pérennisation des mesures de l'état d'urgence dans la loi ordinaire, faisant basculer l'équilibre fragile des pouvoirs au profit de l'exécutif, de la police, des préfets, du renseignement, ce qui constitue une baisse des garanties apportées aux citoyens par la justice grâce à la séparation des pouvoirs ;

Persisteront à faire croire que c'est en multipliant les mesures intrusives et attentatoires aux libertés que le terrorisme pourra être efficacement combattu, sans prendre en compte le traitement à la racine des nombreux problèmes qui ont amené cette situation, comme les politiques restrictives des budgets des services publics  y concourent, la LOLF et la RGPP étant en amont de ces politiques, le PS et l'UMP étant communément comptables  en 2002 de ces lois vidant de sens le fonctionnement par moyens des services publics.

• Ignoreront les très nombreuses mises en garde formulées tant par les associations de terrain, de défense des droits, les syndicats de magistrats et d'avocats, les plus hauts représentants de l'ordre judiciaire, les rapporteurs des institutions européennes et internationales spécialisées sur les droits de l’homme,…

Au delà des mesures concrètes qui feront peser encore sur les citoyens le poids d'une surveillance accrue, perçue comme arbitraire et sans contrôle a priori, la loi  que vous allez avoir à voter en seconde lecture fait entrer le système juridique français dans une logique où le contrôle judiciaire systématique et effectué a priori par un juge indépendant (seule garantie des libertés) est remplacé par un éventuel contrôle a posteriori fait par une justice administrative fortement liée à la hiérarchie de l'exécutif.

D'ailleurs, les recours contre les mesures prises sur le fondement de « notes blanches » du renseignement sont de plus en plus contestés, et les tribunaux administratifs commencent à casser des décisions, quand ce n'est pas le ministère de l'Intérieur qui fait opportunément cesser une assignation à résidence contestée quelques jours avant l'audience d'un recours, afin de ne pas perdre la face trop souvent.

Cela illustre bien les dangers d'un basculement du contrôle du juge judiciaire vers le contrôle administratif, basculement qui s'accélère depuis quelques années et montre ces derniers mois ses limites et ses dangers.

Je vous demande donc de  refuser de voter l'ensemble de ces mesures. Il est tout aussi dangereux de croire et faire croire qu'un durcissement juridique et une banalisation de l'état d'urgence sont les seules solutions pour contrer le risque terroriste. Quel que soit l'apparent soutien populaire mesuré par sondages, il est de votre responsabilité de regarder plus loin et de protéger notre droit et nos principes, pour l'avenir de notre société et pour montrer l'exemple d'une représentation nationale responsable et indépendante d'un gouvernement qui semble aujourd'hui céder à la panique. Encore une fois, avec l'ensemble des organisations, syndicats, personnalités, engagés contre l'état d'urgence, et auxquels je m’associe, nous demandons au gouvernement de cesser sa fuite en avant sécuritaire, et nous vous demandons d'avoir la sagesse de les stopper.

http://www.syndicat-magistrature.org/Projet-de-loi-renforcant-la.html

https://www.hrw.org/fr/news/2017/09/12/france-une-nouvelle-loi-anti-terroriste-defectueuse-et-source-de-violations-des

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