Salaires, emploi, formation, retraites, logement, climat, services publics, protection sociale : les besoins sont immenses, tout autant que l’attente de nos concitoyennes et concitoyens. Le Nouveau Front populaire ne fait pas que promettre d’y répondre : il propose à notre peuple un calendrier en deux temps pour engager ― avec lui ― un nouveau type de développement et d’efficacité économique, sociale, écologique.
Le premier temps est celui de la « rupture » et de la « bifurcation ».
Dès sa mise en place, le gouvernement de gauche donnera l’impulsion à l’augmentation des salaires, des pensions et des minima sociaux, aux embauches et préembauches dans les services publics. Les avances de fonds immédiatement nécessaires seront procurées par la réorientation des aides publiques aux entreprises, et par la mobilisation des institutions financières publiques.
Parallèlement, des réformes de structure engageront une bifurcation vers un développement pérenne et efficace :
- nouvelle conditionnalité sociale et écologique de toutes les aides publiques ;
- mise en place d’un pôle public bancaire et financier ;
- nouveaux droits d’intervention des travailleurs pour contrecarrer l’emprise des marchés financiers sur le comportement des banques et des entreprises ;
- nouvelle réforme de la fiscalité pour la rendre plus juste et plus efficace ;
- augmentation et modulation des cotisations sociales patronales ;
- cotisation sur les revenus financiers des ménages, et prélèvement sur les revenus financiers des entreprises, venant alimenter la Sécurité sociale ;
- premiers effets positifs de la revitalisation des services publics (formation, recherche, écologie…) et de la protection sociale.
Il faudra aussi inventer les nouvelles institutions d’une planification écologique et sociale.
Depuis Keynes, nous savons que des avances monétaires peuvent ouvrir efficacement le chemin d’un autre développement. Marx, et d’autres, montrent que ce n’est pas automatique car le monopole du capital vient piloter de façon perverse ces avances pour les mettre au service de son taux de profit. Il faut donc s’assurer qu’elles seront bien utilisées selon des critères d’efficacité économique, sociale et écologique.
C’est ainsi que s’ouvrira le deuxième temps, celui de la « transformation ». Lorsqu’elle prend corps, le financement tend à s’auto-entretenir. Non pas qu’on n’ait plus besoin d’avances et de crédit mais déjà une nouvelle production se développe, les « déficits » économiques et écologiques commencent à se résorber, le poids de l’endettement dans le PIB recule.
La nouvelle logique de développement, c’est que l’écologie et le social sont le but et le moyen d’une transformation profonde de la production et de la consommation.
C’est un développement écologique : diminution des émissions de CO2 et des rejets polluants, économies de capital matériel. Il faut s’en assurer dans tous les projets d’investissement et de production et basculer vers une économie où, tout en répondant aux besoins matériels, la priorité devient le développement des services humains (santé, culture…) et une autre culture de la consommation.
C’est un développement social : un emploi de qualité, un travail dont on reconquiert le sens et les finalités, un temps de travail fortement réduit tout au long de la vie, pour émanciper chacune et chacun de la pression du travail et dégager du temps pour participer à la vie sociale. Cela fait écho à une conception devenue commune à de nombreuses composantes du mouvement syndical : une sécurisation plus ou moins radicale de l’emploi et de la formation, conjuguant droits nouveaux, développement des services publics et de la protection sociale.
Beau projet qui peut mobiliser et entraîner une grande diversité de nos concitoyens. Mais est-il viable, est-il économiquement efficace ? On nous attend à ce tournant !
La première question est celle des coûts des entreprises : il faut préserver d’une part leurs capacités de développement, et d’autre part leur compétitivité internationale, sinon la croissance de la demande ira aux importations. Il est proposé une coopération internationale et des protections européennes, mais cela est loin de suffire, surtout pour passer le cap des premières mesures de rupture… Ce qui est proposé de nouveau, à l’unisson du mouvement social et syndical, c’est de baisser le coût du capital (dividendes, intérêts et autres prélèvements qu’il opère sur la richesse créée, mais aussi les entraves qu’il oppose à la création efficace de richesses). C’est cela qui peut permettre les dépenses d’efficacité nouvelles (emploi, formation, recherche, services publics) et les mutualisations.
La seconde question, intimement liée à la finance, c’est l’international et l’Europe. Le « Pacte européen pour le climat et l’urgence sociale » ouvre une bataille pour sortir en commun de l’austérité, par exemple avec un Fonds européen de développement des services publics, financé par la BCE. Il est proposé aussi des mécanismes de financement public sur des critères précis, dans l’UE, pour une nouvelle production industrielle et de services.
Pour répondre aux interrogations que la partie internationale du programme peut susciter, il faudra faire preuve de créativité. Par exemple, le NFP veut « mettre fin aux traités de libre échange ». Il faudra les remplacer par des traités de coopération avec le Sud global : échanges et investissement privilégiés s’ils contribuent à développer les biens communs (santé, environnement…) et l’emploi au « Nord » comme au « Sud », le tout articulé avec des protections économiques. Enfin, la question de la monnaie, du dollar et d’un nouvel ordre économique international est ouverte.
Tout cela met nos missions au cœur des enjeux, depuis les prélèvements publics et le suivi de la dépense publique, jusqu’à l’émission monétaire, en passant par le contrôle des prix, la lutte contre l’évasion fiscale, le contrôle qualité des produits (normes internationales douanières sanitaires, environnementales…), l’aide au surendettement, la médiation du crédit, l'aide au développement, les composantes du pôle public bancaire, ou l’information économique et sociale (observation, prévision et pédagogie), avec des grilles de lecture de notre société qui n’en renforcent pas la lecture raciste.
Au fond, nous cherchons à tenir compte de l’expérience du Front populaire de 1936 et de l’échec de 1983-84 après la victoire de la Gauche en 1981. Si le NFP prend résolument en mains le levier d’avances financières massives, avec de nouveaux droits pour les travailleuses et les travailleurs, il tirera utilement les leçons de l’expérience réussie à la Libération. Les luttes, la créativité et les concertations entre travailleurs seront décisives pour sa réussite. Nous y nous emploierons.
Commençons par nous mobiliser pour lui donner une majorité à l’Assemblée Nationale.
Frédéric Boccara, économiste, membre de la CGT-Insee
Alexandre Derigny, fiscaliste, membre de la CGT-Finances
Manuela Dona, membre de la CGT Douanes
Denis Durand, économiste, membre de la CGT-Banque de France
Benoît Garcia, économiste, vice-Président du CESE, membre de la CGT-Finances Publiques
Yann Kerhervé, membre de la CGT Douanes
Fabienne Rouchy, vice-présidente de la Commission Economie et Finances du CESE, membre de la CGT-Banque de France
Patricia Téjas, membre de la CGT-Finances Publiques
 
                 
             
            