Un appel ! Un avion et le lendemain me voilà plongé au cœur d’un violent conflit à l’hôpital de Saint-Pierre-et Miquelon.
Sur cet archipel j'ai rencontré la servitude, un bout de République abandonné. Des alertes y sont souvent lancées en direction des ministères de la métropole pour que les droits des habitants de Saint-pierre et de Miquelon soient identiques à ceux des habitants de la métropole. Elles sont le plus souvent ignorées et cette absence de réponse laisse certains maîtres locaux régner sur les sujets. S'installe alors une sorte de féodalité qui ne touche malheureusement pas que les salariés de l'hôpital dans cet archipel.
Ici, rien n'est parfait, mais ils ont osé dire ça suffit. Il en est ainsi partout. Rien n'est définitivement acquis. Une occasion pour citer cet enseignement de Kant[1] qui jalonne souvent mes écrits : « Il est de la nature intelligible de l’homme de pouvoir par une décision se constituer comme sujet libre. La liberté n’est jamais acquise, elle est sans arrêt menacée.Elle doit toujours faire l’objet d’une lutte courageuse. »
Mais la lutte courageuse se heurte souvent aux capacités de chacun de pouvoir la mener. Lorsque le salarié est cloîtré dans une précarité qui peut remettre en cause chaque jour ses propres conditions d'existence, alors la lutte peut devenir suicidaire si elle n'est pas accompagnée d'un puissant collectif seul capable de la protéger
Salarié depuis 40 ans, syndicaliste depuis plus de 38 ans, accumulant les expériences les plus diverses dans le domaine de conflits du travail, de leur organisation à leur réalisation, ayant participé à de nombreuses négociations pour améliorer au quotidien les conditions de travail des salariés ou permettre la signature (ou la non signature) d'accords nationaux, je ne pouvais imaginer être placé un jour dans les circonstances présentes.
L'expérience que j'ai acquise dans le cadre de la prévention des risques professionnels, de la souffrance au travail, du mal-être, de ce que d'aucun dénomme les risques psychosociaux et qui sont en fait liés en grande partie à des contraintes de l'organisation du travail, m'a beaucoup aidée pour comprendre et traiter ce conflit dans lequel je me suis retrouvé bien malgré moi.
Le contenu de cet essai illustre par l'exemple toutes les facettes des traumatismes du travail, les conséquences d'un management défaillant ou bien encore le cœur du débat social.
Saint-Pierre et Miquelon ne m'était pas inconnu, puisque j'y avais séjourné une petite semaine il y a dix ans pour délivrer à des militants syndicaux quelques enseignements pratiques. Les souvenirs que j'en rapportais furent suffisamment prégnants pour qu'ils resurgissent immédiatement dès que le nom de cet archipel m'était cité. Sans dévoiler le contenu du présent récit je peux affirmer que cet endroit n'est comparable à aucun autre. Perdu au sud du Canada, ce caillou qui accueille un peu plus de 6 000 habitants est quelque peu délaissé par la métropole et peut-être même par la République. Contrairement à tous les autres territoires ou départements d'outre mer, là bas, pas ou peu de touriste. Les coûts de transport sont au-delà du raisonnable ce qui renforce un peu plus le sentiment d'isolement et d'abandon. Rien à voir avec la Réunion, Mayotte ou bien encore les Antilles qui de part le climat et le nombre d'habitants bénéficient d'une plus grande considération de la part ce ceux qui décident et qui bien souvent y séjournent. Etre muté à Saint-Pierre-et-Miquelon est presque vécu comme une punition par ces "mayoux" contraints. Ce n'est pas pour autant que des facilités sont accordées aux Saint-Pierrais et aux Miquelonnais à hauteur des contraintes qui sont les leurs.
Ceci peut expliquer en partie les façons très particulières de déclencher un conflit et de le gérer. Mais ce n'est pas l'unique raison de la rédaction de cet ouvrage. L'aventure qu'il expose restera pour moi un des meilleurs moments de ma carrière militante. Je dis souvent que lorsque l'on n'est plus en capacité d'apprendre c'est que l'on est cliniquement mort. J'ai appris. La conjugaison de cet apprentissage et des savoirs accumulés précédemment renforcent, confortent l'engagement que j'ai pris il y a trente huit ans de passer du temps aux côtés de ceux qui sont atteints dans leurs conditions d'existence. Je ne savais pas que cela durerait aussi longtemps. Je ne savais pas non plus que l'engagement est une école formidable qui permet de découvrir toutes les facettes de l'humanité. L'humanité qui permet à l'homme d'observer, de comprendre et d'agir avec intelligence et sensibilité. Mais cette école de la vie permet aussi de rencontrer des êtres qui ne flattent pas cette humanité, soit parce qu'ils l'ont perdue, soit parce qu'ils ne l'ont jamais rencontrée. Le choc des incompréhensions peut alors déboucher sur des situations conflictuelles qui auraient pu s'éviter si, d'un côté comme de l'autre, la finalité de l'œuvre commune, ici le sens du travail, n'avait pas perdu son humanité. La compétence fait autorité mais, a contrario, le manque de compétence débouche trop souvent sur de l'autoritarisme.
Notre époque abandonne l'humanité au profit de dictats de toute nature qui sévissent dans tous les secteurs et qui frappent durement ceux qui n'ont pas la capacité de se défendre, soit parce qu'ils sont dans des situations précaires, soit parce qu'ils ont perdu leur liberté et gagné leur servitude. « Chez les hommes libres au contraire, c’est à l’envie, à qui mieux mieux, chacun pour tous et chacun pour soi : ils savent qu’ils recueilleront une part égale au mal de la défaite ou au bien de la victoire. »
"Les Pacific'acteurs" c’est un voyage conflictuel qui se lit comme un roman.
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[1] Emmanuel Kant philosophe allemand. (1724 -1804)