La mondialisation, la compétitivité, la dette des Etats sont présentées comme des fatalités incontournables alors que les économistes les plus attentifs à l’homme démontrent à chaque page de leurs ouvrages le caractère fallacieux de ces affirmations. Le mécanisme des niches, est un privilège pour les actionnaires au détriment du salaire.
A la lecture d’un rapport du Conseil des Prélèvements Obligatoires (CPO) d’octobre 2010 [1] portant sur les niches fiscales et sociales dont bénéficient les entreprises, ont peut légitimement déduire que l’invention des exonérations de charges diverses coïncident avec la montée en puissance de la financiarisation de l’économie. Ont peut y lire que « selon le programme de qualité et d’efficience Financement, l’accroissement du nombre de dispositifs est à peu près continu depuis l’apparition de ceux-ci à la fin des années 1970.» [2] Ces informations sont importantes puisqu’elles expliquent le cheminement du transfert d’une partie de la richesse nationale du travail vers le capital. Rappelons que ce transfert conduit à une sous évaluation des salaires de l’ordre de 30%. Un des véhicules serait les exonérations de charges.
Pour la revue «alternatives économiques»[3], « La lecture des 850 pages d'annexes au rapport est elle-même instructive. On y trouve en particulier la confirmation que, grâce à cette multitude de niches, le montant effectif de l'impôt sur les bénéfices payé par les sociétés du CAC 40 était inférieur à 25% pour quinze d'entre elles en 2009, alors que ce taux atteint théoriquement 33% […] On y comprend aussi pourquoi celles-ci préfèrent distribuer en dividendes la quasi-totalité de leurs bénéfices après impôts … » Ainsi, les dividendes sont privilégiés à travers l’exonération de charges portant sur les salaires. L’Etat se prive de recettes, qui tout au long de ce rapport sont appelées à juste titre « dépenses fiscales », et les entreprises engrangent des bénéfices supplémentaires qu’elles redistribuent aux actionnaires. Les critiques portées par le Ministre Montebourg à l’encontre de la politique des revenus décidée PSA ces vingt dernières années illustrent ce propos.
Selon le rapport du CPO, « il existe 293 dépenses fiscales bénéficiant aux entreprises dans le Projet de Loi des Finances pour 2010 et 107 d’entres elles ont été créées entre 2002 et 2010, soit près de 12 dépenses fiscales par an. Le rythme de création de nouveaux dispositifs dérogatoires semble de surcroît s’être accéléré : 87 de ces 107 dépenses fiscales ont ainsi été créées depuis 2006. » A la page 68 du rapport on relève « qu’à périmètre constant tel que défini au Projet de Loi des Finances pour 2010, le coût des dépenses fiscales est passé de 20,3 Mds d’€ en 2005 à 35,3 Mds d’euros en 2010, soit une hausse de 73,6 % sur l’ensemble de la période. L’augmentation du coût constant de ces dépenses fiscales a été continue au cours des cinq dernières années, leur croissance annuelle moyenne s’élevant à 11,86 %. » Le rapport est d’autant plus critique qu’il souligne que « La hausse considérable du coût des dépenses fiscales et des modalités particulières de calcul de l’impôt à compter de 2005 a coïncidé avec le durcissement de la norme de croissance des dépenses de l’Etat. »
Le gouvernement (précédent) provoque le déficit, bloque le salaire des fonctionnaires, supprime l’équivalent d’un départ à la retraite sur deux pour soi-disant réduire la dette et se prive dans le même temps de milliards qu’il offre aux entreprises sans exiger aucun retour et sans évaluer la pertinence des mesures. D’autres choix sont possibles.
Pour Jean-Gabriel Blek et Alain Parguez,[4] cette doctrine néolibérale, celle des locataires de la forteresse, à un but caché : la baisse des salaires réels tien d’un taux de chômage élevé. Par le passé expliquent-ils, « la baisse des salaires réels de par le monde s’est imposée aux populations contraintes, en URSS comme sous le régime de Vichy de 1940 à 1944 et en Allemagne sous le IIIème Reich où la part des salaires s’effondre. Dans tous les cas, une contrainte impossible à éviter servait de justification ». Ces deux économistes par exemple, citent Joseph Stieglitz, prix Nobel d’économie en 2001 et qui juge sévèrement le mythe de la réduction des déficits budgétaires. « Dans cette perspective, le chômage n’a pas intérêt à disparaître tant qu’il joue un rôle dans cette politique de déflation fondée sur la baisse des salaires réels ». Pour de nombreux économistes, la hausse de la masse salariale doit être envisagée, d’abord par la réduction du chômage et ensuite par la hausse du salaire direct.
En attendant ce jour, les dépenses fiscales qui bénéficient aux entreprises ne sont pas les seules recettes dont l’Etat se prive. Les recettes sociales sont aussi victimes de cette doctrine.
[1] Le Conseil des prélèvements obligatoires, instance rattachée à la Cour des comptes, est chargé d'apprécier l'évolution et l'impact économique, social et budgétaire de l'ensemble des prélèvements obligatoires, ainsi que de formuler des recommandations sur toute question relative aux prélèvements obligatoires (loi n° 2005-358 du20 avril 2005).
[2] Rapport p 61
[3] Alternatives Economiques n° 296 - novembre 2010
[4] « Le plein emploi ou le chaos » de Jean-Gabriel Blek et Alain Parguez- Editions Economica 2006 – toujours d’actualité !