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Billet de blog 24 septembre 2012

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1/5: Le capital a t’il détourné,100 ou 200 milliards du travail ?

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(les articles qui suivent sont largement inspirés de mon dernier livre : « Libérez-vous ! de l’économie contre le travail » Éditions Le Manuscrit Paris 2011)

Première partie


Du travail au capital : 1/5

Les hétérodoxes parlent d’un détournement de 186 milliards !

La première conséquence de l’économie mondialisée est le transfert des sommes gagnées par le travail vers le capital. Rappelons que pour Warren Buffett, le géant de la finance, «Tout va très bien pour les riches dans ce pays, nous n'avons jamais été aussi prospères. C'est une guerre de classes, et c'est ma classe qui est en train de gagner» Ce langage a le mérite d’être clair. Il est soutenu par tous les conservateurs du monde, en France, par la droite essentiellement UMP.

                        En janvier 2008, François Ruffin a repris cette citation de Warren Buffet qui place le capital en tête dans la lutte des classes, pour en faire un livre « La guerre des classes » [1]. Il expose les contrastes saisissants entre les précaires et les grandes fortunes. La course aux profits devient le seul objectif. En vingt ans, la part des salaires dans le produit intérieur brut français a baissé de 9,3 %.

Pour comprendre il faut savoir que le produit intérieur brut de la France, c'est-à-dire le total des richesses produites en une année, s’élève à quelques 2 000 milliards d’Euros. (1 996 milliards en 2011) La France est donc un pays riche. Lorsque ces économistes disent que la part des salaires dans cette richesse a perdu 9,3%, il s’agit de 9,3% de ces 2 000 milliards, ce qui fait plus de 186 milliards !

Cette affirmation, explique le journaliste, vient d’un article de la Banque des règlements internationaux (BRI), une institution qui réunit chaque mois à Bâle (Suisse), les banquiers centraux afin de «coordonner les politiques monétaires» et d’«édicter des règles prudentielles». Ce n’est pas vraiment un repaire de marxistes, dit-il ; pourtant, leur exposé sur cette «marge de profit est d’une importance sans précédent », se poursuit sur vingt-trois pages.[2]

Les principaux instruments de ce détournement en France est l’arrêt de l’échelle mobile des salaires, c'est-à-dire, la fin du principe qui alignait les augmentations de salaires sur le taux de l’inflation. (1983) et le chômage. Depuis, l’individualisation des salaires poursuit son oeuvre. Chaque corporation se bat pour sa propre survie sans se soucier de l’autre. C’est de l’art ! L’artiste est milliardaire, homme politique ou gestionnaire de fonds de pensions. « Si la politique libre échangiste de l’Organisation de Bruxelles n’avait pas été appliquée, le PIB réel par habitant en France serait aujourd’hui d’au moins 30 % plus élevé qu’il ne l’est actuellement. » [3]

Cela revient à dire que les revenus versés aux travailleurs, qu’ils soient ouvriers, cadres, ingénieurs, agriculteurs, etc., seraient supérieurs de 30% à ceux qu’ils perçoivent aujourd’hui. Plus précisément le smic brut serait porté en 2012 de 1 425,67 euros à 1 855,97 euros ! Faut-il rappeler que le 25 mai 1968 les négociations et accords de Grenelle (le Grenelle historique, le vrai !) ont permis une augmentation du SMIC de 35% en une seule fois.

Pour modérer cette déduction rapide n’oublions pas que le nombre d’emplois est aussi un élément essentiel dans la répartition entre salaire et capital. Un taux de chômage élevé entretient la pression sur la baisse des salaires.

Donc, il y a en gros 200 milliards d’euros qui ont ripé du travail vers le capital. Pour Jacky Fayolle, ancien directeur de l’Institut de recherches économiques et sociales (IRES), de tels ordres de grandeur « traduisent des déformations structurelles, pas simplement de l’économie mais de la société ». Ces déformations résultent de « tout un ensemble de facteurs : le poids du chômage, les politiques économiques, les changements de la gouvernance des entreprises depuis une vingtaine d’années ».

Il faut bien reconnaître et admettre que l’abandon de l’économie par le pouvoir politique conduit l’organisation de la société dans une dérive de la compétitivité qui ne se tourne exclusivement que vers l’appât de gains toujours plus importants, un besoin insatiable des « locataires de la forteresse».[4]C’est, en effet, une déformation structurelle de la société qui se traduit par un changement de la gouvernance des entreprises et qui entraîne du chômage.

Et qui redoute le pire ? M. Alan Greenspan, ancien directeur de la Réserve fédérale américaine (la Fed), livre ses inquiétudes au Financial Times[5]. Il estime que la part des salaires est historiquement basse alors que les gains de productivité ne cessent de progresser. Il redoute que des gens se soulèvent contre le capitalisme et le marché dont les profits deviennent indécents.

Ce n’est donc plus un ressentiment contre le capitalisme de marché, c’est un détournement de la force du travail au profit du capital. Il est confirmé par un commentaire de l’Insee[6]. Après avoir sensiblement augmenté à la suite des accords de Grenelle en 1968 et des chocs pétroliers de la décennie 70, la part des revenus du travail a reculé au cours des années 80. Elle a retrouvé, depuis le début des années 90, un niveau proche de celui du début de la décennie 60 ! Cette institution confirme la baisse de 9,3% de la part des salaires dans le PIB [7].

Mais cette thèse est contestée par les orthodoxes de l’économie libérale qui sont actuellement aux commandes du monde.

C'est l'objet du prochain chapitre: "Les orthodoxes contestent le détournement !"

Denis Garnier


[1] François Ruffin ; « La guerre des classes » Editions Fayard- 2008

[2] Source citée par Richard Sennett -Luci Ellis et Kathryn Smith, « The global upward trend in the profit share », Banque des règlements internationaux, Working Papers, n° 231, Bâle, juillet 2007.

[3] Maurice Allais- Extrait d’une lettre ouverte adressée à Monsieur Jacques Myard, Député des Yvelines, 2005

[4]« Les locataires de la forteresse », désigne pour l’auteur, tous les acteurs de la finance internationale qui tiennent l’économie des Etats. Locataires parce qu’ils ne sont que de passage, comme nous tous.

[5] Financial Times, Londres, 17 septembre 2007. Lire aussi La Tribune du même jour.

[6] Economie et statistique n°323-1999

[7] Selon les dernières séries de l’Insee, la part des salaires dans la valeur ajoutée des entreprises est de 65,8 % en 2006 contre 74,2 % en 1982, soit un recul de 8,4 points. Selon la Commission européenne, la part des salaires dans l’ensemble de l’économie est passée de 66,5 % en 1982 à 57,2 % en 2006, soit une baisse de 9,3 points.

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