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Billet de blog 16 août 2016

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«Le parloir de la nation. Errances au pays des incertitudes démocratiques»

Un ouvrage publié en 2016 mais plus d'actualité que jamais ... bien que tombé dans les oubliettes de l'édition : «Le parloir de la nation. Errances au pays des incertitudes démocratiques»

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AVANT-PROPOS

 «  Paroles, paroles, paroles !» … Ce sont ici paroles de député(e)s ;  ce ne sont « que » paroles de députés, diront certains !

Ce sont paroles  des années 2002 et 2003 glanées dans les 18.000 pages du Compte rendu intégral des débats, tel qu’il est publié dans les « J.O. Débats ».

Ce sont  « paroles poétiques échappées du texte »[1]. Paroles qui disent la loi – et la nation - en train de se faire. Qui disent l’exigence et la difficulté du « vivre ensemble »

Ce sont paroles anonymées : à de rares exceptions près, le lecteur ne connaîtra pas l’identité de l’intervenant. Ce qui m’intéresse, ce n’est pas de savoir qui dit quoi, mais de savoir que cela a été dit dans l’hémicycle et reproduit au Compte rendu. [2]

Ce sont paroles dé-s-assemblées et ré-assemblées par mes soins.

Avec pour seule idée de donner vie et sens à ce « discours gisant »[3]. De faire entendre la « petite musique » de l’Assemblée - qui est aussi « petite musique » de la nation. De dire l’en-deçà et l’au-delà du débat – qui sont aussi l’en-deçà et l’au-delà de la démocratie (et même – mais là n’est pas l’objet principal de l’ouvrage  - l’en-deçà et l’au-delà de notre  vote à venir).

Quand je dis « sens », je ne dis pas forcément « cohérence ». L’univers politique n’est pas un univers rationnel. Ou, du moins, il n’est pas que rationnel. Il fait appel à de multiples ressources, à de multiples ressorts dont certains échappent à notre conscience de citoyen (mais ces derniers n’échappent pas aux appétits insatiables des « communicants » de tout acabit qui savent si bien en jouer – à nos dépens, au dépens de la démocratie !)

Mon propos sera plutôt d’intriguer, de nous « dé-s-habituer » de concepts et de rengaines mille fois entendu(e)s et relégué(e)s dans d’obscurs espaces de « non sens » qui, parfois, confinent à l’absurde.

À défaut de cohérence, c’est à une « co-errance » que j’inviterai le lecteur. À l’instar de ces chevaliers infidèles condamnés à « errer » sans fin dans la prison dorée du « Val sans retour »[4], nous essaierons de nombreux chemins – des cent et des uns.

Là, nous entendrons des histoires de maquignonnage et autre histoires de ma Vendée natale. Là, nous dirons les débats comme une scène, comme une fable (la « fable du représentant amoureux »), comme une valse (la « valse à mille temps » chère à Jacques Brel) … et même comme un « chemin de croix » !

« Les mots savent de nous des choses que nous ne savons pas d’eux. », dit le poète[5]. Aussi vais-je m’attacher à voir ce qu’il y a « derrière » les mots (« Derrière les mots, savez-vous quoi qu’il y a ? »[6]  ). Je m’efforcerai de faire rendre gorge – non pas aux députés (l’époque de la Terreur est révolue !), mais aux mots qu’ils disent – les députés - et qui, comme les mots de chacun d’entre nous, sont capables de dire autre chose que ce que nous avons conscience de leur faire dire.

Qu’est-ce qu’ils disent les mots des députés ? Qu’est-ce qu’ils savent que nous ne savons pas ?

Ils disent qu’on les a posés là pour qu’ils donnent corps, forme, force, vie et chair à la loi. Qu’ils sont là, justement, pour donner sens à la loi ; mais que le sens en question n’est pas forcément celui que l’on croit - celui que nous ont inculqué les experts, celui auquel nous sommes habitués (résignés ?).

Le « sens  en  question », ai-je écrit … Non seulement le sens est « en » question ; mais il « est » question ; il est « la » question : comment, partant  denos vils mensonges, nos peurs, nos desideratas, nos mesquineries, comment faire du lien ? Comment faire de l’Un ? Bref, comment faire exister la nation ?

Tel est l’enjeu, l’objet-même du débat ; tel est l’enjeu, l’objet-même de la démocratie. Alors, il ne faudra pas s’étonner si les mots des députés nous disent de la démocratie qu’elle est incertitude, inachèvement. Qu’elle est comme une quête, comme une épreuve. Une tentative. Une tentation – la tentation de poser le sac et de croire que « çà y est », que « à ce coup » « on y est arrivé », que « à ce  coup » « on est arrivés » !

Disant cela, je ne dis pas que l’Assemblée est seule à produire du lien. Je ne dis pas que l’Assemblée est le tout de la démocratie. Je ne dis pas que cette Assemblée de l’après 21 avril[7] est un modèle du genre ni qu’elle assume bien les missions ci-dessus évoquées.

Je dis seulement que, m’étant laissé bercer – berner ? – par la « petite musique » des débats, j’ai appris qu’on pouvait les dire - les lire, les vivre - comme cela,  les débats.

Et je me suis demandé ce qu’il adviendrait de la loi si elle ne passait pas par le tamis – parfois grossier, parfois grinçant – de l’Assemblée. Je me suis demandé ce qu’il adviendrait de la nation si ces hommes de chair et d’os - que nous avons élus, mis à part, pour nous représenter en un temps, en un lieu, où nous ne pourrions siéger, en multitude, à tout moment – refusaient de faire Assemblée, refusaient d’être envers et contre tout,  l’Assemblée  …  « l’Assemblée quand même ».

Et je me suis dit : « Alors, bonjour l’ennui ! » Pas seulement, l’ennui qui résulterait de l’absence de débat  et qui se traduirait par un  manque d’intérêt du citoyen. Mais un ennui bien plus profond - un « ennui démocratique » - qui ferait de nous des intermittents de la citoyenneté, des pourvoyeurs de voix, des plantes-supports sur lesquelles on grefferait des programmes tout faits. Bref, tout l’inverse de la démocratie


[1] Titre d’un ouvrage de Pierre Legendre (publié en 1974 au Seuil). 

[2] Tout ce qui, dans cet ouvrage,  est en italique est parole de député (extraite de la version papier du Compte rendu intégral- que l’on appelle aussi   J.O. Débats).

[3] Expression empruntée au même auteur.

[4] Légende celtique intégrée aux Romans de la Table ronde. [Voir Errance 15/ page ?/ note ?]

[5] René Char.

[6] D’après une comptine de mon enfance (« Derrière les mots, savez-vous quoi qu’il y a ? »).

[7]Je fais référence au « 21 avril 2002 ». Rappelons-nous : au premier tour des élections présidentielles, Lionel Jospin arrive en troisième position (après le candidat du Front nationale, Jean-Marie Le Pen) et ne peut donc se présenter au second tour.

C’est pour moi un évènement fondateur, dans la mesure où les deux années (2002 et 2003) de Compte rendu qui servent de base au présent ouvrage sont celle de l’ « après 21 avril ».

table des errances

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