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Billet de blog 26 mars 2015

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2008-2009/ réforme du Parlement_ rétro-débats

On peut lire sur mon autre blog une série de "rétro-débats" portant sur la révision constitutionnelle de 2008 et ses conséquences pour l'Assemblée nationale. Je publie ci-dessous un résumé des chroniques

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

01_une réforme à l’initiative de N.SARKOZY
( discours d’Epinal/ 2007 )

Le 12 juillet 2007, N.SARKOZY se rend à Epinal et prononce un important discours sur la réforme des institutions. Dans ce discours, N.SARKOZY annonce la mise en place d’un grand débat sur « la modernisation de nos institutions ». qui débouchera, en juillet 2008, sur une réforme de la Constitution et, en mai 2009 sur une réforme du Règlement de l’Assemblée nationale.

Ce sera … un débat à la Sarkozy … «  sans aucun tabou » ( !) … «  Je veux qu’il n’y ait aucune autocensure. Je veux qu’il n’y ait aucun interdit.  Ce sera un « débat ouvert » : « Je veux qu’il soit ouvert à tous les partis, à toutes les sensibilités, à toutes les écoles de pensée. »

Mais, à y regarder de près, il apparaît que tous les sujets mis au débat n’ont pas le même statut. N.SARKOZY a une idée en tête au moment où il lance ce débat : il veut que soit étudiée « la possibilité qu’il puisse s’exprimer une fois par an devant le Parlement pour expliquer son action et pour rendre compte de ses résultats. » sans porter préjudice à « la dignité de la fonction présidentielle » ni à « la fonction de recours qu’elle incarne » 

N.SARKOZY souhaite que – à cette occasion – soit lancée une réflexion sur le thème : « Quel pouvoir donner au parlement ? ». Il lance un certain nombre de pistes de réflexion : « Faut-il redonner au Parlement davantage de maîtrise de son ordre du jour ? Faut-il créer d’autres commissions ? Quels moyens de contrôle supplémentaires doivent être donnés aux assemblées ? Quel rôle peut y jouer l’opposition ? » 

Les limites du débat sont clairement posées : il ne s’agit pas de revenir « à un parlementarisme plus pur » mais de s’attaquer au « déséquilibre parfois excessif au profit du pouvoir exécutif et au détriment du pouvoir législatif » … sans changer  « les grands équilibres de nos institutions » … et sans « tourner la page » de la Ve République, qui « a donné à la République pour la première fois dans notre histoire la stabilité gouvernementale ». ( Telle est la « vérité ultime des institutions »

L’essentiel du débat reposera sur un comité qui devra être « au-dessus des partis » et qui pourra ainsi «  se tenir à distance des jeux de rôle de la politique ordinaire ».

 02_le comité BALLADUR :
un numéro d’équilibristes ?

Le « Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Vème République » – plus connu sous le nom de « Comité BALLADUR » , du nom de son président – publie son rapport le 29 octobre 2007 sous le titre : « Une cinquième République plus démocratique ».  « Le rapport sur les institutions a pour ligne directrice la volonté non pas d’affaiblir le pouvoir exécutif, mais de mieux le contrôler et de réaffirmer les droits du Parlement et des citoyens. C’est une idée d’équilibre qui l’inspire. »  « Aux républiques du passé, trop méfiantes vis-à-vis du pouvoir exécutif, a succédé en 1958 un régime qui assure la stabilité et la durée, mais qui, en réaction aux excès du régime d’Assemblée, a trop limité les pouvoirs du Parlement. » C’est à cette situation que le présent rapport a entendu remédier sans porter atteinte, si peu que ce soit, à l’efficacité gouvernementale.» La parole du Président a bien été entendue … le commanditaire devrait être satisfait.

Ce rapport recommande – c’est en tout cas, ce qu’en retient Jean-Christophe LAGARDE [ centriste ] – d’« d’encadrer davantage l’exercice des attributions du Président de la République », de « desserrer l’étau du parlementarisme dit rationalisé » , de « doter les groupes minoritaires de droits garantis » , de « renforcer le pouvoir et les moyens de contrôle du Parlement » Il propose aussi : – de « moderniser le droit d’amendement » en permettant de recourir à une durée programmée d’avance ( Ce point va être au cœur des débats à l’Assemblée. ) – de « faire des commissions le pivot du travail parlementaire »  ( ce serait le texte de la Commission qui serait examiné en séance publique ) – d’« accroître la disponibilité des parlementaires » ( en instaurant le non-cumul des mandats ) – de « corriger »les effets du scrutin uninominal par une « représentation proportionnelle compensatrice » ]


03_du rapport BALLADUR
à la révision constitutionnelle de 2008

Beaucoup des mesures préconisées par le comité BALLADUR vont être reprises par N.SARKOZY et le gouvernement. Mais pas toutes.

A l’ouverture du débat relatif à la loi constitutionnelle, le Premier ministre ( F.FILLON ) explique que – en accord avec le Président de la République – seules ont été retenues parmi les propositions de la commission Balladur, celles qui étaient « les plus susceptibles de recueillir le consensus » Exit la « correction » proportionnelle, le non cumul des mandats A l’opposé, la  « revalorisation » du Parlement apparaît comme la pierre angulaire du consensus et le plus sûr moyen de parvenir aux trois cinquièmes de votes positifs chez les députés et les sénateurs.

Le texte de loi constitutionnelle comporte 47 mesures nouvelles. Plus de la moitié des articles de l’actuelle Constitution on té été modifiés. Des articles nouveaux ont été créés de toute pièce.

Début juillet, le texte est adopté en termes identiques par les deux assemblées. Le 21 juillet, il est voté par le Congrès ( réunion des deux assemblées ). Mais le vote est obtenu « à l’arraché » ( une voix de plus que la majorité requise  des 3/5e  ).

04_en amont du Congrès_
tractations, négociations, revirements

De nombreux commentateurs ont résumé la situation en disant que c’était – selon le point de vue des uns et des autres – « la faute à »…  ou « grâce à » … J.LANG que la réforme de la Constitution avait pu être votée in extremis. C’est là une vue rapide tant il y eut de tractations, de négociations et de revirements au cours des six mois qui ont précédé le vote du Congrès.

Tour d’horizon

Pour les communistes et les Verts, la cause était entendue dès le départ : ce sera « NON »

Du côté des centristes, la situation est moins tranchée, plus évolutive. « Les imperfections du texte valent mieux que le statu quo. » En fin de compte, les centristes voteront la révision de la Constitution parce qu’elle « garantit l’expression pluraliste des opinions »

A l’UMP, le texte constitutionnel ne fait pas le plein des voix lors de la première lecture : 13 députés votent CONTRE ; 5 s’abstiennent. Jusqu’au denier moment, des pressions de tout ordre vont s’exercer contre ces députés récalcitrants. Ils seront quand même quelques irréductibles – 6 députés à résister et à maintenir leur « non » au moment du vote du Congrès.

Pour pallier cette défection – prévisible -il convenait, pour les promoteurs de la révision constitutionnelle d’obtenir le soutien des 18 parlementaires appartenant au « Radicaux de gauche » Tout en regrettant l’abandon de la ( part de ) proportionnelle, ces derniers voteront la révision sur les mêmes bases que les centristes, à savoir la reconnaissance du pluralisme politique.

Membre du comité BALLADUR, J.LANG va tenter une médiation à la veille du Congrès. Il publie dans Le Monde une « lettre ouverte au Président de la République » à qui il demande « d’accomplir le geste clair, fort et constructif qui permettrait d’emporter l’adhésion générale ».

Le président SARKOZY répondra, dès le lendemain,  par le même canal. Au cours de l’interview avec des journalistes du Monde, le président « donne des gages à l’opposition »


05_les socialistes et N.SARKOZY_
l’impossible compromis

« Heureusement, il y a dans les rangs du Parti socialiste qui considèrent que la Constitution n’est pas simplement l’objet de leur futur congrès. » disait N.SARKOZY dans son interview au Monde du 17 juillet 2008. Cela voudrait-il dire que l’unanimité chez les socialistes ( à voter contre la révision constitutionnelle ) ne serait qu’une unité de façade ?

Lorsque N.SARKOZY fait part de son intention de réviser la Constitution,, les dirigeants socialistes ne manifestent pas une animosité particulière à l’encontre dudit projet. Lors de la première lecture à l’Assemblée, leur porte-parole – A.MONTEBOURG – entreprend de faire « les comptes et les mécomptes » Il est difficile pour qui lit ce bilan de savoir de quel côté va peser le vote des socialistes. Disons que, à ce stade, la position des députés socialistes est une position d’attente. L’attentisme apparaît encore plus dans l’offre de « compromis que fait A.MONTEBOURG « au nom des socialistes » : Exit la perspective du « grand soir » … et de la VIème république. :  « Nul ne sait vraiment si nous serons en position d’aller plus loin. »

Cet attentisme n’est pas du goût de tout le monde dans le groupe parlementaire socialiste. Pour preuve, la tribune publiée dans Le Monde par  dix-sept députés socialistes qui  « jugent la réforme des institutions prometteuse et se disent prêts à la voter ». Parmi les signataires : M.VALLS, C.CAMBADELIS, J.M.LE GUEN, J.J.URVOAS, G.GORCE,  et C.CARESCHE.

Mais, dès la fin de la première lecture du projet de loi constitutionnelle, il apparaît que les socialistes, dans leur majorité,  ne sont pas prêts à voter la révision. Et cela pour deux raisons : 1) Si les « acquis » sont « loin d’être négligeables », « ils ne peuvent suffire à emporter notre adhésion » : . « En son état actuel, le projet de loi ne changera ni la pratique, ni les déséquilibres de nos institutions. » (J.M.AYRAULT ) 2) « Le décalage qui persiste entre les intentions positives de votre réforme et la réalité de vos actes ». ( idem.) C’est sans doute dans cette deuxième raison qu’il faut chercher  la vraie raison du refus de compromis.

Cette position – qui sera suivie lors du vote ( unanimité contre ) n’est cependant pas partagée par tous les députés socialistes. Ils sont quatre en effet à publier dans Le Monde, aussitôt après le Congrès, une tribune intitulée : « Occasion manquée par le PS ». Les signataires : M.VALLS,  J.M. LE GUEN, G.GORCE,  et C.CARESCHE


06_quand le droit d’amendement
provoque un chahut dans l’hémicycle

Pour mettre en œuvre la réforme voulue par N.SARKOZY et votée par le  Congrès, une loi organique est nécessaire : c’est une étape incontournable avant l’adoption du ( nouveau ) Règlement de l’Assemblée nationale.

D’emblée, il apparaît qu’il sera impossible d’obtenir un consensus sur ce texte, tant les positions de la majorité et de l’opposition sont éloignées.

La ligne de fraction principale est constituée par la ( nouvelle ) procédure dite du « temps programmé » ou du « crédit global » : Le bureau de l’Assemblée pourrait décider d’attribuer à chaque groupe parlementaire  – pour un débat donné – un temps de parole maximum. Une fois dépassé ce temps, les députés du groupe concerné ne pourraient plus défendre leurs amendements.

J.M.AYRAULT est catégorique : « La liberté de discussion parlementaire est incompatible avec les concepts de forfait-temps et autre crédit global. »

Les députés de l’opposition multiplient les amendements contre le temps programmé. Les députés de la majorité ne cèdent sur rien. L’ambiance se durcit – en particulier – tout au long de la deuxième séance du 13 janvier 2009. Peu avant minuit, les députés socialistes en colère se regroupent au pied de la tribune présidentielle et scandent : « démocratie, démocratie » … « Accoyer démission » avant d’entonner la Marseillaise. Ils finiront par quitter l’hémicycle – suivis de tous les députés d’opposition – « jusqu’à nouvel ordre » .

Triste assemblée ! …


07_l’offensive de COPE :
illustration et défense de l’ »hyper-Parlement »

Il est un député qui entend bien imprimer sa marque sur la réforme dudit Règlement : J.FCOPE, président du groupe UMP ( qui a choisi cette période pour publier un livre intitulé : «  Un député, çà compte énormément. ») Dans ce livre – et dans ses interventions dans l’hémicycle – il fait référence à des concepts de son cru : il est question d’« hyper-Parlement », d’« hyper-députés » ( qui sont appelés à remplacer les « députés godillots » de jadis ) , de « co-production législative »

Concrètement, l’offensive de J.F.COPE  – qui sera relayée en commission et dans l’hémicycle par des députés UMP très actifs et déterminés se développe dans deux axes. 1) l’offensive contre la mainmise de l’exécutif / la « coproduction législative »  2) l’offensive contre l’obstruction  («  Plus jamais çà ! »  ne cessera de répéter J.F.COPE, parlant de l’obstruction )

L’offensive contre l’obstruction s’avère être aussi – et surtout ? – une offensive contre l’opposition. Il n’est, pour s’en convaincre, que de voir l’énergie dépensée par J.F.COPE dans l’hémicycle et hors hémicycle. Ce dernier a fait produire, pour le compte de l’UMP,  un « clip »intitulé : « Quand obstruction rime avec opposition ». Les dépêches AFP font état d’un appel à une « mobilisation massive » pour « la bataille » de la réforme du travail législatif, où la majorité va subir  « une dernière fois » l’obstruction » du PS. – ou d’une demande à la gauche de « libérer » l’Assemblée. L’heure n’est pas au consensus ni même au compromis.


08_la médiation du président ACCOYER :
peine perdue ?

Il est quelqu’un qui ne peut se satisfaire de ces affrontements permanents. Il s’agit du président de l’Assemblée nationale [B.ACCOYER]. Même s’il a eu de la peine à se remettre des « Accoyer démission !», a fait face. Il a fait des propositions, tenté plusieurs médiations. Elevé le ton aussi parfois

Quelques jours avant le Congrès ( juillet 2008 ), le président de l’Assemblée nationale transmet aux présidents des groupes d’opposition une lettre dans laquelle d’une part, il annonce la création d’un « groupe de travail pluraliste » et esquisse des propositions pour le futur Règlement de l’Assemblée.

De juillet 2008 ( Congrès ) à janvier 2009 ( débat sur la loi d’orientation ) deux stratégies vont être mises en œuvre de façon parallèle – et concurrente – du côté de la majorité. D’un côté, B.ACCOYER met en place le groupe de travail pluraliste qu’il a promis. En parallèle, l’UMP organise – à huis clos – plusieurs réunions au cours desquelles sont prises des décisions qui ne vont pas du tout dans le sens du pluralisme.

Suite à la séance mémorable du 13 janvier , B.ACCOYER tente de reprendre la main. Il promet des concessions – en particulier, sur la programmation des débats et le temps programmé.

Ces propositions se retrouveront dans le « projet de résolution » soumis au débat de l’Assemblée.

La Commission spéciale chargée d’étudier le projet de Résolution et de préparer le texte qui sera présent en séance publique va voter un certain nombre de mesures qui durcissent le texte et rendent impossible tout compromis.

B.ACCOYER refuse de lâcher prise sur trois points clés de la réforme : 1) l’opposition aurait le droit de créer des commissions d’enquête (une par an) ; 2) un temps de parole exceptionnel non comptabilisé dans le « temps global » sera accordé aux présidents de groupe ; 3) en cas de déclaration d’urgence, la procédure du « temps global » ne sera pas appliquée . Sur ce dernier point, B.ACCOYER devra céder suite à l’adoption d’un amendement défendu par J.F.COPE.

ACCOYER médiateur : cela ne fait aucun doute. Médiation réussie ? : le fait que le Règlement  n’ait pas été adopté par la voie du consensus oblige à répondre par la négative à cette question.


09_pas de consensus
pour le Règlement de l’Assemblée nationale

Il est de tradition que les modifications du Règlement soient adoptées par tous, dans la mesure où il s’agit d’une « charte » « qui fonde l’unité collective » [ VEDEL cité par J.J.URVOAS ) 

Le consensus est à la fois nécessaire et possible, car chacun s’accorde sur l’impératif de revaloriser le rôle du Parlement, de restaurer le travail législatif, de renforcer sa fonction de contrôle, de donner un statut à l’opposition » ( c’est un député de l’opposition – C.CARESCHE qui s’exprime ainsi ). 

Mais, cette fois-ci, il n’y aura pas consensus. La réforme du Règlement ne sera votée que par les députés de la majorité. 

Pour l’opposition, la cause est entendue : s’il n’y a pas eu consensus … … c’est la faute à la majorité … et, en fin de compte, c’est la faute au président de la République, N.SARKOZY, et à sa pratique du pouvoir : « L’UMP – a une marque de fabrique, qui est aussi celle de Nicolas Sarkozy l’excès de pouvoir, devenue la règle et non l’exception. »

Pour la majorité, il n’y a pas de doute non plus : s’il n’y a pas eu consensus … … c’est la faute à l’opposition ! Pourquoi ? « Parce que votre véritable dessein est de ne jamais montrer que vous êtes d’accord avec ce projet, la seule perspective de devoir dire aux Français que, pour une fois, vous seriez d’accord avec la majorité vous faisant peur. Cela vous fait peur car vous n’avez pas de ligne politique sur le fond, et vous ne pouvez donc pas être d’accord avec nous, même sur ce sujet. »  

Et l’auteur de cette chronique ne peut s’empêcher de penser – après coup – que la fronde des socialistes aurait – aujourd’hui encore – un sens si, une fois revenus au pouvoir, les socialistes avaient remis en question le Règlement voté en 2009 (J.M.AYRAULT – dont il a beaucoup été question ici – n’a-t-il pas été Premier ministre pendant deux ans ? ). Non seulement ce ne fut pas le cas, mais on doit convenir que les socialistes se sont coulé dans le moule – tant honni – , utilisant, plus que de besoin, déclaration d’urgence, 49-3, temps programmé, etc.

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