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Billet de blog 3 mars 2018

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ANNE SYLVESTRE - 60 ANS DE CHANSONS - (1) THÉRÈSE

Elle a fêté, l'automne dernier, à Paris, ses 60 années de composition, écritures poétique, musicale. Bien sûr, tout le monde n'a pu s'y rendre et les représentations sont terminées, re-visitons (ou découvrons), pendant quelques jours une chanson de A. SYLVESTRE. Evitons les plus célèbres, qui ne sont pas forcément les moins fortes, aussi parce que les moins connues le sont plus encore...

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On le sait: le répertoire de Anne SYLVESTRE épelle diverses personnalités aux prénoms tantôt désuets, tantôt plus intemporels ou modernes: Lazare et Cécile, Mariette et François, Pauline, Xavier, Clémence, Roméo et Judith (la liste est longue) voire fantaisistes (Gulliverte) ou, plus rarement, bibliques (Abel, Caïn).

Mais Thérèse (1977) contrairement aux autres chansons, n'évoque pas une femme (religieuse ou non) dont SYLVESTRE croquerait le portrait. Thérèse est le prénom de "quelqu'une" à qui est adressée une lettre. 

Chant s'offrant l'occasion de composer l'éloge de l'amitié ? (le mot est plusieurs fois usité) ?  Expression d'une passion chaste d'un soupirant qui a réussi , jusqu'ici, à taire ses sentiments ? Cri pudique de quelqu'un qui éprouve la faillite de la vaillance à savoir vivre encore? qui souffre d'un mal qui n'offre plus aucune rémission ? Ou constat qu'une descendance se fait rare, dans la lignée d'une famille ? 

La personnification est la figure de style élue par Anne SYLVESTRE pour évoquer sans doute tout cela et plus encore. Aucune des hypothèses consignées ci-dessus ne l'emporte mais elles se mêlent pour mieux faire jalousement conserver son secret à la chanson. 

Aveu de quelqu'un, (ou de la nature elle-même pour laquelle l'auteur d'Un bateau mais demain a souvent proclamé son attachement viscéral) qui s'essoufle et sent le menacer d'effritement fatal. 

Peut-être est-ce aussi la perte de la Foi ou tout simplement d'une spiritualité qui ne parvient plus à se renouveler, le chancèlement dans le maintien d'un espoir de rémission ou guérison?

Cette année je n'ai pas fleuri/ Ou si peu que j'en porte traces/ Que j'en ai les branches meurtries/ Que de partout mon bois se casse

Certaines années je le crois/ N'arrive pas assez de sève/ Souffle en tempête le vent froid/ S'en faut de peu que l'arbre crève

Le style de la missive est légèrement  et volontairement précieux. Il marque une estime qui se risque jusqu'au respect ou la dévotion. C'est là le grand talent de Anne SYLVESTRE: parvenir à brasser des styles fort différents, d'une chanson l'autre. Passant d'un registre familier, quotidien et plus oral qu'écrit (surtout pour exprimer des révoltes, (Me vlà, Les Pierres dans mon jardin, La Faute à Eve, etc) à des registres bien plus soutenus ou admirablement maîtrisés pour distiller de purs poèmes mis en musique (Sur mon chemin de mots, La Chambre d'or, Ecrire pour ne pas mourir, etc) . 

La fin de la chanson ne livre pas la clef éventuellement essentielle d'un trousseau d'énigmes qui ont essayé, tour à tour de s'ouvrir ou forcer un secret. On ne lit pas par-dessus l'épaule de quelqu'un (encore moins quand il s'agit d'un pommier) pendant qu'il écrit, ni ne lit, surtout en cachette, une lettre trop personnelle qui ne nous est, en plus, pas directement adressée. 

Anne Sylvestre - Therese © Chansonnieres

N.B: contrairement à ce que l'illustration pourrait faire croire, dans la vidéo permettant d'écouter Thérèse, ce titre ne s'entend pas dans l'album J'ai de bonnes nouvelles (1978)Il a figuré, l'année précédente, dans le onzième album (1977) de l'auteur-compositeur-interprète (lorsque Anne SYLVESTRE choisit de ne plus dépendre d'une maison de disques et crée son propre label sobrement intitulé A.Sylvestre et les albums ne portent alors aucun titre; elle se résoudra à "baptiser" ses albums à partir du 14è "Ecrire pour ne pas mourir" (1985)). Pour une discographie assez complète et historique, chronologique (contrairement à la rubrique du site officiel qui lui est consacré qui privilégie plutôt une discographie actuelle disponible dans le commerce) on peut se reporter au site Web "Encyclopédisque". Sur cette page: http://www.encyclopedisque.fr/artiste/4499.html

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