"Pourquoi des Poètes ?" 1/ Complainte de la rue Saint Martin
Hölderlin lança le défi: "À quoi bon des poètes en temps de détresse ?" dans son élégie "Pain et Vin" . Choix non pas anthologique et évidemment surtout pas exhaustif, de quelques textes, connus ou pas, pour se rappeler comment certains ont, par la Poésie, défié, décrit de rudes épreuves et des combats humains.
Ce "ils", aujourd'hui, pourrait bien sûr être simplifié au singulier. "Il" pour Mal. Qu'importe, au fond, qui nous ravit une part de nous: c'est cet arrachement incompréhensible car injustifié qui défigure à jamais une rue, trace l'absurde. Et paraît anesthésier tout.
Complainte de la rue Saint-Martin
Je n’aime plus la rue Saint-Martin Depuis qu’André Platard l’a quittée. Je n’aime plus la rue Saint-Martin, Je n’aime rien, pas même le vin. Je n’aime plus la rue Saint-Martin Depuis qu’André Platard l’a quittée. C’est mon ami, c’est mon copain. Nous partagions la chambre et le pain. Je n’aime plus la rue Saint-Martin. C’est mon ami, c’est mon copain. Il a disparu un matin, Ils l’ont emmené, on ne sait plus rien. On ne l’a plus revu dans la rue Saint-Martin. Pas la peine d’implorer les saints, Saints Merri, Jacques, Gervais et Martin, Pas même Valérien qui se cache sur la colline. Le temps passe, on ne sait rien. André Platard a quitté la rue Saint-Martin.
Robert Desnos, États de veille, 1943
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