La célébration du 8 mai en Alsace, par le président de la République, n’a pas reçu dans les médias, l’accueil escompté ; la crise grecque et ses conséquences, l’impasse gouvernementale britannique, le capricieux volcan islandais, l’incertain colmatage pétrolier au large de la Louisiane, renvoyaient la mémoire combattante, celle des alliés vainqueurs en Europe, aux souvenirs des survivants, des descendants et de ceux qui veulent bien, encore, ne pas effacer les traces de toutes les batailles justes lorsqu’elles ont pour but le rétablissement des libertés, les raisons pérennes de la dignité humaine.
Nicolas Sarkozy a prononcé un discours, en Alsace, qui honore sa fonction et complète une gamme assez large de reconnaissance de la nation à une province martyrisée mais symbole de l’unité, de la singularité et de la fraternité de ses habitants.
L’Alsace a reçu ce « Français de l’intérieur » avec gravité. Certes, la seule région conservée, en mars dernier, à la majorité présidentielle ne pouvait pas faire autrement qu’ajouter au patriotisme mémoriel, un patriotisme partisan. Certes, aussi, le président n’a pu s’empêcher d’égratigner ses prédécesseurs comme si de Poincaré à Jacques Chirac, aucun d’entre eux n’était venu évoquer, à Strasbourg ou à Colmar, « le drame de l’Alsace et de la Moselle ».
Mais le président réservait sa venue pour « réparer une injustice » ; celle d’avoir mis au ban, ces incorporés de force dans l’armée allemande, comme s’ils avaient été des volontaires de la barbarie, de la « schadenfreude » - la « joie de détruire ». Les « malgré nous » ont donc reçu « compréhension et respect ». Les Alsaciens attendaient ces paroles et il est bon que le président de la République les ait prononcées.
Sous la cohabitation Chirac-Jospin, en décembre 1998, le gouvernement avait pris un décret, certes tardif, concernant la reconnaissance honorifique des patriotes réfractaires à l’annexion de fait (les « PRAF dont le statut ne fut reconnu qu’en 1973 »), après de nombreuses mesures d’indemnisation prévues par les lois allemandes du 19 juillet 1957 et du 15 juillet 1960. C’est dire combien la reconnaissance des victimes, celles déshonorées ou celles humiliées, se moque du temps présent !
Nicolas Sarkozy a ajouté, dans le contexte particulier de ce « crime de guerre » qu’est l’enrôlement de force, que « Vichy a trahi la France et l’a déshonorée ». C’est bien et cela a été insuffisamment repris dans la presse. Pourquoi ? Parce qu’il y a tout le reste où la sincérité devient vagabonde, les propos nomades.
Mais puisque le comportement présidentiel se plie à réparer les injustices de l’Histoire…que Nicolas Sarkozy poursuive sa quête de vérité ou de chasse au déshonneur, en relisant son discours du 11 novembre 2008, à Douaumont : « …ceux qui n’ont plus eu la force de se battre…ceux qui n’avaient pas été des lâches…». Réhabiliter la mémoire des« victimes de la fatalité » de ceux que le commandement français, en 1917, nommait cyniquement les « fusillés pour l’exemple » peut se faire par la voie législative, comme l’ancien ministre de la défense, Des Browne, avait opéré, en Grande Bretagne. Une loi mémorielle de plus, diront certains…Une nation doit reconnaître ses fautes mais aussi accepter de ne plus faire supporter l’opprobre
Denys Pouillard
Directeur de l'Observatoire de la vie politique et parlementaire site www.vlvp.fr