Denys Pouillard

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Billet de blog 13 décembre 2010

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L’éthique républicaine encore une fois malmenée

Les ministres et les préfets doivent respecter la Constitution! L'affaire des «policiers menteurs» –et du jugement du tribunal de Bobigny– conduit à plusieurs interrogations sur les rapports qu'entretiennent les autorités publiques avec la Justice, rendue, faut-il le rappeler, «au nom du peuple français».

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Les ministres et les préfets doivent respecter la Constitution! L'affaire des «policiers menteurs» –et du jugement du tribunal de Bobigny– conduit à plusieurs interrogations sur les rapports qu'entretiennent les autorités publiques avec la Justice, rendue, faut-il le rappeler, «au nom du peuple français».
Au cœur de ce débat, comme lors de précédentes déclarations, c'est naturellement le principe fondamental et constitutionnel de la séparation des pouvoirs qui est, une fois de plus, bafoué. C'est aussi l'intérêt général et donc le fondement de la République qui se trouve encore chahuté. On peut même s'étonner de la portée des déclarations à la fois du ministre de tutelle de la police et de celles d'un préfet territorial, ancien policier lui-même, au regard des corps intermédiaires et de contrôle ; l'IGS se trouve tout autant accusée, indirectement, que les magistrats qui ont rendu le jugement.

Les préfets, par ailleurs représentants de l'Etat, doivent respecter, comme le pouvoir exécutif ou législatif, les décisions de justice ; ils doivent faire preuve de neutralité et ne peuvent se comporter à géométrie variable, calquant leur action à celle de la corporation dont ils sont issus. Voici bien le problème lorsqu'un recrutement à ce niveau de l'autorité publique, est directement induit de catégories socioprofessionnelles dont le réflexe corporatiste rejoint celui du syndicalisme et, en la circonstance, ne prédispose pas au devoir de réserve.
Au-delà des propos du ministre de l'intérieur et de ceux d'un préfet, certains ont voulu que le garde des sceaux défende à son tour le corps de l'Etat attaqué, en répliquant à son collègue membre du gouvernement. Est-ce une bonne chose ? Devrait-on jouer un match retour, à chaque fois qu'un dérapage organisé est constitué ? Laissons au contraire à ce dérapage voulu, assumé, toute sa force ; celle qui distingue l'excès, de la justice, celle qui enfreint les règles fondamentales de la République, celle qui identifie l'intolérance.
Enfin, n'oublions pas l'origine de l'affaire : l'accusation d'un innocent construite à partir d'un scénario sciemment inventé afin de disculper les vrais fautifs. Un innocent...Voilà le vrai problème ; comment le mensonge peut-il conduire à l'ignominie ! Un mensonge pas ordinaire établi par des représentants de l'autorité publique !
Ceci nous renvoie, de fait, à l'un des maux de cette gouvernance : l'option de l'intérêt privé et de l'intérêt personnel au détriment de l'intérêt général et finalement mentir plutôt que dire la vérité. Alors que dans quelques jours, la commission Sauvé remettra son rapport au président de la République sur les conflits d'intérêt dans le périmètre qui lui a été consenti, deux mots résonneront peut-être : déontologie et éthique. L'usage du verbe est ordinairement lié à ce comportement urbain et moral ; les défenseurs le savent bien dans les enceintes judiciaires et ceux qui en franchissent les bornes sont rappelés à l'ordre, voire sanctionnés. L'usage du verbe, dans la confrontation et le débat politique, dispose de curseurs dont le droit civil et le droit pénal s'emparent pour en mesurer la gravité Mais l'usage du verbe dans l'exercice du pouvoir a pris quelques libertés avec les règles fondamentales de la démocratie : respecter la Justice, respecter les fonctions exécutive et législative appartiennent au code de l'honneur républicain... le seul code d'éthique qui permette encore de rechercher la manifestation de la vérité, de ne pas déclarer coupable quelqu'un qui n'aurait pas été encore jugé, de ne pas confondre ses pulsions politiques et son appartenance avec son pouvoir souverain ou sa représentation déléguée.
Denys Pouillard
Directeur de la vie politique et parlementaire : site www.vlvp.fr

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