Pour ceux qui n’auraient pas encore compris ce que signifie rupture sous Nicolas Sarkozy, se référer aux nominations de ce 23 février 2010.
L’Elysée –ne l’a-t-on pas suffisamment répété depuis juin 2007– dispose d’une théorie très simple à la portée des esprits peu scientifiques: il n’y a pas de logique, ni de déterminisme. Tout ce qui n’est pas interdit devient donc autorisé!
Ainsi, il n’est écrit nulle part que des femmes peuvent être promues ou nommées à l’occasion du renouvellement d’organismes institutionnels. Il n’est écrit nulle part que deux sénateurs ne peuvent être proposés au cours d’un même renouvellement. En conséquence de quoi, aucune femme n’est nommée au Conseil constitutionnel et parmi ces nominations figurent deux sénateurs !
Peu importe que Michel Charasse soit nommé rue Montpensier : ce n’est vraiment pas une perte pour l’opposition qui ne le reconnaissait déjà plus parmi les siens, depuis longtemps. Au contraire, le PS gagne dans ce transfert attendu puisque le maire de Clermont-Ferrand, Serge Godard, va devenir sénateur et rejoindre le groupe socialiste du Sénat. Double mauvaise pioche d’ailleurs pour le président UMP du Sénat, par la même occasion, dès lors que la majorité présidentielle, lors des scrutins publics, perdra au moins une voix ou ne pourra plus compter, à l’avenir, sur l’abstention bienveillante de Michel Charasse ; et si le sénateur du Puy-de-Dôme avait été réélu, éventuellement, en septembre 2011, une voix de connivence de moins pour le vote au perchoir dans un scrutin appelé à être très serré.
Mais revenons à cette « mâle attitude » que le pouvoir érige depuis deux ans, clandestinement et à dose homéopathique, comme retour à des temps antérieurs. L’exemple récent du projet de loi sur les collectivités territoriales qui supprime d’un trait de plume le principe même de la parité, en effaçant l’existence des conseillers régionaux et du scrutin proportionnel qui les accompagnaient n’est qu’une simple, mais malheureuse alerte. Le tableau de bord des années 2008 et 2009 de la parité dans les organismes officiels, établissements public administratifs et autres autorités administratives indépendantes, établi par l’observatoire de la vie politique et parlementaire (voir www.vlvp.fr dans Carrefour de la démocratie/Débats du 20 janvier 2010 ) montre bien le recul patent des nominations de femmes dans les conseils d’administration, d’orientation ou commissions exécutives. L’observatoire de la parité entre les femmes et les hommes n’exige pas que le rapporteur soit une rapporteure (article 5 du décret de 1995)…et s’il plaît au pouvoir de nommer un homme à l’exercice de la fonction, aucun texte n’est opposable !
Ce qui vient d’arriver pour le Conseil constitutionnel devrait faire réagir cet observatoire et les délégations parlementaires aux droits des femmes. Ces délégations oseront-elle protester ? Une occasion, pourtant, à ne pas manquer pour élever d’un cran les revendications dans le juste combat pour la parité en politique. La parité en recul dans le nouveau système électoral, en très net recul dans l’une des plus prestigieuses juridictions de la République…Faut-il en arriver maintenant à une loi pour garantir la représentativité décente, légitime et proportionnelle des femmes dans les organismes de moins en moins indépendants et de plus en plus politiques ?
Denys Pouillard
Directeur de l’Observatoire de la vie politique et parlementaire - www.vlvp.fr