Denys Pouillard

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Billet de blog 26 juillet 2010

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Vive la Révolution...

Le 26 juillet, c'est la fête de la presse et des «officines». Cent quatre vingt ans après, profitons en, trois jours durant !

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Le 26 juillet, c'est la fête de la presse et des «officines». Cent quatre vingt ans après, profitons en, trois jours durant !
Des trois Révolutions que notre Histoire retient, parmi bien d'autres convulsions, celle de 1830 est la plus chargée de symboles et la plus improvisée. Elle nous a laissé la Liberté guidant le peuple, la colonne de Juillet à la Bastille, et trois journées nommées « Les trois Glorieuses ». Elle ne nous avait pourtant pas rendu la République... et, tout au contraire, nous prolongeait la royauté de dix-huit ans encore! Elle partit un 26 juillet au soir et à trois jours près, on pouvait fêter le 180e anniversaire de cette Révolution et célébrer la liberté de la presse, consacrée par le TGI de Paris, qui a confirmé à Mediapart - et à toute la presse par la même occasion - ce droit à délivrer, publier et faire connaître, en dehors de toute investigation malveillante concernant la vie privée, les informations qui relèvent de l'intérêt général. Belle leçon, cent quatre vingt ans après...

Car la Révolution de 1830 est celle avant tout de la presse, uniquement du droit d'expression pour lequel les «écrivains des journaux» sont descendus dans la rue et ont entraîné le peuple. Rare page de Résistance de la pensée... Résistance, ce mot qui surgit dans la première « protestation » au roi ; Résistance à ces « ordonnances » dont la première concerne la presse, cet «instrument de désordre et de sédition» et les trois autres la dissolution de la Chambre et le changement du mode d'élection des députés.

Il faut relire le rapport qui introduit les « quatre ordonnances », l'attaque contre la presse y est d'une violence incroyable: «une démocratie turbulente, qui a pénétré jusque dans nos lois, tend à se substituer au pouvoir légitime. Elle dispose de la majorité des électeurs par le moyen de ses journaux et le concours d'affiliations nombreuses... le moment est venu de recourir à des mesures qui rentrent dans l'esprit de la Charte, mais qui sont en dehors de l'ordre légal, dont toutes les ressources ont été épuisées.»

Suit la première ordonnance: «aucun journal, aucun écrit périodique ou semi-périodique ne pouvait paraître sans une autorisation accordée pour trois mois et renouvelable. Ils seraient saisis en cas de contravention, les presses et les caractères d'imprimerie seraient placés sous scellés ou détruits. Il en était de même des écrits de plus de vingt feuilles, des mémoires sur les procès, de ceux des sociétés savantes ou littéraires, s'ils traitaient d'affaires politiques.» Triste jour, ce 26 juillet 1830, lorsque le Moniteur publie les ordonnances, mais quel souffle de désobéissance lorsque le National s'apprête à guider le peuple: «le régime légal est donc interrompu, celui de la force est commencé. Dans la situation où nous sommes placés, l'obéissance cesse d'être un devoir. Les citoyens appelés les premiers à obéir sont les écrivains des journaux : ils doivent donner les premiers l'exemple de la résistance à l'autorité qui s'est dépouillée du caractère de la loi...» Aux députés, l'appel à résister à la violation des lois conclut: «le Gouvernement a perdu aujourd'hui le caractère de légalité qui commande l'obéissance.» Ce 26 juillet au soir, les « Trois Glorieuses » peuvent commencer...

Ainsi la presse côtoyait déjà ces « affiliations » nombreuses, ces « officines » dirait-on en 2010... et cette leçon d'Histoire - et d'un Charles X précurseur - n'est pas inutile à rappeler lorsque les coquins et les malins voudraient jouer la liberté de la presse à colin-maillard
Cet intermède dans la monarchie parlementaire française ne met pas fin, pour autant, au pouvoir des intouchables, des huissiers, des pairs et des privilèges ; la presse y gagne une bataille qu'elle devra régulièrement reconduire. Ce combat sans fin en fait son charme, la raison de la liberté et le droit à la vérité...

Denys Pouillard
Directeur de l'observatoire de la vie politique et parlementaire (www.vlvp.fr)

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