Billet de blog 29 janvier 2010
Le président qui a vu le procureur...qui voit le croc
Le président qui a vu le procureur qui voit le croc
Montesquieu, de nouveau, au secours !
Avec les précautions d’usage le billet d’humeur d’hier, 28 janvier, retenait l’hypothèse d’un appel du procureur dans l’affaire Clearstream. C’est chose faite depuis quelques heures, ce 29 janvier.
Les déclarations de Dominique de Villepin hier soir étaient-elles trop optimistes ? Non, elles prévenaient aussi qu’au cas où la Justice devrait poursuivre l’opération « Elysée » devant la cour d’appel de Paris, sous la diligence du parquet, il s’agirait bien d’un acharnement et par voie de conséquence de la démonstration évidente du procès politique.
Le procureur de Paris qui n’a pas vu ses efforts récompensés par une nomination à la cour d’appel au 1er janvier n’a pas de cadeaux à faire, ni à l’ancien Premier ministre, ni au président de la République. C’est une première lecture de son comportement ce vendredi 29 janvier au petit matin, comme si le peloton était déjà prêt pour l’exécution.
L’autre lecture - la plus vraisemblable - puise dans le fonctionnement même de la Justice, de ses rapports avec le pouvoir exécutif et ce qui lui est, « montesquieusement », séparé. Mais au plus fort de l’histoire de la justice et de la politique, il faudrait remonter à l’Affaire Dreyfus ou les procès de Riom sous le régime de Vichy, ou, dans des circonstances exceptionnelles d’atteinte à la sûreté de l’Etat des années soixante, certains procès de Haute cour militaire, cour militaire spéciale et cour de sûreté de l’Etat, pour retrouver tant de haine, d’acharnement, d’esprit d’élimination ou de vengeance sur un homme, un homme politique. Tout ressemble, en ce sens, à un contrat !
Plus grave demeure le contexte dans lequel s’inscrit cette instrumentation : la réforme judiciaire et la suppression programmée du juge d’instruction, le « tout pouvoir » du procureur, faussement indépendant et plus que jamais valet de Cour.
La Justice passe de l’instruction à la lettre de cachet ; de l’indépendance, à la soumission politique, pire peut-être comme l’illustre l’affaire de Villepin, aux « attendus » que délivrent quelques conseillers, en privé, ou « fonctionnaires » de parti politique sur les ondes. Un parti dirige la France, ses porte-paroles comptent au nombre des dix ou onze hommes - pas plus, président de la République compris - qui, depuis plus de deux ans, exigent, décrètent, orientent l’opinion. Cette junte civile a ses courtisans mais elle a aussi ses « résistants ».
Dominique de Villepin, relaxé par la Justice, chassé au bazooka, par une meute sous alimentée, résiste avec ses compagnons à cette main de fer collective qui, si l’on n’y prend garde, pourrait « mettre nos cerveaux en uniforme ».
L’opposition pourrait se réveiller de ses torpeurs car ce qui arrive à l’un de ses adversaires d’hier, est aussi une alerte devant la démocratie bafouée, la séparation des pouvoirs piétinée ! Ne voulant pas s’ingérer dans une affaire qu’elle considère comme un scandale de la seule droite, elle protège quelques dossiers sensibles, à la veille des élections régionales, et ne s’occupe que de sa police interne en Languedoc Roussillon. Inquiétante irresponsabilité de gouvernance future lorsque la séparation des fonctions exige vigilance, transparence et vérité, plus qu’échange de dossiers judiciaires, gestion des « prises de guerre » et négociations secrètes a minima. Que pensent les écologistes, à défaut de leurs cogitations sur le climat, de ce fonctionnement de la Justice ? Que pensent Monsieur Mélenchon, Madame Buffet et autres, à défaut de leur grande et infinie interrogation sur Aristote et Marx, des nouvelles lettres de cachet avant l’arrivée des masques de fer ? Que pensent, surtout au PS, les « primaires » candidats de ce qu’il faudra demain « garder » ou jeter de ces ordre sournois à la Justice, des procédés de traitement du débat contradictoire, de ceux des droits de l’homme, des gardes à vue, des présomptions de culpabilité, des instructions préfabriquées ou formatées ?
Vite des réponses, le temps encore, durant lequel, les électrices et électeurs peuvent humer des bonnes odeurs de la démocratie et de la séparation des pouvoirs.
Denys Pouillard
Directeur de l'observatoire de la vie politique et parlementaire
Site www.vlvp.fr
Montesquieu, de nouveau, au secours !
Avec les précautions d’usage le billet d’humeur d’hier, 28 janvier, retenait l’hypothèse d’un appel du procureur dans l’affaire Clearstream. C’est chose faite depuis quelques heures, ce 29 janvier.
Les déclarations de Dominique de Villepin hier soir étaient-elles trop optimistes ? Non, elles prévenaient aussi qu’au cas où la Justice devrait poursuivre l’opération « Elysée » devant la cour d’appel de Paris, sous la diligence du parquet, il s’agirait bien d’un acharnement et par voie de conséquence de la démonstration évidente du procès politique.
Le procureur de Paris qui n’a pas vu ses efforts récompensés par une nomination à la cour d’appel au 1er janvier n’a pas de cadeaux à faire, ni à l’ancien Premier ministre, ni au président de la République. C’est une première lecture de son comportement ce vendredi 29 janvier au petit matin, comme si le peloton était déjà prêt pour l’exécution.
L’autre lecture - la plus vraisemblable - puise dans le fonctionnement même de la Justice, de ses rapports avec le pouvoir exécutif et ce qui lui est, « montesquieusement », séparé. Mais au plus fort de l’histoire de la justice et de la politique, il faudrait remonter à l’Affaire Dreyfus ou les procès de Riom sous le régime de Vichy, ou, dans des circonstances exceptionnelles d’atteinte à la sûreté de l’Etat des années soixante, certains procès de Haute cour militaire, cour militaire spéciale et cour de sûreté de l’Etat, pour retrouver tant de haine, d’acharnement, d’esprit d’élimination ou de vengeance sur un homme, un homme politique. Tout ressemble, en ce sens, à un contrat !
Plus grave demeure le contexte dans lequel s’inscrit cette instrumentation : la réforme judiciaire et la suppression programmée du juge d’instruction, le « tout pouvoir » du procureur, faussement indépendant et plus que jamais valet de Cour.
La Justice passe de l’instruction à la lettre de cachet ; de l’indépendance, à la soumission politique, pire peut-être comme l’illustre l’affaire de Villepin, aux « attendus » que délivrent quelques conseillers, en privé, ou « fonctionnaires » de parti politique sur les ondes. Un parti dirige la France, ses porte-paroles comptent au nombre des dix ou onze hommes - pas plus, président de la République compris - qui, depuis plus de deux ans, exigent, décrètent, orientent l’opinion. Cette junte civile a ses courtisans mais elle a aussi ses « résistants ».
Dominique de Villepin, relaxé par la Justice, chassé au bazooka, par une meute sous alimentée, résiste avec ses compagnons à cette main de fer collective qui, si l’on n’y prend garde, pourrait « mettre nos cerveaux en uniforme ».
L’opposition pourrait se réveiller de ses torpeurs car ce qui arrive à l’un de ses adversaires d’hier, est aussi une alerte devant la démocratie bafouée, la séparation des pouvoirs piétinée ! Ne voulant pas s’ingérer dans une affaire qu’elle considère comme un scandale de la seule droite, elle protège quelques dossiers sensibles, à la veille des élections régionales, et ne s’occupe que de sa police interne en Languedoc Roussillon. Inquiétante irresponsabilité de gouvernance future lorsque la séparation des fonctions exige vigilance, transparence et vérité, plus qu’échange de dossiers judiciaires, gestion des « prises de guerre » et négociations secrètes a minima. Que pensent les écologistes, à défaut de leurs cogitations sur le climat, de ce fonctionnement de la Justice ? Que pensent Monsieur Mélenchon, Madame Buffet et autres, à défaut de leur grande et infinie interrogation sur Aristote et Marx, des nouvelles lettres de cachet avant l’arrivée des masques de fer ? Que pensent, surtout au PS, les « primaires » candidats de ce qu’il faudra demain « garder » ou jeter de ces ordre sournois à la Justice, des procédés de traitement du débat contradictoire, de ceux des droits de l’homme, des gardes à vue, des présomptions de culpabilité, des instructions préfabriquées ou formatées ?
Vite des réponses, le temps encore, durant lequel, les électrices et électeurs peuvent humer des bonnes odeurs de la démocratie et de la séparation des pouvoirs.
Denys Pouillard
Directeur de l'observatoire de la vie politique et parlementaire
Site www.vlvp.fr
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