Lorsque j'ai eu connaissance de l'action parrainée par Philippe Meirieu d'envoi de cartes postales à l’Élysée par les élèves afin de dénoncer le sans-abrisme infantile, il a été évident pour moi que je devais proposer à mes élèves de participer.

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En effet il me semblait d'abord nécessaire d'informer sur ces situations terribles touchant de plus en plus d'enfants et avec lesquelles mes élèves n'étaient pas en contact direct.
Ensuite il fallait expliquer en quoi ces situations étaient anormales au vu du droit international et de la Convention Internationale des Droits de l'Enfant pour donner les moyens de bien comprendre les enjeux de société et les protections qui sont censées protéger tous les enfants.
Enfin, et ce sans quoi ce qui précède n'est qu'une éducation à la résignation et à l'abandon, leur donner des moyens d'expression et d'action contre cette injustice faite à leurs camarades, des enfants comme elles et eux.
Donner les moyens aux enfants de connaître le monde et d’œuvrer en citoyen·nes à sa transformation par la coopération est l'objectif du service public d'éducation ainsi que le rappelle le Code de l'éducation dans son article L111-1 : « Outre la transmission des connaissances, la Nation fixe comme mission première à l'école de faire partager aux élèves les valeurs de la République. Le service public de l'éducation fait acquérir à tous les élèves le respect de l'égale dignité des êtres humains, de la liberté de conscience et de la laïcité. Par son organisation et ses méthodes, comme par la formation des maîtres qui y enseignent, il favorise la coopération entre les élèves. »
C'est ainsi que j'ai mis à l'ordre du jour du conseil de coopérative à venir ma proposition d'action contre le sans-abrisme infantile. Lorsque le moment hebdomadaire du conseil arrive et que la présidente en vient à ce point de l'ordre du jour la discussion s'emballe et les premiers témoignages d'expériences en lien avec le sans-abrisme s'enchaînent. Le besoin d'en parler est palpable et la proposition est adoptée à l'unanimité. Un créneau est réservé à l'emploi du temps du lendemain afin que chacun·e puisse s'exprimer autant que nécessaire sur le sujet sans empiéter sur le temps de conseil qui doit permettre d'arriver au bout de l'ordre du jour.

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Le lendemain personne n'a oublié le temps promis à ces échanges au moment d'élaborer l'emploi du temps et, le moment venu chacun·e y va de sa propre expérience au sujet du sans-abrisme. Ressortent tous les témoignages de situations vécues et rapidement la solidarité et l'entraide apparaît au cœur des préoccupation des enfants. Ils ont vu les parents ou, pour certain·es, une enseignante donner de l'argent ou à manger à des personnes à la rue (l'an dernier pendant une rencontre avec une classe de Tours l'enseignante de la classe avait donné des sandwichs à une mère avec un enfant à la rue).
La Convention Internationale, affichée dans la classe, est évoquée et ses grands principes sont rappelés avec des explications pour ceux d'entre eux qui sont moins clairs. Par exemple le fait d'avoir droit à un prénom, un nom et un pays ne semble pas poser de problèmes au premier abord mais lorsqu'on évoque les pays en guerre où les enfants sont contraints à l'exil la fragilité de ce qui semble acquis apparaît dans toute son horreur.
Et puis lorsque le sujet arrive plus précisement sur le sans-abrisme infantile, la réalité des plus de 2 159 enfants recensés dormant à la rue alors même que l'article 27 de la Convention Internationale des Droits de l'Enfant doit garantir à chacun d'eux et d'elles un toit sans distinction d'aucune sorte, les élèves comprennent ce que cette situation a d'anormal. Ils le ressentaient avec leur humanité, leur sensibilité ils le ressentent maintenant en tant que citoyen·nes ayant le pouvoir d'agir, comme individus d'une société régie par des lois et comme acteur ou actrice des décisions qui les concernent.

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Le projet d'écriture en lui-même pouvait alors commencer et c'est avec beaucoup d'enthousiasme que tout le monde s'y est mis, une fois rappelées les principes de l'écriture d'une carte postale. Le format court permet à des élèves, même jeunes, de produire un texte assez facilement et une heure et demie a suffi à tout le monde pour terminer son texte et l'écrire au propre.

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La créativité des cartes postales doit autant aux personnalités toutes différentes de chaque enfant qu'à la richesse des débats ayant précédé la rédaction. L'on peut voir que les angles d'approche sont très variés, certaines élèves privilégiant l'aspect de la légalité, d'autres l'approche solidaire et fraternelle, d'autres encore un ton plus revendicatif.

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Dans tous les cas l'indignation est palpable et la volonté d’interpellation est sensible...

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Une fois les cartes postales écrites il ne restait plus qu'à les poster et pour cela nous sommes allés à la boîte aux lettres la plus proche, chacun·e avec sa carte à la main. Là encore c'est la détermination à se faire entendre en tant que citoyen·nes qui est remarquable. Visualiser le lieu de transit de la carte postale permet de se représenter la trajet que celle-ci fera ce qui est important pour se figurer les suites et l'arrivée de la masse de cartes postales au palais de l’Élysée.

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En conclusion je dirais que ce projet a été un ciment très fort pour les élèves prenant conscience par lui de leurs droits, de leurs capacités d'action et aura constitué un pas vers l'émancipation et la conscience des vertus de la coopération.
En accord avec le programme d'enseignement moral et civique il aura permis : « l'acquisition d'une culture morale et civique et d'un esprit critique qui ont pour finalité le développement des dispositions permettant aux élèves de devenir progressivement conscients de leurs responsabilités dans leur vie personnelle et sociale. Cet enseignement articule des valeurs, des savoirs et des pratiques. »
Comme toujours c'est par la motivation que se met en place la pratique qui permet l'acquisition des connaissances. C'est bien ce chemin que nous avons emprunté avec ce projet et il est le meilleur garant d'un investissement futur dans les affaires communes indispensable à toute société en bonne santé démocratique.
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La carte postale à imprimer recto-verso