Historiquement, la technologie a toujours joué un rôle signifiant dans les marchés financiers mais avec l’arrivée des fintechs, l’on assiste à une révolution sans précédent.
Le terme fintech est né de la fusion entre deux mots: "finance" et "technologie". Selon Alain Clot, président et fondateur de France fintech: "Les fintechs sont des entreprises utilisant des modèles opérationnels, technologiques ou économiques innovants et visant à traiter des problématiques existantes ou émergentes de l’industrie des services financiers".
Le secteur des fintechs a connu une croissance rapide grâce à un environnement technologique en forte évolution, le changement des habitudes des consommateurs et l’impact structurel de la crise financière mondiale sur les sociétés financières traditionnelles.
« We need bankin but not banks » Bill gates
Le continent africain compte aujourd'hui les hubs de la fintech les plus dynamiques au monde. Leur nombre a considérablement augmenté atteignant plus de 300 à la fin de 2017. On peut distinguer trois types d’écosystèmes de la fintech sur le continent africain: Le premier groupe rassemblant les fintech de l’Afrique anglophone (Nigeria, Ghana, Afrique du Sud, Kenya) sont des fintech particulièrement à la pointe et leaders sur le marché africain. Le second groupe, le groupe des fintechs émergentes est composé des fintech nord africaines (Maroc, Tunisie). Enfin, le dernier de ces écosystèmes est composé de fintech considérés comme prometteuses: les fintech de l’Afrique francophone (Sénégal, Côte d’Ivoire).
Le secteur des fintech est l’un des secteurs de start-up les plus activement financés en Afrique totalisant environ 39% du nombre de transactions financées entre janvier et juin 2018. La majorité de ces entreprises mettent l’accent sur les solutions sur les transferts d’argent et les paiements, en ciblant principalement les populations non bancarisées.
Là où 28 % de la population dispose d’un compte bancaire et 413 millions d’individus vivent dans l’extrême pauvreté, les solutions de transfert d’argent et de paiement des opérateurs mobiles ont contribué au développement, créant une véritable inclusion financière à travers le continent africain. En effet, les fintechs prennent le relais là où les banques sont incapables de capter de grandes parts de la population. En plus d’être éloignées ou trop chers, ces banques traditionnelles ont perdus la confiance de la population dans de nombreux pays africains.
Les fintechs sont la preuves que les nouvelles technologies peuvent produire des solutions efficaces car plus adaptées aux spécifités du continent. Grâce aux nouvelles technologies, certaines villes du continent rivalisent désormais avec les places financières des pays avancés.
Des facteurs à prendre en compte
Les taux de pénétration des smartphones et la forte utilisation d’internet sont des facteurs importants à prendre en compte dans la montée en puissance des fintechs. Le nombre de smartphones ne cesse de croître et devrait atteindre 690 millions d’ici 2025. Cette digitalisation favorise l'essor du e-commerce et l'émergence de plateformes telles que Jumia , Zanso ou encore Bidorbuy.
L'autre aspect à prendre en compte est l'élargissement de la classe moyenne. Comptant 1,2 milliards d’habitants en 2017, le continent africain devrait avoisiner les 2,5 milliards d’habitants en 2050. Cet accroissement de la démographie africaine entraîne immédiatement une augmentation de la classe moyenne. Cette nouvelle classe moyenne, financièrement à l’aise est un facteur essentiel à prendre en compte dans la montée en puissance des fintech.
Enfin, il existe une corrélation claire entre la croissance du nombre de migrants en provenance d’Afrique et la croissance du volume des envois de fonds internationaux renvoyés sur le continent. En 2018, l'Afrique subsaharienne était responsable de 45,6 % des activités d'argent mobile dans le monde, pour des transactions estimées à plus de 300 milliards de dollars. En quête d’alternatives aux opérateurs de transferts d’argents jugés trop couteux, les diasporas africaines se tournent de plus en plus vers les fintechs.
Les limites de l'environnement numérique africain
Malgré l’essor des indicateurs de l’argent mobile dans plusieurs pays africains, le nombre de sociétés Fintech est encore limité. Le principal problème pour les entreprises Fintech est l’adéquation des compétences aux besoins du marché. Il y a un manque évident de compétences techniques et de sophistication commerciale ( intelligence artificielle, blockchain etc...). Ainsi, une main-d’œuvre nombreuse et bien formée serait nécessaire pour la croissance continue de ces écosystèmes de fintechs. Malheureusement, le niveau du système éducatif reste faible en Afrique. Les gouvernements et les membres des différents écosystèmes Fintech devraient travailler main dans la main pour en faire une priorité. Il est indispensable que les pouvoirs publics comprennent l’importance du développement de parcours scolaires et la création d’instituts capables d’être un vivier de talents pour les entreprises fintech.
En Côte-d'Ivoire par exemple, l’un des rares exemples d’institution gouvernementale d’accompagnement des starts-up en général est celui de la Fondation Jeunesse Numérique, dans laquelle l’Autorité de Régulation des Télécommunications (ARTCI) est impliquée en tant que partenaire. Il y a également d’autres structures de soutien telles que l’African Start-up Forum et des structures plus petites mais dans l’ensemble, il existe peu de structures de soutien qui aident l’écosystème Fintech à gagner en maturité.
Mis à part cela, les fintechs africaines font face à un problème juridique. En effet, l’introduction de lois plus souples et mieux adaptées, axées sur les nouvelles technologies sont nécessaires à leur développement. Si l’on prend l’exemple de la Chine, elle a adopté une politique fiscale permettant une taxe de 15% pour les entreprises fintech au lieu de 25% pour les instituts traditionnels. Au Royaume-Uni, une loi adoptée par le gouvernement britannique obligerait les grandes banques à partager les données de crédit des petites et moyennes entreprises.
Les entreprises de télécommunications, d’une certaine manière, entravent le développement des entreprises fintechs. Avec une présence significative sur le marché, ces entreprises sont de plus en plus en concurrence avec les banques dans la fourniture de services financiers. En Côte d’Ivoire par exemple, Orange est l’un des acteurs les plus importants de ce marché. Après le succès d’Orange Money, Orange a investi dans l’extension des opérations d’Orange Bank en Côte d’Ivoire entre autres.
Zoom sur Djamo la fintech ivoirienne
Rompant avec les carcans imposé par les banques traditionnelles, la start-up Djamo se veut être l’application financière de référence en Afrique subsaharienne. Crée par Régis Bamba, jeune entrepreneur passionné d’informatique et l'homme d'affaires Hassan Bourgi, Djamo compte déjà 60 000 utilisateurs. Pratique et rapide, l'application propose une ouverture de compte et un accès à une carte bancaire visa en seulement "deux minutes". De surcroît, la start-up propose une diversité de paiements à ses utilisateurs ( en ligne, en mobile money et à l’international).
Le succès de Djamo repose particulièrement sur son aspect social. Elle se veut proche des populations locales notamment celles issues des milieux défavorisés. Contrairement aux banques classiques, Djamo favorise l’inclusion financière des clients n'étant pas pas forcément à l’aise avec les formalités administratives: « Nous sommes contre la bureaucratie, les formalités administratives, les succursales, les centres de services clients et gestionnaires inefficaces » ont déclaré Régis Bamba et Hassan Bourgi, fondateurs de la boîte.