Que condamnent les médias et les dirigeants politiques quand ils fustigent les violences, celles de la rue, les violences populaires ? Est-ce réellement la violence ou est-ce autre chose ? Ne sont-ils pas plutôt tout simplement terrorisés, non par la violence – qu’ils maîtrisent bien – mais par l’idée insoutenable que l’ordre établi pourrait être bousculé, modifié ?
Il serait hautement paradoxal pour ce système, cet ordre établi, de condamner la violence… Comment nier qu’il génère et alimente les plus atroces violences humaines : quelle plus grande violence que celle des guerres et des génocides ? Quelle plus grande violence que celle de nantis se délectant chaque jour des mets les plus onéreux alors que d’autres citoyens n’ont en fin de mois même plus de quoi nourrir leurs enfants ? Quelle plus grande violence que celle d’une Humanité et d’une Terre asservies pour le seul profit d’une minorité ?
Ce système, cet ordre établi, a autorisé et autorise tout ce qui bafoue les principes de Liberté, d’Egalité et de Fraternité auxquels l’Homme devrait aspirer. Alors finalement, vouloir défendre l’ordre dans ce système et qui plus est par la force – fût-elle proportionnée – ne constituerait-il pas en fait la plus insidieuse des violences ?
Ce système, cet ordre établi, est celui de l’Humanité depuis des siècles et des siècles : c’est le dogme dirigeants / dirigés. Comment ne pas avoir encore compris, avec la lourde expérience qui est la nôtre, que quand certains hommes se voient confier de trop grands pouvoirs, ils finissent systématiquement par en abuser et très souvent surtout pour leurs propres intérêts ? Comment ne pas constater que quand les populations se voient gouvernées par des hommes jouissant de trop grands pouvoirs, elles finissent par devenir l’ombre de ce qu’elles pourraient être, par devenir assistées, apathiques, soumises, effrayées, intolérantes, dangereuses et violentes ?
Comment ne pas conclure que le salut de l’Humanité passera inévitablement par l’abandon de ce dogme archaïque et délétère ?
Oui, ce sera le chaos bien sûr…
Mais peut-être un chaos meilleur que celui-ci.