Seule une poignée d'états dans le monde est capable d'une opération de sabotage d'une telle ampleur. Comme aucun pays de l'OTAN ne pourrait prendre une décision aussi capitale sans l'aval des États-Unis et que des pays comme la Chine n'étaient pas présents en mer baltique, dès le départ il n'y avait que deux candidats plausibles : les États-Unis et la Russie.
D'où l'empressement, pour faire diversion, de désigner la Russie, la coupable idéale de tout. Seulement, comme pour les bombardements de la centrale de Zaporijjia, cette hypothèse n'est pas crédible. La Russie n'avait aucun intérêt à détruire son propre pipeline (il lui suffisait de fermer le robinet) et cela la privait également -ainsi que les européens- d'un outil crucial pour des négociations futures.
Pince-mi et pince-moi sont sur un bateau. Pince-mi tombe à l'eau. Qui reste-t-il? Les Etats-Unis.

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Depuis longtemps, les Etats-Unis ont pour objectif stratégique le divorce entre l'Europe et la Russie, pour affaiblir le concurrent économique allemand et le concurrent géopolitique russe. Ainsi, ils ont exercé une pression continue sur l'Allemagne pour qu'elle abandonne son projet Nord Stream 2, même à l'achèvement des travaux. Et dès le début de la guerre, ils ont insisté pour que les sanctions concernent la non mise en route de Nord Stream 2, mais également l'arrêt de Nord Stream 1.
Les déclarations de la numéro 3 de la diplomatie américaine Victoria Nuland avant : "je veux être claire avec vous aujourd'hui: si la Russie envahit l'Ukraine, d'une manière ou d'une autre, Nord Stream 2 n'ira pas de l'avant" et après : "Je pense que le gouvernement est très satisfait de savoir que Nord Stream 2 est maintenant une épave de métal au fond de la mer." mais surtout celles de Jo Biden (voir ici) résonnent comme autant d'aveux de ce qu'ils ont toujours souhaité.
Car ce sont les seuls à qui profite le crime comme ce sont les seuls à qui profite la guerre. En détruisant les deux pipelines, ils évitent toute possibilité de tergiversations européennes, tout retour en arrière. Les européens sont condamnés à acheter leur gaz de schiste (qui trouve enfin, le hasard est bien fait, des débouchés) mais également des armes, des céréales, etc... sans compter que la future reconstruction de l'Ukraine (qu'il faut donc détruire au maximum?) ne profitera qu'aux américains.
Là-dessus arrive l'article de Seymour Hersh qui affirme que ce sont bien les Etats-Unis les responsables du sabotage, avec la complicité des norvégiens (rappelons que la Norvège est le seul pays d'Europe non impacté et même gagnant -il exporte du gaz- et que le chef de l'OTAN est un homme d'Etat norvégien). Or Seymour Hersh n'est pas n'importe qui. Lauréat de nombreux prix journalistiques dont le Pulitzer, il s'est spécialisé dans les affaires militaires américaines et a éventé de nombreux scandales qui ont eu des retentissements planétaires.
Or ses nouvelles révélations, fracassantes s'il en est, puisqu'il s'agit ni plus ni moins d'un acte de guerre commis par un membre de l'OTAN contre les intérêts vitaux d'autres membres de l'OTAN (en premier lieu l'Allemagne) ont peu circulé dans les médias. Mieux, nos fact-checkers, pourtant si prompts à accuser la Russie sans aucune preuve ni argument, se sont lancés dans une campagne de dénigrement de Seymour Hersh. Si même un prix Pulitzer internationalement reconnu n'est pas crédible, quel journaliste peut prétendre l'être?
Hersh serait trop vieux (=gâteux), controversé (=complotiste), il ne citerait pas sa source (rappelons que la protection des sources est un des fondements du journalisme, garanti par la Charte de Munich et par la cour européenne des droits de l'homme) etc. Dénigrement sur la forme mais sur le fond, rien. Pas de contre enquête sur les détails précis fournis par Hersh, aucune question posée aux dirigeants concernés. Seul le parti d'extrême droite AFD (ici) a osé soulevé la question au parlement allemand.
L'autre fondement du journalisme, la recherche de la vérité, est aux abonnés absents. Il en sera de même des pseudo enquêtes menées par l'Allemagne et par certains pays nordiques, qui progressivement sont soit enterrées soit classées secret défense. La Russie, pourtant accusée, n'est pas autorisée ni à investiguer ni à consulter les dossiers. Les opinions publiques non plus. Les dirigeants savent depuis le début mais les peuples ne doivent pas savoir.
Mais pas savoir quoi au juste?
Que nous sommes devenus une colonie américaine sans même en être conscients? Que nous sommes tellement soumis que nous ne sommes même pas capables de dénoncer un acte de guerre commis par ce pays contre nos intérêts vitaux? Que nos dirigeants et nos médias nous mentent en permanence et nous manipulent? Qu'ils préfèrent servir les intérêts américains contre les nôtres?
On appelle cela, Orwell toujours, le monde libre...