Le projet du dictateur Poutine est clair : récupérer les terres perdues lors de l’éclatement de l’URSS en 1991, piétiner tous les accords internationaux signés par son prédécesseur (Boris Eltsine, ndlr) apportant des garanties sur les frontières, ainsi du mémorandum de Budapest de 1994 qui garantissait à l’Ukraine la sécurité de son territoire (ceci incluant la Crimée) en contrepartie de sa dénucléarisation et in fine obtenir l’affaiblissement de l’OTAN, voire mieux sa disparition. Ce projet révisionniste s’est heurté à la résistance héroïque des Ukrainiens, au soutien financier des Européens et à l’appui militaire des Etats-Unis. Ces derniers préfèrent dorénavant pactiser avec le diable et laisser le champ ouvert à ses appétits.
S’agissant de Donald Trump, ses visées semblent également limpides : démanteler l’Union européenne en la sapant de l’intérieur, comme en atteste l’appui ostensible à tous les partis d’extrême-droite qui n’ont en commun que leur détestation de Bruxelles, afin d’en faire un espace d’expansion pour les convoitises des leaders technologiques (Musk, Bezos, Zuckerberg, …) qui lui vouent dorénavant une dévotion sans bornes. Le nouveau vice-président des Etats-Unis, J.D. Vance, a été parfaitement clair sur ce point lors de son intervention à la conférence de Munich le 14 février 2025. Les propos tenus attestent que les Etats-Unis ne constituent plus des alliés fiables pour l’Union européenne, seuls priment leurs intérêts commerciaux. Dont acte.
De quelle nature sera le deal négocié entre le binôme Poutine-Trump : à Poutine les terres de l’est, soit les oblasts de Louhansk et Donetsk, ainsi que la Crimée au sud et à Trump, les terres rares de l’ouest qu’il compte exploiter pour « rembourser les Américains » des efforts consentis pour soutenir militairement l’Ukraine, en la spoliant de 500 milliards de dollars (voir https://www.lemonde.fr/international/article/2025/02/19/guerre-en-ukraine-donald-trump-exige-de-kiev-des-reparations-colossales-sans-le-moindre-soutien-en-contrepartie_6553532_3210.html ). L'Ukraine ne pourra bénéficier rapidement de garanties militaires sérieuses, car ne pouvant intégrer l’OTAN. Poutine ne veut pas, alors Trump cède…
Ce que propose Trump et son équipe n’est rien de moins que l’équivalent pour les Européens des accords de Munich en septembre 1938 (soit l’abandon d’un allié aux mains d’un agresseur prêt à le dépecer) plus le pacte de non-agression d’août 1939 (soit un partage du monde entre deux ennemis aux ambitions apparemment antinomiques). Il devient donc impossible de considérer qu’Européens et Etatsuniens sont encore des alliés. Dans ce cas, mieux vaudrait en tirer toutes les conséquences et que les forces américaines rompent avec l’OTAN et quittent le sol européen avec armes et bagages. Face au défi qui leur est dorénavant posé, les Européens parviendront bien à s’organiser, sans l’encombrante tutelle de leur ex-allié.
S’agissant du partenariat en cours d’élaboration entre Poutine et Trump, il fait penser à la « lune de miel » qui avait été engagée par le Pacte de non-agression du 23 août 1939 (ou pacte Ribbentrop-Molotov) qui dura près de deux ans jusqu’au déclenchement de l’Opération Barberousse le 22 juin 1941. Reste à deviner qui se substitue à Hitler et Staline dans le contexte actuel et jusqu’à quand durera cette alliance illusoire, comme s’interrogeait Clifford Berryman par sa caricature parue dans le Washington Star le 9 octobre 1939 (voir https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Fichier:Hitler_and_Stalin._Wonder_how_long_the_honeymoon_will_last%3F.jpg). Pointons néanmoins que Poutine bénéficie d’un avantage considérable par rapport à Trump : le temps. Il est en effet possible que Trump se retrouve entravé par les élections de midterms qui auront lieu en novembre 2026. Poutine est quant à lui quasiment assuré de rester au pouvoir jusqu’en 2036 (voir : https://www.lemonde.fr/international/article/2021/04/05/vladimir-poutine-signe-la-loi-l-autorisant-rester-a-la-tete-de-la-russie-jusqu-en-2036_6075624_3210.html). Cela lui donne de la marge pour réaliser ses projets territoriaux…
Deux conclusions semblent s’imposer : pour l’équipe Trump, le cynisme absolu règne dorénavant en politique internationale (seuls comptent les intérêts mercantiles à court terme) et il devient plus pertinent de se montrer humiliant avec ses « alliés » et docile avec son adversaire. Pour Trump, les « alliés » sont des vassaux qui lui doivent allégeance en tous domaines, alors qu’il est possible de tisser des liens économiques « gagnant-gagnant » avec son adversaire.
Un constat en résulte : se montrer faible avec ceux qui ne comprennent que la force ne conduit qu’à renforcer leur appétit et les incite à conduire toujours plus loin leur volonté d'hégémonie. Ceci vaut pour chacun des deux membres du nouveau couple, Poutine, comme Trump. Face aux deux entreprises de destruction qui sont engagées contre elle, l’Union européenne a un rôle historique à jouer, celui du seul modèle s’appuyant sur la démocratie et l’Etat de droit. Elle devrait sur ce point pouvoir compter sur certains alliés, le Canada probablement, le Brésil potentiellement, voire le Japon ou la Corée du Sud. Les cartes de la nouvelle donne géopolitique mondiale sont clairement rebattues.