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Billet de blog 26 septembre 2016

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Une politique de gauche sans militants?

Alors que l'adhésion de militants à des organisations et des partis est en crise depuis trente ans, de nombreuses personnalités politiques de gauche se lancent en politique en contournant toute base militante et en prenant appui sur les piliers de la démocratie de marché: sondages, chaînes de télévision, think tanks, algorithmes.

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L'élection de Jeremy Corbyn à la tête du Labour constitue sans doute un contrepoint majeur à la politique des personnalités de gauche en France qui cherchent à se lancer en politique, au gré des échéances électorales, grâce à des partis qui n'en sont pas réellement. Emmanuel Macron et son "mouvement" En Marche représentent à l'autre bout du spectre l'autre possibilité de faire de la politique sans base militante. Grâce aux questionnaires en ligne, aux sondages et autres "big data" digérés par des machines à calculer et des algorithmes, l'équipe autour de l'ancien ministre des Finances pense pouvoir proposer "une offre" politique apte à incarner l'intérêt général et les aspirations populaires. A mi-chemin entre les deux, nous pourrions situer Jean-Luc Mélenchon qui a lancé sa campagne présidentielle sans discussion préalable au sein du Front de gauche, tout en appelant par la suite aux différents partis composés de militants en chair et en os à rejoindre sa campagne électorale.

L'espace politique aujourd'hui en France témoigne ainsi d'une évolution inquiétante qui consisterait à faire se rejoindre des partis de notables et d'élus, traditionnellement ancrés au centre et à droite, aux partis de cadres et de militants historiquement liés à la gauche, qu'elle soit socialiste, communiste, écologiste ou trotskiste.

Qu'en est-il de la démocratie dans cette évolution? Puisque E. Macron n'a que ce mot à la bouche ces derniers jours. La fin des partis de militants serait-elle synonyme de démocratisation? Permet-elle un progrès dans l'intervention des citoyens dans les affaires publiques? Ou bien un meilleur respect de l'intérêt général, des droits politiques et sociaux du corps politique?

La critique des "appareils" au sein du débat politique ne dit mot toutefois sur la monopolisation du pouvoir par la cooptation médiatique, le capital économique, les instituts de sondange, les think tanks et autres témoins actuels de la "modernité" en politique. Surtout, elle donne l'illusion d'essence bonapartiste - Napoléon III en a été sans doute l'innovateur majeur sans l'avoir voulu - d'une délibération démocratique entre ceux d'en haut et ceux d'en bas en faisant l'économie de toute médiation organisationnelle et institutionnelle pour recueillir la vox populi. De sorte que, au bout du compte, derrière le paravent de la démocratie se profile la censure au profit de la doxa commune et donc de l'idéologie dominante, à savoir celle de la classe dominante.

A l'inverse, le parti fait de militants participe à l'actualisation d'un espace public démocratique. Les militants se réunissent autour d'un projet qui représente l'intérêt général et ils en paient de leur temps et de leurs ressources. Les dirigeants élus au sein d'un tel parti le sont pour leur qualités politiques et leur expérience au sein de l'organisation. Surtout, le débat interne constitue une garantie dans la formation de l'intérêt général et les erreurs ou égarements des uns ou des autres peuvent être débattues, corrigés, etc. Enfin, le mandat des porte-parole est accompagné d'un devoir de représenter la ligne du parti telle qu'elle s'est dégagée dans les débats: en cours de mandat et à la fin on doit rendre des comptes à ses militants.

Les personnalités politiques officiant sans parti de militants n'ont pas ce genre de soucis: ils peuvent dire tout et son contraire le lendemain car ils ne sont redevables que devant l'opinion, qui à tort ou à raison est plus malléable que des militants qui doivent s'acquitter de devoirs plus exigeants que d'allumer et éteindre la télé. Défendre et renouveller les formes d'organisation partidaire apparaît aujourd'hui une nécessité face aux tendances bonapartistes propres à la Ve République mais aussi aux "démocraties de marché".

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