On présente au grand public une version romantique du médicament : les laboratoires créent et distribuent des molécules de synthèse qui auraient des effets positifs sur diverses maladies et allègeraient la souffrance des patients. Dans les faits, si quelques-unes bien connues (comme les antidouleurs de catégorie 1) sont généralement efficaces et sans conséquences notables, la plupart des autres sont nocives. C’est-à-dire qu’on nous cache les effets secondaires et autres conséquences dramatiques (comme les sevrages impossibles) pour mettre en avant des effets mineurs sur le problème d’origine. Sans parler du mensonge sur les tests préalables.
Je conclus que la façon de présenter les médicaments, dans les médias et les cabinets de généralistes, s’apparente à de la désinformation.
Je lisais tout récemment un article sur le Baclofène présenté comme une solution nouvelle à l’alcoolisme. Le médicament n’est évidemment pas une solution à ce fléau. Il offre une dépendance en remplacement d’une autre. Il faut en effet aller se renseigner sur le médicament lui-même, hors propagande, pour découvrir que « l’arrêt brutal de ce médicament peut provoquer de graves troubles neurologiques ou psychiques ». L’arrêt tout court, en réalité. Conséquence trop peu connue de ces molécules poids-lourds (les généralistes évitent d’en parler et qui lit les notices parmi les patients ?) qui causent des dommages sévères en provocant dans le système nerveux central des modifications hasardeuses et lourdes, là où elles promettaient de restaurer la santé. Il y a un fossé entre la promesse implicite de guérison véhiculée autour du médicament, si on veut bien croire la prose complaisante des médias, copié collé des « communiqués de presse » de laboratoire, et la réalité invisible et muette des patients terrassés par les molécules chimiques et qui ne sont même plus en capacité vitale de s’en plaindre.
Le Baclofène est « nouveau ». On peut jouer la mélodie du miracle avec lui, même s’il comporte les mêmes menaces que les benzodiazépines, par exemple, utilisées jusque-là pour le sevrage de l’alcool. Mais de plus en plus de gens connaissent les effets des benzodiazépines dont le sevrage est mission impossible pour beaucoup de leurs utilisateurs, sans parler des effets secondaires qui font regretter à beaucoup d’avoir commencé à en prendre pour des affections qui peuvent être gérées autrement (on prescrit les benzodiazépines pour l’anxiété). Je ne parle pas d’effets mineurs mais de situations réellement dramatiques, horribles, qui laissent des millions de personnes dans le plus grand désarroi. Personne n’en parle vraiment, c’est-à-dire de façon à susciter une prise de conscience collective ou, pour le moins, de la part des autorités.
Il existe de multiples scandales du médicament mais le premier d’entre eux, celui dont on parle le moins, réside dans l’ignorance entretenue du grand public sur le fait que les médicaments ne « guérissent » rien (on laisse croire le contraire) et qu’ils tendent au contraire à aggraver les conditions de départ dans une proportion alarmante (ce qui a pour conséquence paradoxale que des millions de personnes consomment des médicaments « à vie » parce qu’on leur dit que, s’ils souffrent, ils doivent continuer à prendre leur pilule).
Lorsqu’un généraliste ou un psychiatre, avec une mine paternelle ou maternelle, vous prescrit un médicament que vous ne connaissez pas, vous avez tendance à faire confiance. Le médecin jouit encore un peu d’une aura de respectabilité. On se dit « c’est pour mon bien ! ». Mais lorsque surviennent les conséquences d’un usage prolongé de substances qui ne sont pas faites pour être assimilées par un corps humain, il est souvent trop tard. Le piège des molécules chimiques est parfois sans appel. Il y a donc désinformation pour ne pas dire mensonge. Il existe aussi un mythe : le médecin sait que le médicament est problématique mais il a appris à croire que c’est la « meilleure solution », qu’il vaudrait mieux souffrir de ses effets secondaires que laisser un patient avec sa souffrance (prescription compassionnelle, dit-on). Compte tenu des dommages causés par les médicaments, c’est éminemment discutable. Certaines conditions évoluent d’elles-mêmes vers la guérison, si on leur laisse le temps et avec un bon accompagnement. Beaucoup de maux sont entretenus par le médicament. De nombreuses victimes des molécules chimiques savent que c’est le médicament qui finissait par les rendre malade, au bout du compte. C’est vrai pour une proportion alarmante des personnes qui ont pris des antidépresseurs et des anxiolytiques (1). Il y a un déni énorme sur cette question et une façade bien entretenue (les finances des « premiers intéressés » permettent de travestir le fléau en campagnes de salubrité publique).
Si les médecins ne peuvent être qualifiés de criminels, ils pratiquent une forme d’homicide involontaire par leur propension à distribuer, au-delà du raisonnable, des médicaments nocifs, au moins sur le moyen terme, et par le fait que la plupart d’entre eux savent que les molécules de synthèse ne répondent pas à la demande de « santé » (le terme est important) mais à la nécessité de « gérer » des millions de patients pour qui la médecine moderne n’a pas de réponse à leurs difficultés. Ce qui ne résulte jamais en une amélioration de leur santé. C’est un non-dit flagrant. Des millions de personnes dans le monde vivent ainsi dans une semi-somnolence médicalisée à longueur de journées, abrutis et meurtris par des substances artificielles dont l’impact sur le corps humain à court et long terme n’est pas anticipé au moment de leur distribution.
Au lieu d'investir dans l'apprentissage de la gestion de l'anxiété, ou dans un accompagnement précoce des risques d'alcoolisme, le système médical d'aujourd’hui contraint l’être humain docile ou confiant à ingurgiter des poisons qui le tuent à petit feu et enrichissent à tous les coups les laboratoires et les gouvernements qui les taxent (ou les partis politiques qui bénéficient de leur soutien). Qui est coupable dans la mesure où les patients ont été formatés à réclamer massivement des médicaments à chaque malaise ? où se trouve le levier pour sortir de cette situation ? Ne serait-il pas urgent de se pencher sur ce marché trop lucratif de la maladie afin d’ouvrir des voies réelles vers la guérison ? Je sais que mon cri du cœur est encore trop minoritaire dans le système établi pour aller jusqu’à une révolution. Mais lorsqu’on a assisté à certaines choses (voir « l’affaire des essais de Rennes » et le trucage de l’ANSM), ou qu’on les a subies directement, il est difficile de se taire, même si on ne peut pas offrir beaucoup plus qu’une parole désabusée.
(1) Voir Dépression, une épidémie mondiale ? Arte. Michèle Dominici, 2013