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Collaborateur de Justice et Paix France, militant des droits humains, observateur indépendant et autodidacte passionné de la vie politique indonésienne.

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Billet de blog 1 octobre 2025

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Le menu gratuit qui se digère au cimetière ?

Indonésie : Une lycéenne d’un établissement technique à Cihampelas est morte après avoir consommé un repas du programme Makan Bergizi Gratis. Officiellement, rien n’est prouvé ; officieusement, tout accuse. Les autorités temporisent, les observateurs exigent la vérité. Entre promesse sociale et intoxication collective, un projet nutritif vire au scandale sanitaire.

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Le menu gratuit qui se digère au cimetière ?

Indonésie : À Cihampelas, une élève d’un lycée technique est morte et, très vite, son décès est venu se coller à la rumeur déjà lourde entourant le fameux programme Makan Bergizi Gratis (MBG), cette politique censée nourrir les jeunes de façon saine mais qui, depuis des semaines, traîne derrière elle un parfum d’intoxications collectives.

Le nom de Bunga Rahmawati, 17 ans, s’ajoute désormais à la liste des victimes potentielles d’un projet social qui se voulait noble et qui risque de finir comme une caricature bureaucratique : des repas gratuits mais pas forcément comestibles.

L’histoire est presque trop simple : le 24 septembre, plusieurs élèves de son école tombent malades après avoir avalé les portions MBG. Quelques jours plus tard, Bunga succombe. Officiellement, rien n’est encore prouvé. Officieusement, tout le monde pointe du doigt la même gamelle. Le JPPI, un réseau d’observateurs de l’éducation, hurle à la nécessité d’une enquête indépendante. Mais dans ce pays, l’indépendance ressemble souvent à un mot décoratif qu’on accroche à un communiqué.

Les autorités locales, de leur côté, se réfugient dans l’ambiguïté. « Ce n’est pas sûr que ce soit le MBG », disent-elles. Évidemment. Comme si la nourriture servie dans ce programme avait besoin d’un avocat commis d’office. La temporalité, pourtant, accuse : une intoxication massive le 24, un décès le 30. Mais on nous explique qu’elle aurait pu manger autre chose entre-temps, que l’intervalle de quelques jours brouille la piste. Un raisonnement commode : si les symptômes ne sont pas immédiats, ce n’est plus la faute du repas. Et si ça l’est, on parlera de simple coïncidence.

Pendant ce temps, les parents s’inquiètent, les enseignants s’énervent, les élèves continuent de recevoir ces plateaux de nourriture gratuite qui, au lieu de les fortifier, les menacent. La FSGI, fédération des syndicats d’enseignants, demande un moratoire. Mais suspendre un programme phare d’un gouvernement, c’est politiquement suicidaire ; mieux vaut donc laisser planer le doute, minimiser, attendre que l’opinion se fatigue.

Au fond, tout est là : un projet social qui se voulait vitrine de justice, transformé en loterie sanitaire. Soit les repas nourrissent, soit ils intoxiquent. Une pédagogie par le risque. Et face à une adolescente morte, on tergiverse, on renvoie à plus tard, on dilue dans des communiqués aseptisés. Cynisme ou incompétence, la frontière se brouille. Mais une chose est sûre : dans cette affaire, la seule qui a payé le prix fort, c’est une élève qui croyait simplement déjeuner à la cantine.

À noter que, depuis le lancement du programme MBG en janvier dernier, le Center for Indonesia’s Strategic Development Initiatives (CISDI) fait état de 7 368 cas d’intoxications recensés dans les écoles. 

Source :

https://mediaindonesia.com/nusantara/816478/diduga-usai-konsumsi-mbg-siswa-smkn-1-cihampelas-meninggal

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