Indonésie : morts, disparus et colère populaire face à l’apathie présidentielle
Jakarta, 2 septembre 2025 – Dans les rues de Jakarta, de Yogyakarta, de Bandung et jusqu’à Bali, les chants des manifestants se sont transformés en cris de détresse. Les visages sont marqués par la fatigue, la colère, et la peur. Huit personnes ont déjà perdu la vie, vingt-trois autres sont portées disparues.
Pourtant, face à ce drame humain, le président Prabowo Subianto donne l’impression d’assister à la crise comme un spectateur indifférent, plus soucieux de rétablir l’ordre que de réconforter un peuple meurtri.
Une jeunesse fauchée
Les images circulent : un adolescent de seize ans, Andika Lutfi Falah, gît à terre, la nuque brisée par un coup lors d’affrontements près du Parlement. Son corps est porté par des camarades qui fuient les gaz lacrymogènes. Pour sa famille, vendeurs ambulants modestes, la perte est irrémédiable. Comme lui, plusieurs victimes étaient de simples étudiants ou travailleurs précaires, descendus dans la rue pour dénoncer des privilèges politiques jugés indécents.
Des disparitions inquiétantes
Au-delà des morts, l’ombre des disparus plane sur les manifestations. Selon la Commission pour les Disparus et les Victimes de Violence (KontraS), au moins vingt-trois personnes n’ont pas donné signe de vie depuis le début des répressions. Leurs familles errent de commissariat en commissariat, sans réponse claire. Leurs noms s’ajoutent à une longue liste de citoyens engloutis dans l’opacité des opérations sécuritaires.
Un président de marbre
Prabowo Subianto, ancien général au passé controversé, s’est exprimé à plusieurs reprises. Mais ses paroles résonnent froidement. Certes, il a présenté des condoléances pour un conducteur de livraison mort écrasé par un véhicule blindé. Certes, il a promis de supprimer les allocations de logement des députés, symbole de l’arrogance politique qui a déclenché la colère. Mais très vite, son ton s’est durci : il a évoqué la « trahison » et le « terrorisme » pour qualifier certains manifestants, appelant à une répression « la plus ferme possible ».
Pour les familles endeuillées, ces mots sont un coup supplémentaire. « Comment peut-il parler de terrorisme, alors que nos enfants réclamaient simplement justice ? », s’indigne une mère rencontrée devant un hôpital de Jakarta.
Deux poids, deux mesures
Alors que les familles pleurent leurs morts, les 40 policiers blessés lors des affrontements ont reçu un hommage appuyé. Promotions, décorations et promesses d’aide pour leurs enfants. Ce contraste a choqué. Aux yeux des manifestants, il symbolise une hiérarchie cynique des vies : celles des citoyens, sacrifiables ; celles des forces de l’ordre, honorées.
La colère qui monte
Dans les cortèges, les slogans se sont durcis : « Nous comptons nos morts, ils comptent leurs privilèges. » La défiance s’installe envers un président qui, en pleine tourmente, ne parvient pas à montrer d’empathie véritable. Amnesty International et Human Rights Watch exigent des enquêtes indépendantes sur les violences policières. Mais sur le terrain, la peur domine. Les familles continuent de chercher leurs disparus, tandis que les forces de sécurité verrouillent les rues.
L’ombre d’un pouvoir sourd
L’Indonésie traverse bien plus qu’une crise de gouvernance : c’est une fracture de confiance entre un peuple et son dirigeant. Les manifestants n’attendaient peut-être pas des miracles, mais au moins une main tendue, un signe d’écoute. À la place, ils se heurtent au silence glacial d’un président perçu comme apathique, obsédé par l’ordre et l’image de l’État.
Dans un pays où la mémoire des disparitions forcées reste vive, cette nouvelle vague de morts et d’absents creuse une cicatrice supplémentaire. Et l’apathie du pouvoir ne fait que l’élargir.